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La copie privée, ce système français qui se retourne contre la création qu’il est censé encourager
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Absurde

La loi Culture, Patrimoine et Architecture figure parmi les premières lois numériques discutées cette année. Alors que les sénateurs s'apprêtent à voter ce texte en première lecture le 1er mars, le constat est à l'obsolescence du système de financement de la Culture.

Philippe Bauer

Philippe Bauer

Philipe Bauer est Directeur conseil en Affaires publiques dans le cabinet Interel. Il a été le conseil d’une coalition d’industriels qui avait pour objectif de sensibiliser les pouvoirs publics au besoin de réformer le système français de redevance pour copie privée.

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Le texte que les sénateurs adopteront le 1er mars en première lecture est le premier de la série des textes numériques que le législateur examinera au cours de l’année 2016. L’exposition et la diffusion de la culture sont très largement numériques et l’exception culturelle française ne saurait aussi se placer du côté du dynamisme de la création et du rayonnement sans envisager le numérique comme une opportunité.

Or, le débat qui entoure encore la copie privée est emblématique de la méfiance que suscite le numérique et des conservatismes qui brident l’innovation technologique sans favoriser la création artistique. La copie privée est un système qui a été imaginé à l’ère de l’analogique et qui se caractérise par une grande opacité. L’utilisation des revenus qu’elle génère est laissée à la discrétion des sociétés de répartition des droits d’auteur. Dans une commission administrative dont elles occupent déjà la moitié des sièges, ces dernières, qui prétendent représenter tous les artistes, ont voté régulièrement l’augmentation des barèmes de la copie privée et l’assujettissement des nouveaux équipements électroniques. Ces barèmes placent aujourd’hui la France en tête des pays de l’Union européenne où elle est isolée dans la défense de ce système de financement. Or, qui pourrait assurer que la création se porte mieux en France qu’ailleurs en Europe ? Les consommateurs sont peu informés de la copie privée. Un nombre croissant se tourne vers Internet ou l’étranger pour l’achat de ses équipements électroniques car ils y sont moins chers. Ceci représente un manque à gagner pour les industriels et distributeurs établis en France, pour les recettes de TVA de l’Etat et pour les artistes. Pourtant, les consommateurs ne peuvent être soupçonnés de ne pas être aussi attachés à la vivacité de la création artistique française. Enfin, les utilisateurs professionnels qui devraient, selon le droit européen, pouvoir se voir rembourser le paiement de la copie privée, s’en trouvent dissuadés par un système imaginé à dessein comme particulièrement bureaucratique. Et d’aucuns songent aujourd’hui étendre ce système pervers, sanctionné à de nombreuses reprises par le Conseil d’Etat, aux services de l’informatique en nuage pour palier la baisse tendancielle de la pratique de copie. 

Une partie des revenus de la copie privée contribue à financer des manifestations culturelles locales et c’est pour cette raison qu’il faudra aux élus siégeant au Sénat et à l’Assemblée nationale d’autant plus d’audace pour mettre un terme aux abus d’un système obsolète. Pour faire honneur à l’exception culturelle, le législateur devra lui aussi faire preuve de créativité et d’innovation. Il doit réinventer un mode de financement de la culture en France plus transparent, qui ne pèse pas sur l’accès des Français aux équipements technologiques et à la culture, un mode de financement qui n’encourage pas la rente des sociétés de répartition, mais qui soutient l’éclosion des nouveaux talents. 

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