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Saint-Valentin : les business models du célibat
©Reuters

Satisfait ou remboursé ?

Le célibat est à la mode. A la télévision, devant ses proches, dans les one-man show, il s'impose non plus comme un tare mais dorénavant comme une liberté affichable. Passer sa Saint-Valentin tout seul n'est même plus un problème. A défaut de séduire leur partenaire, les célibataires ont la cote auprès des entreprises de l'amour.

Vincent  Mangematin

Vincent Mangematin

Directeur de la recherche, Professeur au département Management et Technologie à Grenoble Ecole de Management.

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Films, séries, Télé réalité mettent en scène des célibataires. On peut citer le mythique Sex and the City, qui raconte le quotidien de quatre femmes célibataires, leurs amours, leurs espoirs et leurs sorties entre copines ou bien Hitch – expert en séduction qui décrit le coaching de célibataire en mal d’amour et de séduction ou encore l’Amour est dans le pré qui reflète les difficultés des agriculteurs.

À chaque fois, le célibat est abordé de différentes manières : rapports hommes/femmes, solitude et souffrances, sorties et liberté, solitude du dimanche soir, quête aléatoire de sa parfaite moitié ou d’un coup d’un soir.

Les mariages et les PACS en France.INSEE

Mais les business du célibat ne se limitent pas aux situations du célibataire en quête de l’amour. L’Auberge espagnole raconte les colocations étudiantes à l’étranger, chacun étant célibataire ou seul pour un moment. On peut aussi penser au célibat des seniors avec les maisons semi-médicalisées, les loisirs qui leur sont destinés (croisières, événements culturels, cures…) ou l’alimentation spécifique. Moins glamour, le célibat des personnes en situation difficile ou marginalisées (précarité, prison…).

Du célibataire au solo

Le célibat est un phénomène aux contours flous. C’est un ensemble disparate de marchés, pour lesquels le célibat n’est pas une caractéristique à mettre en avant : la colocation est pratique et peu onéreuse, la maison médicalisée une nécessité, les portions individualisées permettent de ne pas gaspiller. Jusqu’à une période récente, le célibataire était vu comme un couple en devenir. Le célibat est une situation transitoire qui ne constitue pas un marché en tant que tel. La transformation des modes de vie met en lumière une nouvelle catégorie : le solo, célibataire qui a choisi de vivre seul.

Le solo a un mode de consommation spécifique et constitue un marché important, tant en logement qu’en loisir ou services. Rentrent dans cette catégorie les célibataires, les divorcés ou les célibataires géographiques. La vie amoureuse du solo est aussi nomade.

Si le solo est un marché spécifique, l’amour, la promesse, la solitude et le couple constituent les meilleures possibilités de business. Que ce soient la dot ou les marieuses, que ce soient les agences matrimoniales ou les sites de rencontres, célibat, mariage, ou rencontre amoureuse riment avec préoccupations économiques. Et les acteurs économiques imaginent de nouvelles possibilités pour explorer les ressorts de la vie amoureuse. Les nouvelles technologies transforment les modes de mises en relation entre les personnes, facilitent les échanges réels et permettent, de manière paradoxale, les rencontres inopinées et impromptues. Chaque personne entretient ses réseaux d’amis, aussi bien en réel qu’en virtuel. Les relations sont à la fois directes et distantes.

L’univers de la rencontre

De même, les rencontres de hasard existent aussi bien au café du coin, au camping ou lors de voyages organisés que via les réseaux sociaux. Les nouvelles technologies permettant à chacun de s’identifier et d’identifier des personnes du réseau dans le voisinage. Les réseaux sociaux, qu’ils soient dédiés aux célibataires comme Meetic ou généraliste Facebook permettent de réduire les obstacles à la rencontre. Et c’est le principe fondateur du business autour du célibat.

La rencontre en ligne en France

guide-sites-rencontres.fr

On peut emprunter à la célèbre romancière et essayiste Camille Laurens le triptyque obstacle, promesse, érotisme pour comprendre la formation des business du célibat. L’auteure explique que « la rencontre [amoureuse] est la déclinaison d’un fantasme initial qu’on a en soi sans forcément le connaître ». On a ainsi tous les ingrédients permettant de créer de nouveaux business profitables : l’amour est une chimère et chacun investit pour la poursuivre, le même schéma pouvant se répéter plusieurs fois. La rencontre est difficile et le premier pas est le plus coûteux. Les nouvelles technologies ont réduit l’engagement lié à ce premier contact. Les distances géographiques sont abolies. La distance sociale est aussi repoussée. La rencontre peut avoir lieu.

Répartition 2015.

Plusieurs ingrédients viennent renforcer l’attrait du digital : les personnes ne se voient pas immédiatement et mystère et séduction vont souvent de pair. Chacun a le temps d’imaginer l’autre, de se projeter dans une hypothétique relation d’un moment ou d’une vie. Chacun projette ses désirs, ses projets ou ses fantasmes. Le temps qui s’écoule entre la première prise de contact et la rencontre effective s’étend comme une promesse d’un avenir heureux. La promesse n’est pas formulée mais elle est bien réelle, même si chacun se la fait à soi-même.

Elle est à la fois amoureuse et érotique. Amoureuse car la recherche implicite est celle du grand amour ; érotique car le virtuel permet à chacun de se forger une image, d’interpréter, d’imaginer. Ne pas savoir si la rencontre dépassera le stade digital crée une tension qui renforce la dimension érotique. La rencontre digitale revisite la rencontre amoureuse. Il ne s’agit pas d’un marché du célibat mais d’activités qui se déploient au cœur des tensions entre obstacles, promesse et érotisme.

Business models plutôt que marché

La notion de business models émerge pour conjuguer les éléments de ce triptyque. Le business model est une anticipation par l’entreprise de ce que les clients veulent, comment ils le veulent, et comment l’entreprise peut s’organiser pour répondre au mieux à ces besoins, monétiser cette réponse et en tirer un bénéfice. On préfère la notion de business model à celle de marchés quand les marchés sont hypersegmentés et quand les évolutions technologiques transforment les modalités de l’échange.

Cela a été le cas avec la musique en ligne qui dématérialise les supports, c’est aussi le cas avec le digital qui transforme la rencontre. Grâce à la notion de business models, on peut décortiquer les mutations des business du célibat et mieux comprendre les mécanismes rationnels des sites de rencontres traditionnels ou pulsionnels des applications géolocalisées comme Tinder ou Happn. On peut comprendre la variété des applications et des sites, mais aussi comment le maintien des tensions entre érotisme, obstacles et promesses permet de développer de nouvelles activités.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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