Tribune
Remaniement paradoxe : François Hollande réussit une nouvelle manœuvre politique mais peine à retrouver du souffle vis-à-vis des Français
L'Elysée a bien cédé aux canons de la modernité en matière de communication en annonçant les départs et les nominations par Twitter, mais c'est une bonne potée à l'ancienne qui avait été mitonnée par un chef qui a montré qu'il avait gardé la main pour la manoeuvre politique.
Anita Hausser
Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015).
Pour ce qui devrait être le dernier remodelage de l'équipe gouvernementale avant 2017, François Hollande ne s'est pas contenté de remplacer Laurent Fabius en partance pour le Conseil Constitutionnel, et Sylvia Pinel qui va se consacrer à la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Il a surpris en procédé à un véritable remaniement ministériel, en créant une certaine surprise habilement orchestrée. L'Elysée avait fait savoir qu'un simple communiqué annoncerait les changements de têtes ; information qui a conduit les observateurs à conclure qu'il s'agirait d'un événement sans ampleur. C'était un leurre. L'Elysée a bien cédé aux canons de la modernité en matière de communication en annonçant les départs et les nominations par Twitter, mais c'est une bonne potée à l'ancienne qui avait été mitonnée par un chef qui a montré qu'il avait gardé la main pour la manoeuvre politique.
Le retour de Jean-Marc Ayrault pour le Quai d'Orsay ? Un geste de reconnaissance pour celui qui fut un de ses meilleurs soutiens avant de devenir son premier Ministre, fonction ingrate et instable. L'ancien maire de Nantes l'a appris à ses dépens. Sa nomination au Quai d'Orsay a failli éclipser le joli coup politique, à détentes multiples, que constitue la nomination d'Emmanuelle Cosse au Ministère du Logement. On attendait certes Barbara Pompili ou Jean-Vincent Placé, tous deux en rupture avec EELV. Mais avec Emmanuelle Cosse, François Hollande atteint sévèrement Cécile Duflot. L'ancienne patronne des Verts se retrouve cornérisée à double titre. D'abord parce que Jean-Luc Mélenchon qui chasse sur les mêmes terres électorales qu'elle en lui disputant le terrain de la radicalité, a déjà fait acte de candidature à la présidentielle,- au grand dam des Communistes avec qui il est censé faire cause commune au sein du Front de Gauche. Mais surtout parce que François Hollande a fait définitivement imploser EELV, dont Emmanuelle Cosse maintenait un semblant de cohésion. Mine de rien, les communistes ont (indirectement ?), aussi eu droit à une petite attention. L'arrivée de Jean-Vincent Placé au gouvernement va permettre à son suppléant, communiste de siéger au Sénat. Les écologistes n'étant qu'au nombre de dix, ne seront plus assez nombreux pour continuer de former un groupe autonome avec quelques moyens de fonctionnement. Et le groupe communiste, tout aussi peu nombreux, verra arriver avec plaisir une nouvelle recrue.
Et puis il y a d'autres intentions, à plus long terme. Imaginons que ce gouvernement de la dernière chance prenne quelques mesures écologiques fortes, "non punitives" dans les prochains mois . A quoi bon alors une candidature de Nicolas Hulot à la présidentielle ? A cet égard la décision d'organiser un référendum local pour régler le cas de l'aéroport de Notre Dame des Landes est audacieuse, mais ne constitue pas pour autant une garantie de concrétisation du résultat. L'approbation signifierait le démantèlement de la ZADE et le début des travaux ; le refus provoquerait de graves dissensions entre le pouvoir parisien et le monde économique et politique de tout le Grand Ouest, - tous bords confondus. Pas tout à fait dans l'esprit de ce que souhaite François Hollande, à savoir "avancer". Faut-il également entendre par "avancer" l'option ouverte par le chef de l'Etat à propos de la réforme constitutionnelle sur la déchéance de la nationalité ? "Pas trop de navettes" signifie qu'il est prêt à renoncer purement et simplement au projet si l'Assemblée et le Sénat ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un texte dans les prochaines semaines.
Traduisez : le président de la République qui sait compter a noté que plus de quatre vingt députés socialistes avaient voté contre la réforme , le double de ce qu'on attendait... C'est qu'il reste peu de temps pour "réformer" et surtout pour tirer les bénéfices des réformes annoncées. A ce propos encore un mot sur le remaniement. La ministre du Travail vient de se voir adjoindre une secrétaire d'Etat, en la personne de Clotilde Valter qui n'aura effectué qu'un bref passage au secrétariat d'Etat à "la Simplification administrative". On parierait que cette élue normande qui a fait ses classes chez Lionel Jospin fera discrètement office de Ministre bis dans l'ombre. Mais au delà de tous ces ajustements, et dosages politiques, que retiendront les Français de l'interview-explication de textes de François Hollande ? Qu'il veut "avancer", et vite. Son débit laissait deviner son impatience. Comme s'il voulait rattraper le temps perdu. Il se heurte, comme ses prédécesseurs, à la lenteur des procédures législatives ou administratives qui font de la France une véritable bureaucratie. Les belles intentions affichées dans ce domaine ont disparu. Aujourd'hui, la petite musique de la "réforme" suscite surtout le scepticisme, voire l'indifférence. Les Français attendent des résultats : dans le domaine de l'emploi, ce qui à l'heure actuelle, relève de la gageure. François Hollande ne l'ignore pas. Mais en remaniant François Hollande a montré qu'il restait maître du jeu politique à gauche. Et ça, ses adversaires ne peuvent pas l'ignorer.
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