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Y-aurait-il un plan secret de Manuel Valls et d'une partie de la droite pour précipiter la grande recomposition du paysage politique français ?
©Reuters

Machiavel a trouvé son maitre

Alors que l'exécutif a braqué sa gauche avec le texte de loi El Khomri et la menace d'un nouveau 49.3, il vient de trouver le soutien d'une partie de la droite qui, derrière NKM et Alain Juppé, affirme qu'elle votera le texte. De quoi, peut-être, ouvrir la porte à la composition d'une nouvelle majorité.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Quelques mots, comme autant de coups de rabot. Quelques réflexions assénées comme on polit une idée. Comme on patine une théorie folle pour la changer en évidence. Depuis plusieurs jours, depuis qu'a fuité, de façon bien opportune, le projet de loi El Khomri, les proches de Manuel Valls se sont transformés en autant de tailleurs de pierre qui façonnent jour après jour, une drôle de chose. Un étrange objet dont les contours peinent à se dessiner.

Vendredi 19 février, alors que Paris se réveille sous un beau soleil hivernal, Christophe Caresche, un proche du Premier ministre, avale son café sans envie. Sa tête est ailleurs : "A l'Assemblée, on se fait insulter matin, midi et soir. Il y a une radicalisation de la gauche qui s'aligne sur les positions de Jean-Luc Mélenchon. Ils ont leur bonne petite conscience pour eux, leur morale sous le bras. Je crois qu'on ne soutiendra pas le même candidat", lance-t-il tout de go. Et de regretter à peine : "On a deux gauches aujourd'hui irréconciliables, ce qui est un vrai problème. Je vois bien qu'on est dans une contradiction car le fait d'être divisés est mortel et être ensemble alors qu'on ne pense pas la même chose est mortel aussi". Pour ce proche du Premier ministre, même François Hollande a admis l'évidence : "Le Président ne croit plus au rassemblement de la gauche".

Il faut dire que Manuel Valls a mis beaucoup d'énergie à fracturer sa majorité :"Après le débat sur la déchéance, la loi El Khomri nous a laissés abasourdis", explique la frondeuse Fanelie Carrey-Conte. La députée de Paris s'interroge elle aussi : "Parfois, on a mal à la tête à force de réfléchir aux stratégies des uns et des autres". Pourquoi avoir brandi le 49.3 avant même le début du débat parlementaire ? Pourquoi ne pas avoir associé les syndicats à la discussion ? Pourquoi avoir rendu tout débat impossible avec l'aile gauche du PS en la traitant d'archaïque ? Pourquoi se diviser ainsi à moins d'un an et demi de la présidentielle ?

Les proches du Premier ministre, eux, n'ont qu'un seul mot à la bouche depuis quelques temps : coa-li-tion! "Tous les pays qui ont réussi les réformes que l'on entame aujourd'hui l'ont fait grâce à une coalition", explique Christophe Caresche qui cite Gerhard Schröder comme exemple. "Il a affronté le SDP, il a affronté une opposition extrêmement brutale, les gens sont descendus dans la rue". Et le député de Paris d'ajouter : "Il faut avancer avec ceux qui ont envie d'avancer. On a longtemps cru que pour lutter contre le FN, il fallait faire exister un débat gauche-droite, c'est terminé. Aujourd'hui, l'enjeu c'est de démontrer que nous sommes capables de réformer ensemble."

Lors des élections régionales, François Hollande et Manuel Valls ont fait un premier pas vers la droite en acceptant de retirer les listes PS dans les régions à risque. Avec le vote sur la déchéance de nationalité, le soutien d'une partie de l'opposition a été un second pas. Aujourd'hui, un troisième s'apprête à être franchi. En effet, spontanément, 17 députés de droite dont Nathalie Kosciusko-Morizet, Benoist Apparu, Gérard Longuet ou  Philippe Vigier, ont publié une tribune pour soutenir le texte El Khomri. "En donnant un cadre plus objectif au licenciement économique, en prévoyant un barème clair pour les indemnités de licenciement et en rendant possible le recours au référendum en entreprise, le projet de loi va dans le bon sens", estiment les députés de droite qui pourraient ainsi permettre au texte de trouver une majorité à l'Assemblée. Alain Juppé, qui n'est pas député, a lui aussi apporté son soutien symbolique.

L'heure de la grande recomposition serait-elle venue ? "Une recomposition est possible après la présidentielle, avant c'est compliqué", reconnait Christophe Caresche. Tout le monde n'est pourtant pas de son avis : "François Hollande et Manuel  Valls pourraient très bien imaginer une dissolution afin, justement, de mettre en place cette nouvelle majorité qu'ils appellent de leurs vœux", explique un expert électoral qui gravite entre Matignon et l'aile modérée de la droite. On imagine un discours en trois temps : 1- on ne peut plus gouverner avec cette majorité, provoquons donc de nouvelles législatives 2-discutons avec une partie de la droite afin de constituer une majorité d'union nationale 3-passons, pour se faire, un accord électoral avec le centre et une partie des LR du même type que celui négocié en 2011 avec EELV afin de se partager les circonscriptions.

Bien sûr, personne n'énonce ainsi ce scénario, mais la question de leur majorité taraude les proches du Premier ministre : "J'ai dit à Juppé: attention à votre majorité, nous sommes prisonniers aujourd'hui de la nôtre car nous ne l'avons pas choisie, c'est une majorité radicalisée qui nous empêche de gouverner", explique Christophe Caresche. Et un frondeur de confirmer : "Des menaces sur les circonscriptions en vue de 2017, on en entend de plus en plus". "Les gens veulent de l'efficacité", ajoute un autre proche de Manuel Valls, le député Philippe Doucet.

Alors certes, une dissolution est, pour l'instant, impossible puisque le député Sébastien Denaja, a fait voter, le 8 février, un amendement interdisant de dissoudre pendant la durée de l'Etat d'urgence. Mais le gouvernement a bataillé contre cet amendement et Manuel Valls, au cours des débats à l'Assemblée, a affirmé qu'il tenterait de revenir sur ce point lors d'une seconde lecture. Avec peut-être une arrière-pensée derrière la tête.

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