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-25% pour le CAC 40 en 12 mois : combien de temps avant que l’économie réelle en subisse les conséquences ?
©Reuters

Pas de panique

Alors que la bourse française a perdu près d'un quart de sa valeur depuis environ un an, les perspectives de propagation de cette crise financière sur l'économie réelle ne sont pas forcément aussi noires que ce que certains affirment. Encore faut-il que la baisse des marchés ne soit pas trop vite interprétée comme un signe de récession.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Depuis avril 2015, on observe que le CAC 40 a perdu près de 25%. Cette crise financière, si on peut l'appeler comme cela, est-elle de nature à avoir un impact sur l'économie réelle ? Avec quelle ampleur et dans quels délais ?

Jean-Paul Betbeze : La situation boursière française est effectivement sérieuse, mais plus comme un reflet de ce qui se passe ailleurs que de questions proprement françaises. De fait, les questions qui sont partout présentes concernent la chute des prix du pétrole et ses effets, le "ralentissement chinois", ses causes et sa gestion, plus une reprise américaine qui faiblit et une situation européenne qui n’arrête pas de se complexifier. Devant cette accumulation de problèmes, qui peuvent avoir des effets positifs (par exemple la baisse du prix du pétrole ou celle des taux d’intérêt), les marchés boursiers mettent plutôt l’accent sur l’accumulation elle-même. A force, se disent-ils, les entrepreneurs vont freiner pour investir et les consommateurs pour consommer.

Cependant, pour le moment, les consommateurs français résistent plutôt et la dernière enquête de l’Insee montre, en janvier, des entrepreneurs qui veulent investir davantage. La bourse n’a donc pas encore infléchi les intentions, mais elle reste omniprésente dans les esprits. Le plus vraisemblable, alors, est qu’elle conduira à des pauses de réflexion, avant de consommer ou d’investir, autrement dit à un ralentissement.

Quels sont les secteurs de l'économie les plus exposés à cette baisse des valeurs boursières ? Doit-on également s'attendre à un effet sur l'emploi ?

La baisse boursière affecte le secteur pétrolier et parapétrolier, mais avec des écarts notables (Total par exemple), ainsi que le secteur bancaire et financier. Pour le pétrole, il s’agit de compagnies très endettées, mais ceci est vrai surtout aux Etats-Unis. Ici, ce sont plutôt les sociétés qui aident à explorer ou qui fournissent des équipements. Les interrogations bancaires ne viennent pas ici des interrogations sur le financement du secteur, qui se fait surtout par obligation, mais des effets du ralentissement et de la désinflation. L’Italie a inquiété les marchés sur ses crédits supposés peu provisionnés, et cette question devra être traitée. La Deutsche Bank inquiète sur ses changements de direction et de management, avec chaque fois des provisions (des pertes) à la clé. Mais quand la Société Générale annonce de bons résultats, mais baisse parce qu’elle ne peut s’engager sur les résultats de l’année en cours, nous sommes dans l’excès de nervosité ! Il y a donc des excès, et ils pèseront sur la reprise et sur l’emploi.

La crise financière de 2007-2008 avait des causes différentes, mais peut-on s'attendre à un impact similaire sur l'économie réelle au niveau mondial ? Si c'est le cas, comment l'éviter ?

La crise 2007-2008 (voir mon livre La guerre des mondialisations, Economica, janvier 2015) vient des excès de crédits américains. C’étaient les fameux subprimes. Aujourd’hui, on observe que c’est des pays émergents que vient la crise ! Dans cette situation, les pays "émergés", industrialisés, ne peuvent que maintenir leurs politiques monétaires accommodantes, avec des taux très bas longtemps. Et les pays émergents doivent parler plus clairement sur ce qu’ils vont faire.

En quoi les marchés boursiers sont de précieux indicateurs prédictifs au service des autorités publiques ? Le crash observé en 1987 n'avait pas été suivi de récession en raison d'une forte réaction des autorités, en l’occurrence de la FED. Peut-on faire un parallèle aujourd'hui ?

Les marchés boursiers prévoient des résultats et des valorisations en fonction des messages qu’ils reçoivent des sociétés, dans un environnement lui-même prévisible. Or, l’environnement est aujourd'hui instable et les prévisions des entreprises sont forcément réduites. Elles ne veulent plus s’engager, craignant d’être sanctionnées. Pour l’heure, l’économie des pays industrialisés continue de croître, mais plus lentement, et celle des pays émergents est en net ralentissement. Avec le pétrole et les autres matières premières, il y aura même des accidents. Mais, encore une fois, les taux sont très bas, les profits remontent, les changes sont souvent sous-évalués et nombre de valorisations d’entreprises trop faibles. Nous n’en sommes donc pas à une récession américaine, alors que l’économie est en plein-emploi ! Mais il est vrai que Janet Yellen (Ndlr : présidente du conseil des gouverneurs de la Fed) doit s’engager plus, à l’instar de ce que fait son collègue Mario Draghi. Dans un monde inquiet et qui ne sait pas traiter les messages qui lui viennent, il lui faut des guides pour aider à se projeter et relativiser. Le risque est donc qu’on interprète la baisse actuelle comme un signe précurseur de récession et que la prévision devienne auto-réalisatrice. Il n’y a pas de raison, mais malheureusement ce n’est pas la raison qui est aux manettes aujourd’hui !

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