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Israel pourrait bénéficier des printemps arabes malgré la montée des Frères musulmans
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Conflit israëlo-arabe

Les élections législatives en Égypte, dont la dernière phase se déroule actuellement, sont marquées par une montée des Islamistes, Frères musulmans et Salafistes en tête. Mais ce n'est pas forcément inquiétant pour Israël, car le printemps arabe peut également faire vaciller le régime palestinien...

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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Il est devenu de bon ton d’affirmer – certains craignant le phénomène, d’autres, au contraire, s’en réjouissant – que la révolte des peuples arabes représente une menace pour Israël, que l’éclosion d’une opinion publique et la formation de gouvernements sortis des urnes dans le monde arabo-musulman modifieront les rapports de force dans la région dans un sens défavorable à l’Etat hébreu.

A n’en pas douter, bien des incertitudes pèsent sur l’issue de la révolte arabe et l’impact de celle-ci sur la paix dans la région. Des mouvements islamistes, aux visées dictatoriales et vouant Israël aux gémonies, sont en train d’assumer un rôle de premier plan dans plus d’un pays d’Afrique du Nord, et pourraient éventuellement le faire aussi au Moyen-Orient. Plus inquiétant encore, la montée des islamistes en Egypte fragilise l’une des pièces maîtresses de la stabilité régionale, à savoir : le traité de paix israélo-égyptien de 1979.

En même temps, cependant, la configuration du pouvoir qui se dessine dans la région, consécutive à la révolte arabe, comporte des éléments qui jouent, ou peuvent jouer, en faveur d’Israël. Les voici.

L’axe Iran-Syrie-Hezbollah sort ébranlé par la révolte arabeL’effondrement éventuel du régime syrien (hypothèse de plus en plus plausible) priverait, et l’Iran de son seul allié dans la région, et le Hezbollah de sa base arrière ainsi que du conduit par lequel Téhéran alimente cette organisation terroriste en armes et argent. Puis, les propos virulents tenus par le leader du Hezbollah contre les manifestations en Syrie éliminent le peu de crédibilité que cette organisation pouvait encore garder dans la région.

D’autre part, les ayatollahs de Téhéran ont peur de voir la contestation gagner leur pays. Aussi des dissensions pourraient-elles surgir, au sein du pouvoir iranien, quant aux avantages de poursuivre un programme nucléaire qui, par le fait de mener à des sanctions économiques internationales – et éventuellement à des frappes militaires – contribue à la détérioration économique du pays, ce qui pourrait accroître le malaise social et, par voie de conséquence, la probabilité d’une contestation de grande ampleur en Iran[1].

La popularité dont jouissent actuellement un nombre d’organisations islamistes ne tiendra pas face à l’épreuve de l’exercice du pouvoirComme tout mouvement démagogique, les Islamistes peuvent duper et gagner les votes de majorités crédules ; ils pourront beaucoup moins facilement empêcher celles et ceux qui étaient sortis dans les rues, réclamant liberté et égalité des droits homme-femme, de reprendre leur combat dès qu’ils commenceront à se sentir étouffés par le carcan de la charia.

L’incompatibilité entre le programme islamiste et le désir de liberté et de progrès économique qui anime la population arabo-musulmane, n’est plus à démontrer. Il suffit d’aller demander ce qu’en pensent les Iraniens qui ont manifesté en 2009 pour protester contre le régime des ayatollahs, les Libanais qui ont par leurs voix montré leur désaffection pour le Hezbollah lors des élections tenues cette même année, et enfin les Palestiniens de Gaza qui en mars dernier réclamaient des élections avant de voir leurs manifs interdites et réprimées par le Hamas.

En Egypte, les tensions entre l’appareil militaire et un gouvernement dominé par la mouvance islamiste restreindront la capacité de nuisance de cette dernière. Les Frères musulmans et les militaires égyptiens s’apprêtent à partager le pouvoir. Or, le leur sera un mariage de raison, avec tout ce que cela implique en termes de méfiance réciproque.

Dans ces conditions, il ne sera pas trop difficile pour l’Etat juif – qui a su tisser au fil des années des liens de respect et d’empathie professionnelle avec les militaires égyptiens – de trouver, au sein de l’armée égyptienne, des interlocuteurs prompts à lui fournir des renseignements stratégiques sur les intentions et les manœuvres du gouvernement central. Dit crument : l’armée égyptienne sera aisément infiltrable par Israël, ce qui devrait dissuader les Frères musulmans de déclencher des hostilités contre Israël.

Et même, à supposer que les islamistes au pouvoir au Caire décidaient malgré tout de provoquer un conflit avec Israël, on voit mal les militaires égyptiens s’investir à fond dans la besogne.

La révolte arabe pourrait inspirer les Palestiniens à demander des comptes, eux aussi, à leurs représentants. Les signes de malaise entre les Palestiniens et leurs dirigeants s’accumulent.

Si en 2006 les Palestiniens ont donné leurs voix au Hamas, c’est parce qu’ils en avaient assez de la corruption du Fatah de Mahmoud Abbas. Or, il s’avère que, une fois au pouvoir, le Hamas ne fait que décevoir la population[2]. Rien d’étonnant, donc, que des milliers de Palestiniens de Gaza aient manifesté en mars dernier pour réclamer la tenue d’élections, et ce dans l’espoir de desserrer l’étau du Hamas.

Quant au Fatah, Mahmoud Abbas a présenté comme un grand succès la reconnaissance d’un Etat palestinien par l’Assemblée générale de l’ONU. Des manifestations de liesse ont été organisées en Cisjordanie pour célébrer l’événement. Plus forte sera la déception des Palestiniens, et leur colère contre leurs dirigeants, quand ils constateront que le morceau de papier signé par l’Assemblée générale de l’ONU, et ensuite par l’UNESCO, ne leur aura apporté aucune amélioration dans la vie de tous les jours.

Les conditions seront alors réunies pour un "Printemps" palestinien dirigé contre le leadership palestinien.

Voilà pourquoi ce n’est pas tant Israël, mais ses ennemis, qui ont du souci à se faire à cause de la révolte arabe et des retombées de celle-ci.


[1] La forte chute de la monnaie iranienne, survenue le 1er janvier suite à l’annonce d’un durcissement des sanctions américaines, a de quoi faire réfléchir le régime iranien.

[2] Sur la perte de popularité du Hamas à Gaza, voir « Why Hamas is losing Gaza », TIME, 17 Octobre 2011 ; et « Vivre avec le Hamas », La Presse (Canada), 22 septembre 2011.

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