Retour de flamme souverainiste dans le discours de Florian Philippot : tout ne serait-il pas rose au paradis du "FN apaisé" ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Florian Philippot, vice-président du FN.
Florian Philippot, vice-président du FN.
©Reuters

Post séminaire

"Brexit, je dis aux aux anglais, quittez l'UE" a déclaré Florian Philippot sur France Info hier matin, ajoutant : "Quand vous quitterez cette maison de fous, laissez la porte ouverte." Quelques semaines après le lancement du slogan de "La France apaisée", le discours semble de nouveau retrouver son caractère clivant.

Emmanuel  Galiero

Emmanuel Galiero

Journaliste politique au Figaro, Emmanuel Galiero suit les partis souverainistes, le Modem, mais aussi la politique à Paris et à l'échelon de la région Ile-de-France. 

Emmanuel Galiero est le co-auteur notamment de Grandir à Marseille dans les années 1940 et 1950 aux éditions wartberg.

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Atlantico : La sortie médiatique de Florian Philippot sgnifie-t-elle une inflexion de stratégie et/ou de discours du FN à un peu plus d'un an de la présidentielle ?

Emmanuel Galiéro : Au sens strict du terme, il n'y a pas de retour de la ligne souverainiste au FN. De fait, le discours a toujours été celui de Marine Le Pen. La président du Front national s'était exprimée déjà il y a près de 2 ans dans les colonnes du Figaro pour expliquer ce qu'elle comptait faire au sujet de la souveraineté monétaire. Elle avait dit très clairement que si elle était élue, elle négocierait avec Bruxelles pour au final proposer un référendum sur le sujet en France, à savoir si les Français sont pour ou contre la sortie de l’euro. A partir de ce moment-là, soit les Français sont pour et, dans ce cas-là elle négocie avec Bruxelles, soit les Français sont contre et elle démissionne.

Depuis, qu'elle a pris les rênes du parti en 2011, Marine Le Pen a toujours posé la question de la souveraineté économique comme la clé de voûte de son programme économique, mais aussi plus globalement de ses idées politiques. Le contexte actuel a fait que, depuis les régionales, il y a eu des évolutions dans la forme du discours du parti. A l'issu du scrutin de novembre dernier, les cadres du FN se sont rendus compte de la difficulté de confirmer au second tour les scores importants du premier. C'est la raison pour laquelle un débat s’est tenu en interne pour comprendre pourquoi, alors même qu'ils étaient en tête de six régions au premier tour, ils n'ont pas réussi à en remporter ce serait-ce qu'une seule. C'est étonnant, de fait, car un bon score au soir du premier tour donne plutôt une dynamique importante qui aide à remporter le second. Dans le Nord-Pas-de-Calais, le FN a terminé à 42% alors que beaucoup s'attendaient à un résultat beaucoup plus élevé, autour des 48%.

Cette situation a nourri un débat en interne qui existait déjà mais qui est devenu primordial. Le Front national étant très haut dans le vote populaire (notamment dans le Nord-Pas-de-Calais), il s'est dit qu'il fallait s'orienter vers les catégories de la population où il y avait une forte marge de progression, notamment en premier lieu, les électeurs de la droite conservatrice et les retraités où le parti de Marine Le Pen plafonne entre 15 et 20%.

Par conséquent, la conclusion du séminaire du FN à Etiolles (Essonne) était de constater que le parti n'était pas assez lisible et intelligible sur son programme économique. L'idée était alors de le rendre plus accessible et plus clair, mais encore une fois sans en changer le fond, c'est-à-dire la souveraineté dans tous les domaines, notamment monétaire. Le seul problème qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir comment argumenter ce projet économique sachant qu’il n’est pas compris, pas entendu et difficile à débattre parce qu’il s’agit d’un sujet très technique. Donc oui, il y a eu une inflexion sur la forme, mais pas sur le fond.

En ce qui concerne ce changement dans la forme du discours FN, peut-on parler d’un paradoxe entre les notions de souveraineté et de "France apaisée" ?

Du point de vue des frontistes, il y a tout d’abord le constat d’un "désastre" économique, social, etc. Selon eux, la France s’enfonce dans une forme de marasme. Et dans ce climat anxiogène, les seuls qui peuvent apaiser et rassurer la société sont ceux qui proposent des solutions et qui vont donner "la vérité", sous-entendu le FN. L’argument développé est de dire que ses représentants ne vont pas changer d’idée à des fins purement électorales mais pour mettre en place de "vraies" solutions. Finalement, selon leur rhétorique, ces solutions qu’ils vont apporter à la France inquiète vont permettre de l’apaiser. C’est l’idée de vérité comme élément d’apaisement.

Derrière cette France apaisée, il y a la notion de France unie. N’est-ce pas contradictoire avec le discours originel du FN ? Comment résoudre cette équation ?

Les cadres du FN pensent que la France est touchée dans son ensemble par la crise et que la marge de progression du FN est importante chez les classes moyennes qui commencent à subir le contrecoup le matraquage fiscal. Ce slogan fait partie intégrante de la stratégie initiée par Marine Le Pen dès 2011 dite de dédiabolisation du Front national. La France apaisée s’inscrit dans le prolongement de cette démarche engagée par une présidente qui avant d’arriver à la tête de son parti avait déjà lancé une réflexion économique. A l’époque le FN avait des fondamentaux sur la sécurité et l’immigration. Et c’est Marine Le Pen qui a souhaité construire un programme économique plus audible. Donc la France apaisée s’inscrit dans cette démarche qui se base sur la souveraineté tout en tentant en parallèle de diaboliser une formation qui, on l’a encore vu lors des régionales, est toujours fortement diabolisée.

Au vu de certaines interviews, le Front national semble donner l’impression de propos ambigus. Sur la question de l’euro, invité de RTL lundi 8 février, Florian Philippot a déclaré : "Le Front national défend la souveraineté nationale et donc la souveraineté économique et monétaire." Le soir même Marine Le Pen expliquait sur TF1 : "Il n'a jamais été question de sortir de l'euro, jamais !". Le FN ne joue-t-il pas sur deux tableaux en même temps ?

Si vous écoutez bien les interviews auxquelles vous faites allusion, Marine Le Pen ne se contredit pas. Lorsqu’elle annonce sur le plateau de TF1 qu’elle n’a jamais dit qu’elle quitterait la zone euro si elle est élue Présidente de la République, ce n’est pas faux. Elle n’a jamais tenu de tels propos. Elle a toujours affirmé qu’elle voulait se retirer de l’euro, mais elle a toujours parlé de référendum. Elle assume d’une certaine façon le caractère populiste de sa démarche. L’idée est de revenir au peuple.

C’est uniquement sur cette base là qu’est envisagée une sortie de l’euro. Elle est d’ailleurs allée plus loin en expliquant que si elle perdait le référendum, elle ne pourrait pas agir et quitterait donc ses fonctions à la manière d’un de Gaulle (NDLR : de Gaulle se retire de la Présidence de la République après avoir perdu en 1969 le référendum sur le Sénat). C’est le maire de Béziers, Robert Ménard, qui a soufflé l’idée de consulter le peuple afin que le programme économique fasse moins peur aux Français et de le rendre plus réalisable. Donc Marine Le Pen n’a jamais posé la sortie de l’euro comme un fait établi une fois qu’elle arrivait au pouvoir. Cette décision est bien conditionnée aux négociations avec Bruxelles et au résultat du référendum.

Il est sans doute un peu tôt pour le dire, mais ce slogan de la "France apaisée" est-il (ou en tout cas peut-il) être efficace ?

C’est très compliqué de mesurer l’impact de cette stratégie aujourd’hui. Le FN construit sa stratégie pour 2017 en sortant d’une élection difficile (NDLR : les régionales) et d’un séminaire important . La présidentielle est dans moins de 15 mois. Pour Marine Le Pen, cette élection est la rencontre d’un peuple et d’un individu, au-delà des partis d’ailleurs. Mais il y a une difficulté majeure qui est que le FN a du mal à transformer l’essai du premier tour. Les régionales ont montré que quelque soit les scores du premier tour, le FN n’arrive pas à gagner au second. Il y a pour le moment une forme d’incapacité technique d’accéder à l’exécutif.

On peut postuler le fait que si au second tour de la présidentielle, elle doit affronter une figure de la droite ou de la gauche, ce même problème se représentera. Comment peut-elle s’en sortir ? Les cadres du FN sont persuadés qu’elle peut jouer sur l’aspect plébiscitaire de l’élection entre un candidat et les Français à un moment donné et à l’instant T. Mais il est vrai qu’il y a aujourd’hui un problème technique électoral qui n’a pas été résolu. Et pour donner à Marine Le Pen, cet élan plébiscitaire, il faut donner l’image d’une candidate qui ne va pas scinder la population française. Opposants politiques et médias critiquent souvent le fait que le FN soit un parti clivant qui monte des populations les unes contre les autres. La parti de Marine Le Pen répons à ces attaques en construisant cette image d’une formation de l’apaisement.

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