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Come-back kid à la française ? Ce que Sarkozy devrait se rappeler de ses précédentes traversées du désert pour réussir son retour
©Reuters

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De retour au premier plan depuis plusieurs mois après une mise en retrait de la vie politique en 2012, Nicolas Sarkozy tente tant bien que mal de retrouver son ancien statut. En ce sens, l'exemple de ses traversées du désert de 1995 et 1999 pourrait l'aider.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Nicolas Sarkozy tente depuis plusieurs mois un retour en politique après un passage à vide depuis sa défaite de 2012. Quelles leçons peut-il retenir de ses deux précédentes traversées du désert, après la présidentielle de 1995 et les européennes de 1999 ?

Bruno Jeudy : La première leçon, c’est que rien n’est impossible en politique, un monde où l’on n’est jamais mort. Nicolas Sarkozy a été plusieurs fois blessé, et est parvenu au moins à deux reprises à surmonter l’adversité pour transformer cela en atout et remporter des victoires derrière. Cela a été vrai en 1995 : il était au ban de la Chiraquie et a fini par s’imposer comme secrétaire générale du RPR. Cela a été vrai ensuite en 2001, après sa cuisante défaite aux élections européennes de 1999. Il est parvenu à se réinsérer dans le jeu politique en devenant ministre de l’Intérieur puis le ministre le plus populaire du gouvernement Raffarin, jusqu’à monter dans le firmament des sondages et gagner la présidentielle de 2007.

La deuxième leçon, c’est que Nicolas Sarkozy a su à plusieurs reprises reconnaître ses erreurs, faire les mea culpa qui convenaient. Il l’a réussi avec son livre Libre, qui fut de ce point de vue-là précurseur de celui qu’il vient de sortir, La France pour la vie. On avait alors un mélange de confidences, de regrets, et en même temps une vraie ligne politique, sans doute plus novatrice en 1999 qu’elle ne l’est en 2016, où l’on constate plutôt la répétition d’un mélange des programmes de 2007 et 2012.

La troisième leçon, c’est que Nicolas Sarkozy, dans ses différentes "traversées du désert", a joué l’opinion contre son propre camp politique, qui l’enterre à chaque fois, peut-être un peu vite. En tout cas, il sait s’appuyer sur un socle de "Sarko fans", comme on les appelle. Il sait aussi se victimiser pour essayer de faire redémarrer l’adhésion à sa personne. Au fond, il vend à chaque fois l’idée d’un personnage énergique, capable de cliver et de briser des tabous, ce que les autres seraient moins capables de faire. C’est la promesse qu’il fait à chaque fois. Le souci, c’est que cela marche bien la première fois, cela marche aussi la deuxième fois, mais est-ce que cela marchera la troisième fois… ? Nous en sommes à ce moment-là. Nous verrons bien dans les semaines et mois qui viennent.

Peut-on dire qu’à l’époque, sa proximité avec Bernadette Chirac l’avait aidé, alors que Jacques Chirac était président de la République ?

Je ne me souviens pas que cela ait été déterminant la première fois. Peut-être davantage pour la seconde traversée du désert, mais au fond, non. Il va nouer sa relation avec Bernadette Chirac plutôt quand il devient ministre et quand celle-ci se rapproche de lui pour encore mieux marquer son aversion pour Dominique de Villepin, qu’elle tient pour responsable de la dissolution de 1997. Elle se rapproche de Nicolas Sarkozy pour s’opposer alors à une partie de l’entourage de son mari.

L’un des obstacles à son retour aujourd’hui est son double statut actuel : président de parti et ancien président de la République (France 2 aurait d’ailleurs eu du mal à lui trouver un contradicteur pour Des Paroles et Des Actes ce jeudi). Dans quelle mesure cette double casquette lui rend-elle les choses plus compliquées ?

Le problème de la double casquette, c’est surtout celui de son statut de chef de l’opposition. Cela lui a fourni certes un avantage incontestable dans sa faculté à reprendre en main le parti et à le transformer à nouveau en machine de guerre sarkozyste – ce qui demande vérification dans les semaines et mois qui viennent –, mais Nicolas Sarkozy a dû passer des compromis pour reconstruire cette famille et remettre un parti très abîmé en état de marche. Il a dû s’essayer à la synthèse politique, un rôle qui lui va moins bien car il a dû composer et se banaliser en quelque sorte. Je trouve que son côté chef de parti l’a plutôt desservi pendant la première année de son retour. Il annonce qu’il va prendre du recul, mais on voit bien que son envie de reprendre sa casquette d’ancien président pour se mettre au-dessus ou à côté de ses concurrents pour la primaire, fussent-ils des anciens Premiers ministres comme Alain Juppé ou François Fillon, est plus forte. Il n’a de cesse de rappeler qu’il est ancien président de la République, et qu’il ne peut donc pas être jugé à la même aune. Il doit emprunter un chemin différent, comme il dit, et nous voyons bien qu’il cherche plutôt à apparaître comme un ancien président de la République que comme un chef de parti, statut qu’il ne lui a pas vraiment réussi. On l’a bien vu aux dernières régionales : le parti Les Républicains a remporté huit régions, ce qui est un résultat plus qu’honorable même s’il est loin du grand chelem espéré. Or, à l’arrivée, Nicolas Sarkozy est à peine crédité de la victoire… Le bilan n’est donc pas forcément très positif pour lui, d’où l’intérêt pour lui de redevenir l’ancien président de la République.

Pour ce qui est de ses difficultés dans les médias, je pense que c’est plutôt le choix du Parti socialiste de ne pas envoyer ses meilleurs contradicteurs et ainsi banaliser la présence de Nicolas Sarkozy à la télévision en lui envoyant dans les pattes le secrétaire d’Etat Jean-Marie Le Guen plutôt que l’un des ténors du Gouvernement (Ndlr : Jean-Marie Le Guen a finalement décliné l'invitation lui aussi). J’ajoute qu’il paye aussi peut-être la façon dont il a considéré Jean-Christophe Cambadélis, qu’il a longtemps refusé d’appeler par son nom, ne voulant lui-même pas être mis au même niveau que le Premier secrétaire du PS.

Alain Juppé a lui aussi vécu une traversée du désert entre 2004 et 2006, et il est aujourd’hui au plus haut dans les sondages. Nicolas Sarkozy peut-il se refaire une santé en analysant le retour de l’un de ses rivaux ?

Je crois que, dans ces deux cas, comparaison ne vaut pas raison. La traversée du désert d’Alain Juppé est liée à une condamnation. Il a dû abandonner de force tous ses mandats car il était inéligible. Il est parti enseigner au Canada, il est revenu, s’est fait réélire à la mairie de Bordeaux, a choisi de ne pas cumuler… Il a payé pour les fautes commises. Nous sommes donc dans un registre différent, presque dans le registre du martyr en ce qui le concerne. Un martyr qui aurait en quelque sorte payé pour les fautes des responsables du RPR de l’époque, dont bien sûr Jacques Chirac.

La dernière traversée du désert de Nicolas Sarkozy est, elle, liée à une défaite, et quelle défaite ! Une défaite à l’élection présidentielle. On se rapproche davantage du cas de Valéry Giscard d’Estaing qui avait, lui, choisi de revenir d’abord par une élection locale. Il faut se souvenir que VGE se présente d’abord à une élection cantonale à Chamalières, sur sa terre d’élection auvergnate. Il essaya ensuite de retrouver sa place de responsable de l’opposition, et échoua d’ailleurs car il fut bloqué par le gaulliste Jacques Chirac et le centriste Raymond Barre. Il n’aura pas droit à sa revanche, ni en 1988, ni en 1995.

Nous avons donc des registres différents : le registre du martyr pour Alain Juppé, le registre de l’ancien président qui veut revenir par l’élection locale, et Nicolas Sarkozy a choisi quant à lui une voie différente : celle du chef de parti, en espérant que cela lui permettra de sortir vainqueur de la primaire.

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