Les vœux présidentiels vus par... Sophie de Menthon<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Les vœux présidentiels vus par... Sophie de Menthon
©

Chers compatriotes

Chaque année, pour tous les présidents de la République, l'exercice est le même le soir de la Saint-Sylvestre. Sophie de Menthon a analysé pour Atlantico le discours de Nicolas Sarkozy.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

Voir la bio »

Samedi 31 décembre, 19 h

Il y a toujours une certaine fatigue pesante à l'aube du premier janvier, à l'idée d'affronter dans les jours qui vont venir la vague hypocrite des vœux en cascade. Des vœux de tout le monde, du marchand de journaux, de la gardienne (au fait, combien on lui donne cette année?), des enfants, des cousins, des collègues, du voisin... C'est a celui qui dégaine le plus vite.

On perd un temps précieux à  ne rien dire, mais avec insistance. Les bonnes vieilles cartes se doublent de vœux électroniques, on cherche en vain la formule qui fait mouche, on ricane en disant que ce ne sera pas pire que l'année passée (à voir!) et on finit par "bonne santé surtout, c'est le principal".

Celui qui lance le départ de la course c'est traditionnellement le président de la République. Avant d'aller festoyer gaiement, ou en traînant les pieds, on met la télé pour écouter le rituel des vœux républicains: l'ouverture du réveillon, en quelque sorte. Tous les ans, c'est une bonne entrée en matière pour une longue soirée à tenir.

Cette année, l'attente est réelle, et un peu  particulière sur fond de campagne électorale... Et d'abord parce que Nicolas Sarkozy nous a promis une surprise, une vraie! Il nous semblait pourtant que tout a été dit sur la conjoncture, les difficultés économiques, le chômage, etc.

Il n'y a pas de bonne surprise possible. Cela dit, la presse s'est bien gardée de dire qu'elle serait bonne... Mais ce 31 décembre, nous n'avons pas particulièrement le moral et l'exercice des vœux semble pour le moins hasardeux.

Des vœux par principes, ce ne sont que des désirs exprimés sans grand espoir qu' ils se réalisent, logiquement exprimés par des gens qui attendent beaucoup du hasard ou des circonstances pour que les choses se passent comme ils le souhaiteraient. Vœux de bonheur pour les mariés, de prompt rétablissement pour les malades, de réussite pour ceux qui se lancent... En politique, on a tout entendu en la matière, et franchement on ne voit pas comment le président pourrait s'y prendre ce soir nous redonner le moral au plan national...

Samedi 31 décembre, 20 h 15

Le "chers compatriotes" nous plonge dans un bref instant de nostalgie... Giscard, Mitterrand, Chirac... Tous au même instant dans le feu des derniers préparatifs de la Saint Sylvestre ont fait partie de notre vie de famille, et à ce passage d'une année à l'autre.

Mais la comparaison est de courte durée: on voit tout de suite que le Président n'a pas tellement plus le moral que nous. L'heure est grave, c'est son introduction... Faut il se réjouir d'entendre immédiatement que, face à la crise, toutes les mesures ont été prises sur le plan national par son gouvernement en terme de réduction des dépenses publiques? Il semblerait pourtant que les économies de l'État laissent encore beaucoup à désirer. La bouteille de champagne à moitié pleine du réveillon sera sur notre modèle français, qui a résisté mieux que les autres. C'est toujours bon de s'entendre rappeler que nous ne sommes pas malades tous seuls, que c'est une épidémie mondiale avec rappel des mourants alors que nous serions presque convalescents. On se console comme on peut.

Drôles de vœux. Il s'agit plutôt d'un point sur la situation économique de la France, avec la compassion nécessaire: les pauvres, ceux qui souffrent plus que les autres , les chômeurs... On va tout faire pour les aider. Nous n'en doutions pas, c'est même la base du modèle français. Généreux, mais qui mal maîtrisé peut conduire à la faillite.
Plus étonnant, cet appel du chef de l'Etat aux chefs d'entreprises en leur demandant de tout faire pour préserver l'emploi. C'est un signe plus important qu'il n' y paraît, car nous sommes habitués de la part des politiques à des rodomontades qui veulent toujours faire croire que l'emploi, c'est grâce à eux. En tous les cas, ce soir, on ne peut pas lui reprocher d'être démago.

Le président de la République reconnait fermement que le coût du travail est trop élevé, car seul à supporter le financement de la protection sociale. Dans la foulée, surprise: il annonce clairement qu'il faut procéder différemment. Modeste, il attend les propositions en la matière des partenaires sociaux...

La piste de la TVA sociale (on peut l'appeler autrement) est lancée, faire payer les produits étrangers plutôt que les français, un raccourci de réveillon. De la même façon, il est toujours bon de rappeler que le désordre mondial date d'au moins une trentaine d'années et de répéter  que les produits financiers devront être taxés. Voilà qui est consensuel, un bouc émissaire légitime et qui, pour le coup, ne coûte pas cher. Tout le monde sera d 'accord.

Ce qui demeure dans la grande tradition des vœux présidentiels, c'est le témoignage que nous avons un chef qui s'occupe bien de nous. Le père de la nation, et ce, au mépris de la campagne présidentielle qui s'ouvre. L'accent est sincère, et Nicolas Sarkozy s'emploiera certainement à faire ce qui faut jusque au dernier moment, candidat ou pas... Mais on voit mal comment il ne serait pas candidat, il fait bien passer le message : nous avons besoin de lui.

Le manque de sourire est en passe de devenir une marque de fabrique. Le visage du président est fermé... On aimerait plus de chaleur humaine, un vrai sourire, celui qu'il aurait réservé à son bébé ou à sa femme le soir du nouvel an. L'austérité de la posture, de la tenue, et aussi la dignité de la fonction (depuis quelques mois, on ne peut plus lui reprocher de la jouer cool), tout est la pour signifier que l'heure est grave. Mais on le savait déjà, et on sort un peu frustrés de cette réunion de famille. Finalement, ce soir, on aurait bien aimé rêver un peu.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !