Salon de l'agriculture : ce que risque vraiment François Hollande face à la fronde paysanne<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande au salon de l'agriculture, le 27 février 2016.
François Hollande au salon de l'agriculture, le 27 février 2016.
©Reuters

Mal aimé des agriculteurs

François Hollande s'est fait copieusement hué à son arrivée au Salon de l'agriculture, samedi matin. Le président de la République est loin d'être aimé des paysans, dont le vote est traditionnellement plus à droite. Une note de Jérôme Fourquet (Ifop) exclusive pour Atlantico.

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L'Ifop est un institut de sondages d'opinion et d'études marketing.

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Jérôme Fourquet

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Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Sous l’effet de la baisse des cours, notamment de la viande de porc et du lait, les campagnes françaises sont une nouvelle fois entrées en ébullition. Il ne s’agit pas là d’un phénomène nouveau puisque les producteurs laitiers avaient déjà manifesté à l’été 2009 puis en juillet dernier, dans un mouvement où les éleveurs bovins les avaient rejoints avec notamment une montée à Paris de plusieurs milliers de paysans et de tracteurs. Plus de six mois ont passé et la situation financière de bon nombre d’entre eux s’est encore dégradée, des milliers d’exploitations étant au bord du dépôt de bilan. Dans ce contexte, les plans d’aide sectoriels présentés par le gouvernement n’ont eu aucun effet sur la colère des agriculteurs, attisée par leur profonde désespérance.

1- Un soutien massif de l’opinion à la mobilisation paysanne

Depuis plusieurs semaines, les agriculteurs multiplient les actions coup de poing, en bloquant des axes routiers, des plateformes logistiques de la grande distribution ou en manifestant devant des bâtiments publics ou des grandes surfaces.

Pour spectaculaire et déterminé que soit ce mouvement, il bénéficie d’un soutien large et massif dans l’opinion. 84% des Français pensent ainsi que les actions des agriculteurs sont justifiées. Si plus de cinq personnes sur six les soutiennent donc, il est à noter que ce soutien est très large mais de surcroît ferme puisque la proportion de réponses « tout à fait justifié » atteint 44%, et ce malgré la véhémence des actions qui sont menées.

Comme le montre le graphique suivant, la très grande bienveillance et le soutien de la population envers ses agriculteurs ne sont pas surprenants car les mouvements sociaux initiés par cette catégorie sont traditionnellement très bien compris par l’opinion, même quand ils se soldent par des dégradations.

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La « cote d’amour » dont bénéficient les agriculteurs explique cette attitude qui trouve également son origine dans le fait que cette catégorie professionnelle est perçue comme travaillant dur pour des rémunérations très faibles. Dès lors, quand ils décident de descendre dans la rue pour demander à « pouvoir vivre de leur travail », leur mouvement apparaît comme parfaitement légitime.

On constate également à la lecture du graphique ci-dessus qu’entre juillet 2015 et février 2016, aucun mouvement de lassitude ne s’est fait jour vis-à-vis de la reprise de la mobilisation, qui malgré les désagréments causés (blocage d’axes routiers) et les dégâts causés, est toujours aussi massivement soutenue par l’ensemble de la population.

De manière assez classique, l’intensité du soutien est d'autant plus forte à mesure que l'on se déplace vers la droite de l'échiquier politique : 36% des sympathisants de gauche le trouvent ainsi « tout à fait justifié » contre 47% dans les rangs des Républicains et 62% chez ceux du FN. Mais même dans l’électorat socialiste, 80% des personnes interrogées déclarent considérer comme justifié ce mouvement social.

2- Les agriculteurs, catégorie la plus massivement opposée à François Hollande

Dans ce contexte socialement très tendu, on comprend alors que face à un mouvement très déterminé, qui ne faiblit pas et qui peut compter sur la bienveillance de l’opinion, le gouvernement tente d’apporter des réponses qui seraient de nature à calmer cette « fronde ». Le 17 février, Manuel Valls a annoncé une baisse de 7 points des cotisations sociales payées par les agriculteurs comme le demandait la FNSEA qui organisait le même jour le blocus de Rennes, capitale de la région Bretagne, épicentre de la mobilisation paysanne.

Si la situation économique des agriculteurs est objectivement très dégradée, leur détermination et leur mécontentement face au gouvernement ne datent pas d’il y a quelques mois seulement. Comme on peut le voir dans le tableau suivant, François Hollande a d’emblée fait l’objet d’un rejet massif dans cette corporation structurellement ancrée à droite.

Alors que Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, chacun dans un registre différent (la proximité au monde paysan pour l’un, la valorisation du travail et la volonté de réforme pour le second) bénéficiaient en début de mandat d’une surcote d’environ 20 points dans cette catégorie de la population, la cote du Président socialiste accusait quant à elle un retard de 17 points.

Partant d’un niveau de popularité très bas dans ce groupe social, François Hollande y a ensuite moins perdu de terrain que dans le reste de la population. La chute a néanmoins été sévère puisque sa cote s’est établie, en moyenne sur l’année 2015, à 16% contre 24% dans l’ensemble de la population.

La cote a ainsi été divisée par deux chez les agriculteurs par rapport au début de son mandat (de 30% à 16%) et cette catégorie est aujourd’hui, avec les artisans, commerçants et chefs d’entreprise, celle qui est la plus insatisfaite vis-à-vis du président de la République.

Par-delà les difficultés réelles auxquelles sont confrontés les agriculteurs et les faibles marges de manœuvre dont dispose le gouvernement sur des dossiers où il faut composer avec nos partenaires européens, on mesure à l’aune de ces chiffres pourquoi il est aujourd’hui très compliqué pour François Hollande de renouer le contact et d’apporter des réponses satisfaisantes à une population extrêmement défiante.

3- Quelle traduction de la fronde paysanne lors des élections régionales ?

Le malaise paysan qui s’était déjà exprimé avec force durant l’été 2015 a-t-il eu un impact dans les urnes lors des élections régionales de décembre ? Pour tenter de répondre à cette question, il convient d’abord de rappeler qu’y compris en zone rurale, les paysans ne représentent plus qu’une part marginale de la population dans de très nombreuses communes. Nous avons donc concentré notre analyse sur l’univers des communes « très » rurales, c’est-à-dire celles comptant moins de 1000 habitants (soit environ 700 inscrits) et nous avons calculé les résultats du 1er tour des régionales en fonction du poids des agriculteurs dans la population communale. En tendance, on constate que plus la proportion d’agriculteurs est forte dans une commune et plus le vote pour les listes de la droite et du centre ont été élevés. Ceci confirme le très net ancrage à droite de cette catégorie professionnelle. Si le vote en faveur des listes PS apparaît assez peu indexé sur cette variable, on observe en revanche une vraie corrélation négative entre forte présence d’agriculteurs dans la commune et intensité du vote FN.

C’est dans les communes rurales comptant le plus d’agriculteurs que le parti Marie Le Pen a fait ses moins bons scores. Le vote agricole, bien que lui aussi travaillé par la tentation frontiste, résiste donc davantage que les autres segments de la population rurale. Si l’on dresse une typologie de l’espace rural en trois catégories on voit apparaître les rapports de force suivants : dans les communes rurales à forte présence agricole, la droite et le centre continuent de dominer nettement le FN ; les deux forces font à peu jeu égal dans les communes où la proportion d’agriculteurs oscille entre 3 et 15% ; en revanche, le FN surclasse très nettement la droite et le centre dans les communes de l’espace rural où les agriculteurs ont disparu ou presque.

C’est aussi, comme le montre le graphique suivant, dans ces communes rurales sans paysan que le score du FN a le plus progressé par rapport à l’élection présidentielle de 2012, signe que la poussée frontiste dans les campagnes a été davantage le fait du malaise des milieux populaires ruraux que l’expression des crises frappant le monde paysan.

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