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Le spectacle consternant de la réforme constitutionnelle - Jusqu'ici, tout va bien...
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Beaucoup de bruit pour rien

François Hollande s’est lancé dans une réforme constitutionnelle, en réponse aux attentats du 13 novembre et, le moins que l’on puisse dire, est que le spectacle offert par le gouvernement et par la représentation nationale à cette occasion est tout à fait navrant.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le texte de la réforme constitutionnelle

J’imagine que très peu de Français ont lu le texte du projet de loi. Je le produis donc ici pour illustrer la disproportion qui existe entre l’énergie que la France consacre à cette discussion et sa portée réelle:

Article 1er

Après l’article 36 de la Constitution, il est inséré un article 36-1 ainsi rédigé :

« Art. 36-1. – L’état d’urgence est déclaré en conseil des ministres, sur tout ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.

« La loi fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre pour prévenir ce péril ou faire face à ces évènements.

« La prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Celle-ci en fixe la durée. »

Article 2

L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« – la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne née française qui détient une autre nationalité peut être déchue de la nationalité française lorsqu’elle est condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation ; »

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ; »

Tout ça pour ça! si ce n’est que le gouvernement, après d’interminables atermoiements indignes de la situation d’urgence où nous sommes, a finalement décidé de pratiquer la déchéance de nationalité pour les bi-nationaux de naissance.

Une réforme constitutionnelle mal ficelée

C’est évidemment enfoncer une porte ouverte que de pointer les malfaçons du texte présenté par le gouvernement. Manifestement, la réforme soumise aux parlementaires est le produit d’arbitrages politiciens incertains, mal calibrés, changeants, qui posent un véritable problème à notre démocratie. Comment est-il possible qu’un gouvernement bricole autant la révision de notre loi fondamentale? Il est en tout cas extrêmement malsain de voir nos textes essentiels aussi malmenés et affaiblis par des opérations partisanes.

Beaucoup de Français ont été écoeurés par l’incapacité du président de la République à s’élever jusqu’au niveau de l’intérêt général, par son obsession du calcul à la petite semaine, du « coup » dont il a appris la maîtrise dans les arcanes du parti socialiste. La combinazione qui domine la vie de la rue de Solférino a pris le pouvoir en France, et contamine désormais les fondements du régime.

En réalité, la réforme de la constitution a d’abord procédé d’un coup politicien avalé les yeux fermés le 16 novembre dans l’émotion des morts tragiques qui ont endeuillé les Français. C’est la méthode Hollande: la décision ne procède pas par vision panoramique, mais par calcul segmenté. On a le Président qu’on peut…

Une réforme constitutionnelle loin des Français

Ces calculs politiciens semblent absorber toute l’énergie des élus de la République. À gauche, la bataille fait rage pour savoir ce qu’il faut voter. La droite ne fait pas mieux. Ces incertitudes ne sont évidemment pas liées (ou ne le sont que très peu) à des questions d’intérêt général, mais à des calculs algorithmiques complexes sur ce qui, aux prochaines élections, rapportera le plus de voix à chacun.

Tel est le drame de la France. Les terroristes rôdent. Le chômage explose. La croissance est évanescente. Les mouvements sociaux se multiplient. Et la représentation nationale se prend le chou sur des problèmes auxquels les Français n’entendent goutte. Des lois essentielles sont à peine discutées, et cette réforme constitutionnelle qui est un pur coup politique déchaîne les passions sous les lambris du pouvoir.

Si certains avaient oublié que la majorité parlementaire a recueilli moins de 30% des suffrages inscrits, le débat en cours ne peut que le leur rappeler: les parlementaires sont décidément si loin des citoyens!

La réforme constitutionnelle n’est pas circonflexe

L’ironie de l’histoire veut que cette réforme constitutionnelle survienne en même temps qu’une polémique assez inattendue sur une réforme de l’orthographe décidée en 1990, et jamais entrée en vigueur. Ce flot de mauvaises nouvelles nourrit plus que jamais le sentiment d’un pays en pleine dérive, proche du naufrage, où les élites laissent le pays à l’abandon et consacrent leur énergie à leur propre préservation, sans considération pour l’intérêt général.

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