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Pourquoi l’ancien président de la banque d’Angleterre considère que l’euro est voué à l’échec, et pourquoi l’attitude allemande lui donne raison
©Reuters

Eurostérité

Pendant que l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre dénonce les choix européens relatifs aux politiques d’austérité tout en prévoyant l’échec à terme de la zone euro, le ministre allemand de l’Economie fait la sourde oreille et enfonce le clou de la rigueur au cours du G20 de Shanghai.  

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Dans son livre "la fin de l'Alchimie", l'ancien gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mervyn King, considère que la zone euro est vouée à l'échec, indiquant notamment que "si l'alternative est l'austérité, le chômage de masse, et une dette sans fin, alors quitter la zone euro pourrait être la seule solution pour retrouver la croissance et le plein emploi. Les bénéfices à long terme seraient supérieurs aux coûts de court terme". Comment interpréter une telle déclaration ?

Nicolas Goetzmann : Il est ici indispensable de créer la distinction entre ce que pourrait être l'euro et ce qu'est devenu l'euro. Théoriquement, la monnaie unique est un objectif politique envisageable s'il est soutenu par les populations. Car d'un point de vue purement économique, un tel projet suppose des coûts qui ne peuvent être tolérés que par une population enthousiaste. Si l'euro était une monnaie reposant sur la recherche du bien commun, c’est-à-dire sur la croissance et le plein emploi, l'objectif politique serait à même d'enclencher une réalisation économique positive. Ce n'est donc pas l'euro en tant que tel qui est un problème, mais la façon dont cette monnaie est gérée. Et c'est là que la position de Mervyn King est intéressante. L'ancien patron de la Banque d'Angleterre indique clairement que ce sont les politiques d'austérité et le chômage de masse qui rendent l'euro vulnérable. Or, la réalisation d'une monnaie commune n'oblige en rien de poursuivre une telle stratégie économique. L'euro est devenu une monnaie d'austérité par nature, qui privilégie le capital au travail, et qui préfère le chômage à la croissance, ceci dans le seul objectif d'éviter tout risque d'inflation. C'est ce choix qui est destructeur par nature. Mais il est tout à fait possible de changer cette tendance, et de faire de l'euro une monnaie de croissance et de plein emploi, il ne s'agit, à ce stade, que d'un choix politique que doivent assumer les dirigeants européens. Aussi longtemps que ces dirigeants se contenteront du silence comme seule force de proposition, l'euro restera une monnaie destructrice pour l'emploi et la croissance.

Au cours du dernier G20, Wolfgang Schäuble, le ministre allemand de l'Economie, s'est vigoureusement opposé à tout plan de relance mondial, confortant ainsi la position d'austérité européenne. S'agit-il d'une confirmation de ce que dénonce Mervyn King ?

Le dernier G20 finance de Shanghai a effectivement été insupportable. A la veille de cette réunion, le FMI, l'OCDE, et certains pays ont tout fait pour convaincre l'ensemble des membres du bienfondé d'une grande politique de relance concertée. Cette proposition a été repoussée par Wolfgang Schäuble, qui s'est même permis de dénoncer l'inconséquence de ceux qui cherchent à soutenir l'économie mondiale. Ce qui vient en effet confirmer ce que Mervyn King dénonce, c’est-à-dire l'association entre euro et politique de rigueur. Ce cocktail est tout simplement non viable, à moins de continuer à tolérer, année après année, des résultats économiques catastrophiques au sein de la zone euro. Et cette situation est injustifiable. Car les recettes obscurantistes de Wolfgang Schäuble, qui sont les mêmes que celles de Jean Claude Trichet, sont en train de détruire la zone euro, et cela dure depuis 8 années. Mais c'est également le silence coupable des autres dirigeants, François Hollande en tête, qui est inexplicable. Le Président français pouvait profiter de la situation en s'appuyant sur les recommandations du FMI, de l'OCDE, ou des Etats Unis, pour tenter une contre-offensive européenne afin d'infléchir la position allemande. Mais le seul résultat a été le quasi-silence de Michel Sapin alors que, concrètement, ce que propose Wolfgang Schäuble, consiste à continuer de sacrifier une génération entière d’Européens afin de préserver le pouvoir d’achat des retraités allemands, tout en se justifiant d’un discours moraliste. C’est ce à quoi se résume cette fameuse politique d’austérité, soit un égoïsme total basé sur un raisonnement économique aussi poussiéreux que médiocre.

Existe-t-il réellement une alternative à ce qu'est l'euro ? Est-il simplement envisageable politiquement d'orienter différemment la politique économique européenne ?

Ce qu'indique Mervyn King, c’est-à-dire une sortie de l'euro qui aurait des conséquences lourdes à court terme, mais qui permettrait la réalisation d'un un meilleur résultat sur le long terme, doit quand même être tempéré. Tout d'abord, quitter l'euro ne signifie pas du tout que les nouvelles politiques monétaires de tel ou tel pays seront plus efficaces, et c'est cette incertitude qui pourrait être dévastatrice, notamment en ce qui concerne les plus petits pays de l'ensemble. Qui ferait un pari sur une nouvelle banque de Grèce, du Portugal, qui croirait à nouveau en la Lire ? Puis, envisager une telle solution de sortie de l'euro signifie en creux que chacun renonce à vouloir changer ce que l’euro est devenu ; c’est-à-dire un puissant outil au service de l'austérité. Et ce, sans même avoir essayé. Soit une destruction européenne par simple lâcheté politique. Evidemment, l'enjeu politique est majeur, car l'intérêt intérieur allemand diffère de l'intérêt général européen, mais un rééquilibrage pourrait quand même être obtenu. Simplement parce que l'Allemagne aurait beaucoup plus à perdre d'une telle situation de désintégration que d’une simple réorientation. Mais en dehors de ces considérations, et si la seule offre possible consiste à choisir entre l'euro tel qu'il est aujourd'hui et une sortie, il est évident que pour de nombreux pays, à long terme, la sortie est préférable. A moins de se résigner au chômage de masse sur le long terme. 

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