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Chers électeurs : François Hollande à la reconquête de ses clientèles traditionnelles grâce aux marges budgétaires dégagées par la baisse du pétrole et des taux d’intérêt
©Reuters

De nouvelles ressources pour une nouvelle campagne

Avec la baisse des taux d'intérêts et celle des prix du pétrole, ce sont plusieurs milliards d'euros imprévus qui sont dégagés par l'Etat. Des recettes qui pourraient servir à reconquérir la fonction publique, les électeurs issus de l'immigration et les enseignants en vue de 2017.

Thierry Get

Thierry Get

Thierry Get est ingénieur. Il est membre du bureau politique de La Droite libre et du CNIP. Son groupe sur Facebook ici

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Taux d'intérêts en baisse, progression significative de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ou de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)... Quelles sont les marges de manœuvre concrètes supplémentaires pour l'Etat et les collectivités locales ?

Eric Verhaeghe : Si l'on en croit Christian Eckert, la situation s'améliore et l'argent revient dans les caisses. On a récemment eu droit au déficit public 2015 à 70 milliards au lieu des 73 milliards prévus. Pour les collectivités locales, la tendance serait la même: les capacités d'autofinancement de celles-ci augmenteraient de plus d'un milliard. Pourtant il ne s'agit que d'estimations: il faut donc bien prendre garde à ne pas crier victoire trop vite dans un domaine qui est souvent fluctuant. Pour tout ce qui concerne l'Etat, il faut par ailleurs se souvenir que nous sommes engagés dans une trajectoire de finances publiques vis-à-vis de l'Union Européenne qui nous maintient dans une contrainte forte. Les experts considèrent d'ailleurs que la France ne devrait pas parvenir à repasser sous la barre des 3% de PIB à l'horizon 2017 comme elle s'y est engagée. Voilà qui en dit long sur l'illusion que représentent ces petites réserves, ce prétendu pactole que certains imaginent volontiers dilapider. En revanche, on peut parier sur le fait que la moindre augmentation de recettes de TVA ou de taxe sur le pétrole élargira de nouveaux appétits.

Dans la pratique, les marges que le gouvernement peut espérer tirer de ces évolutions ne devraient pas dépasser - collectivités locales comprises - les 5 milliards d'euros. Cette somme est notoirement insuffisante pour "déraper", c'est-à-dire pour nous affranchir de la ligne de maîtrise des dépenses que nous nous sommes fixées. Mais nous sommes bien d'accord pour dire que cette contrainte n'empêchera probablement pas le gouvernement de faire son œuvre favorite en année pré-électorale: envoyer des petits cadeaux à ces cibles indispensables pour une réélection.

Justement, qui sont les électeurs de François Hollande, et lui sont-ils toujours acquis, 4 ans après le début de son mandat ?

Jérôme Fourquet : On observe une insatisfaction générale dans l'électorat de gauche à l'égard du Président de la République. Plusieurs raisons alimentent cette désaffection : le chômage n'a pas baissé, le pouvoir d'achat est en berne, et plusieurs promesses n'ont pas été tenues… De même, les électeurs de gauche ont perçu des difficultés de gestion du pays, des couacs à répétition, et au début des périodes de tâtonnements pour occuper pleinement la fonction. Tout cela a profondément marqué et déçu à gauche. Et en plus de ce mouvement général, certaines mesures particulières ont déçu des électorats particuliers, traditionnellement sensibles au Parti socialiste.

Quatre groupes forment principalement ces électorats, et ont permis à François Hollande de remporter l'élection de 2012. Le premier qui vient à l'esprit est composé des enseignants, viennent ensuite plus globalement les salariés de la fonction publique, puis ceux que l'on pourrait appeler les "bobos" -c’est-à-dire les CSP+ qui vivent dans les centres urbains- et les populations issues de l'immigration. Sur ces 4 groupes, on s'aperçoit que les "cassures" se sont opérées à des proportions et des moments différents pendant le quinquennat. Dans tous les cas aucune de ces défections n'ont bénéficié aux autres formations à gauche, ou à la droite. Au contraire, ces derniers ont tendance à tomber dans l'abstention.

Ainsi les enseignants, comme le montrent différentes enquêtes réalisées par l'Ifop, se désengagent du Parti socialiste. Ce phénomène est similaire au désamour que l'on a constaté entre 2002 et 2007, ce qui avait par ailleurs coûté très cher aux candidats Lionel Jospin et Ségolène Royal à l'époque. Ce désamour actuel s'explique notamment par la réforme du collège et celle du système éducatif qui sont très mal perçues par l'Education nationale. D'ailleurs on a vu récemment des enseignants manifester avec des propos virulents à l'égard du gouvernement.

Sur la fonction publique en général, les manifestations récentes autour des revendications salariales et les effectifs montrent que la grogne n'est pas calmée… Les suppressions de postes ne se poursuivent pas au même rythme qu'au cours du précédent gouvernement, mais les agents partant en retraites ne sont pas remplacés, et les salaires n'ont pas été augmentés. Hormis quelques secteurs spécifiques notamment les ministères régaliens, il n'y a pas eu d'embauche.

Troisième groupe : les bobos, représentant la "gauche des valeurs". Cet électorat a tenu à peu près jusqu'ici contrairement aux premiers groupes. Mais avec le débat autour de la déchéance de nationalité, ces derniers sont aujourd'hui rentrés en dissidence. Le fait qu'un des titres emblématique de cette partie de l'électorat, Libération, ait été choisi pour le lancement de la grande pétition pour une primaire à gauche l'illustre. Et fait intéressant, on note que cette pétition n'a pas été lancée au lendemain de la nomination d'Emmanuel Macron à Bercy ou de l'annonce du Pacte de Responsabilité. Ce n'est donc pas sur les questions économiques que cet électorat manifeste son mécontentement. C'est à travers le virage sécuritaire et la déchéance de nationalité pour les binationaux de naissance coupables d'actes terroristes, soit des sujets sociétaux.

Dernier groupe, celui des populations issues de l'immigration qui lui avait décroché très tôt dans le quinquennat. On en a vu les stigmates dès les élections municipales, avec un décrochage spectaculaire dans les zones ou les villes où ces derniers sont nombreux. Celui-ci avait massivement voté pour François Hollande en 2012, mais il lui reproche aujourd'hui la non-réalisation des promesses de campagne et surtout le manque d'amélioration des conditions de vie, et le manque d'emplois. La question du Mariage pour tous a également beaucoup joué dans ce décrochage.

Comment ces recettes supplémentaires pourraient-elles être redistribuées pour reconquérir les électorats traditionnels de la gauche ? Certaines mesures annoncées peuvent-elles aller dans ce sens ?

Eric Verhaeghe : L'urgence pour le gouvernement consistera probablement à renouer avec ses fonctionnaires, lassés par un gel salarial apparent qui nourrit l'impression d'un malaise. En réalité, c'est toute la politique de Hollande qui épuise les fonctionnaires, et en particulier la réforme du collège qui passe mal et qui, jointe aux choix salariaux du gouvernement dans la fonction publique, suscite des tensions manifestes au cœur de l'électorat historique du Parti Socialiste: les enseignants. Assez logiquement, ceux-ci devraient donc faire l'objet d'un traitement spécial à la rentrée 2016, ou dans ces eaux-là, pour tenter de renouer le lien. En plus du problème coup de pouce à tous les fonctionnaires annoncé par Marylise Lebranchu, qui sera ponctuel et électoral, un effort devrait donc être fait en direction des enseignants.

Pour aller vite, une prime exceptionnelle de 500 euros aux enseignants coûte environ 400 millions à la collectivité. Une prime exceptionnelle de 100 euros à tous les fonctionnaires en coûte à peu près autant. Vous avez ici un indice de ce qui pourrait être décidé par le gouvernement dans les mois à venir. Il n'y aura probablement pas de mesure pérenne, mais un signal envoyé pour chacun de ces segments électoraux dans les proportions que je viens d'indiquer.

Le gouvernement a par ailleurs annoncé un plan de 2 milliards pour les chômeurs. Nous en sommes donc à trois milliards de dépenses.

Reste un milliard d'euros à dilapider pour sauver le premier tour de Hollande en 2017. Le choix du gouvernement consistera probablement à saupoudrer entre plusieurs catégories malmenées ces derniers mois. Les médecins généralistes devraient bénéficier d'une revalorisation de leurs actes. C'est toujours bon pour l'image et la réputation. Les Français d'origine étrangère auront sans doute droit à un petit remontant financier après la douche froide de la déchéance de nationalité. Mais il reste douze mois pour saisir exactement quels seront les choix finaux sur ces mesures diverses.

Thierry Get : D’abord émettons une première réserve : André Laignel, vice-président PS de l’Association des maires de France ne croit pas en cette nouvelle et indique que "Toutes les études – de La Banque Postale, de la Cour des comptes, de la Caisse des Dépôts ou des associations d’élus locaux – montrent une dégradation de la situation financière des collectivités."

 Puis aussi rappelons que la gauche a perdu de terrain dans les collectivités locales… Suite aux dernières élections municipales, départementales puis régionales de décembre 2015, la gauche ne préside aux destinées d’environ un tiers de citoyens français sur ces 3 échelons territoriaux.

 Les moyens d’action locaux  des socialistes s’en trouvent donc a priori réduits.

 Sous cette deuxième réserve, la lutte politique est, en premier lieu, culturelle. Il s’agit, via le financement d’associations, de diffuser la culture de gauche sur les thématiques :

-     anti racisme. A ce sujet, même des associations telles que le Planning familial ont pris parti récemment contre la déchéance de nationalité qui était surtout un combat de la gauche de la gauche.

-          culture gay,

-          culte de la diversité. Les manifestations culturelles de gauche portent souvent le sceau ethnique de la diversité. Le côté "franchouillard" est assez largement banni.

Par ailleurs, la distribution d’emplois de complaisance est une aussi un levier pour se constituer un noyau de fidèles. Et il faut bien le dire cet instrument a été largement utilisé depuis les années 90. Le nombre d’agents territoriaux ne cesse d’augmenter depuis (les collectivités territoriales employaient en 2014 environ 2 millions de personnes soit une hausse des effectifs de 50 % par rapport à 1998). sans que les effectifs de l’Etat ne diminuent fortement dans le même temps. Les citoyens n’ont pas la sensation que la qualité du service ait augmentée en proportion.

Comme la gauche a perdu un terrain considérable dans les collectivités locales, elle contourne la difficulté en donnant par exemple des pouvoirs aux préfets qui permet de d’enfreindre l’esprit de la décentralisation. Paradoxe savoureux alors que la gauche avait porté ce projet dans les années 1980.

Le projet de loi Egalité Citoyenneté prévoit que le préfet pourra signer directement une convention avec un organisme HLM. La commune sera obligée payer 50.000 euros par logement au bailleur social afin d'assurer l'équilibre financier du programme.

 Et puis il y a des actions qui ne coûtent rien comme celle de reprendre le combat idéologique sur une de nos promesses récurrente : le droit de vote des étrangers.

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