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La monnaie doit permettre la régulation politique de l'économie par le droit
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Crise monétaire

L'économie mondiale s'est figée en 2011. Les monnaies surévaluées ont provoqué l'effondrement des revenus, et l'accumulation de réserves de changes a détruit l'économie réelle. Deuxième et dernière partie de notre série consacrée aux vices et vertus de l'euro, et à la nécessité de ramener la finance dans la réalité, soit de façon ordonnée et pacifique, soit de façon énergique.

Pierre  Sarton du Jonchay

Pierre Sarton du Jonchay

Pierre Sarton du Jonchay est consultant en économie de la décision et en organisation financière depuis novembre 2008.

Il est l'auteur de l'ouvrage, Capital, crédit et monnaie dans la mondialisation, économie de vérité, L'Harmattan, Paris. paru en février 2011.

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Pour lire la 1ère partie, c'est ici :
Il est urgent de transformer l'euro en monnaie de la démocratie !

La finalité universelle de la monnaie a été remplacée par le jeu de la plus-value prélevée sur l'information asymétrique entre une masse et des initiés. La finalité de la monnaie est bien au contraire l'appréciation de l'équilibre social des transactions entre la production réalisable et l'anticipation rationnelle de la demande. Le signe monétaire n'est pas seulement une matière, mais la réalisation positive du droit à échanger de la satisfaction humaine dans le temps.

Le grand détournement de la monnaie

La monnaie n'est pas seulement une unité de compte. Elle mesure un droit réel et instrumente l'anticipation de la production future. La monnaie ne peut pas se dissocier de la nationalité des systèmes juridiques formant la réalité des espaces marchands. Autrement dit, une monnaie non régulée par la nationalité qui l'utilise effectivement est construite pour être détournée de sa finalité. L'esprit de spéculation et de prédation annule la comptabilité du droit en dehors du périmètre de souveraineté monétaire.

Le dollar imposé comme monnaie internationale ne pouvait pas ne pas servir à spéculer sur la méconnaissance internationale du droit américain ; et sur l'incapacité du juge américain à faire respecter le droit hors de la souveraineté américaine. De même, l'euro divisé entre plusieurs souverainetés est dès son origine un instrument d'arbitrage financier entre des juridictions nationales mises en rivalité.

Le matérialisme monétaire est l'arme de la ploutocratie contre la réalité de la démocratie. Par cette raison, le dollar et l'euro instrumentalisent la pauvreté pour constituer des privilèges de richesse. Le maintien des privilèges de crédit accumulés dans les dettes non régulée exige désormais le démantèlement des procédures de la démocratie.

Pour que la monnaie ne puisse pas être jouée contre la démocratie, un système bancaire ne doit pas déborder de la souveraineté qui le contrôle. L'émission de monnaie signifie la régulation politique de l'économie par le droit. La monnaie exprime ainsi l'application courante du droit national effectivement adopté par les citoyens.

La banque de l'ombre a montré la neutralisation possible du droit par la comptabilité en monnaie des contrats hors du territoire de juridiction des juges nationaux. La banque de l'ombre capte la question du droit à partir de l'extra-territorialité juridique internationale au-dessus des souverainetés monétaires nationales.

La monnaie illégitime s'effondre sur les conséquences inévitables de l'absence de loi financière commune entre les États souverains. Les États emprunteurs en dollar ou en euro ne rendent aucun compte objectif de leur solvabilité. Les déficits budgétaires financés par l'épargne internationale soumettent les finances publiques à la loi de la plus-value privée ; laquelle est réalisée sur l'irrationalité du crédit dépourvu de principe de limite entre les États souverains.

L'euro s'effondre à cause des dettes publiques disproportionnées à la réalité économique. Or la monnaie multinationale européenne est bien la première tentative de rationalisation du crédit entre souverainetés distinctes. Le projet est demeuré inachevé par absence de règle d'appréciation de la responsabilité financière des souverainetés. La monnaie unique n'a pas été assise sur un capital de responsabilité financière commune.

Si les souverainetés nationales sont nécessaires à l'exercice de la démocratie, alors l'Union Européenne des démocraties n'est pas viable sans instrument commun d'appréciation du crédit. Le temps doit avoir le même prix pour tous les acteurs de l'économie européenne unifiée sur des cultures différentes. L'euro n'est pas efficace si les souverainetés nationales européennes n'assument pas en tant que personne monétaire le prix de leurs choix économiques.

Pour un système européen de paix financière

Si l'euro devient ce qu'il est, c'est à dire la monnaie commune de l'Union, alors chaque souveraineté devient responsable de ses engagements envers elle-même et ses partenaires. La monnaie unité de compte juridique prend des figures nationales dans une figure communautaire. Le principe de l'euro commun est la garantie intégrale du crédit, selon le droit européens. L'application nationale du droit est alors ordonnée à une même économie européenne de la démocratie comptable en euro.

Le marché financier en euro est un système classique de compensation de l'offre par la demande. Mais toutes les causes du prix sont vérifiées dans l'ordre européen de la souveraineté : l'échange de biens et services réels, l'équivalence des prix nominaux avec la monnaie de règlement et l'existence d'un garant solvable engagé au rachat de toute perte de droit positif.

La parité des euro-monnaies en euro est régulée par la prime de change exclusivement négociable en euro, et sous le contrôle de la justice financière européenne. Tout crédit en droit européen est limité par une prime de crédit achetée en euro. Tout capital émis est garanti en euro par la prime de cautionnement illimité de l'emprunteur couvert par le capital.

L'euro, monnaie commune de la démocratie européenne, est l'interdiction concrète de la guerre par la monnaie. Elle donne un prix à la responsabilité financière des souverainetés. Un pays en surendettement est dévalué en euro jusqu'à ce que sa parité lui permette de produire et d'exporter ce qu'il a emprunté. Le budget européen de souveraineté collective en eurogarantit la justice équitable entre tous les citoyens européens quelle que soit leur nationalité.

L'effondrement de l'économie mondiale sous les dettes non remboursables est la crise de la démocratie, mise en incapacité d'imposer le droit à la finance. Or la finance hors la loi fonctionne sur l'hypothèse de la guerre civile : le prix des plus-values ne doit jamais être éprouvé par la réalité économique formée dans la loi humaine. Dans le choix de la paix civile financière, les Européens sont en première ligne : ils peuvent transformer l'euro en monnaie de la démocratie.

Ils ont dû prêter à des emprunteurs de moins en moins solvables les liquidités déposées dans leurs comptes. La Fed (réserve fédérale américaine) et la BCE sont obligées d'émettre de la monnaie contre des titres de dette publique ou privée dont le prix de marché est de plus en plus décoté par rapport au prix nominal en monnaie.

Dans les pays à monnaie de réserve la capacité de l'économie à garantir la dette s'est amoindrie par la sous-compétitivité du travail domestique. A niveau égal de qualification et de productivité les investissements vont aux pays où le taux de change de la monnaie rend le travail moins cher. La persistance d'exportations excédentaires entraîne alors une consommation et une élévation du niveau de vie moins rapide que la production.

La consommation allemande ou chinoise ne relancera pas la croissance mondiale, et ne rétablira pas la solvabilité des pays surendettés

Les Allemands et les Chinois ne consomment pas les excédents commerciaux accumulés sur le reste de l'Europe et du monde. Depuis 1945, le monde a financé une croissance partiellement fictive sur des pertes de production en l'absence de règle économique d'équilibre des changes. Le prix du travail aux États-Unis et en Europe a été surestimé par le taux de change du dollar et de l'euro. La dette a financé un sous-emploi croissant du travail par l'insuffisance des revenus distribués aux salariés.

L'inégalité de statut des monnaies dans les échanges internationaux provoque un surplus mondial de l'offre sur la demande de travail. Les dettes non remboursables des pays où le travail est monétairement trop cher représentent les salaires non versés dans les pays où le travail n'est pas rémunéré à la hauteur de ce qu'il produit réellement. La consommation allemande ou chinoise ne relance pas la croissance mondiale qui rétablirait la solvabilité des pays surendettés.

La crise de 2007 n'a pas seulement révélé les pertes cachées des banques mais la destruction de l'économie de production par la dette internationale non régulée. Garants en dernier ressort des banques, les États sombrent également dans le surendettement à commencer par les États-Unis. En 2011, l'économie mondiale se fige.

L'effondrement des revenus dans les pays où la monnaie est surévaluée provoque l'effondrement des anticipations d'exportations des pays où la monnaie est sous-évaluée. Le défaut est systémique : les acteurs internationaux du système s'interdisent de dévaluer les monnaies de réserve pour ne pas ruiner les pays ayant accumulé des réserves de change. La Chine s'oblige à prêter aux États-Unis pour ne pas perdre ses avoirs en dollar.

Et sans dévaluation des monnaies de réserve, le chômage et la baisse des revenus du travail aggraveront l'insolvabilité des débiteurs obligés au remboursement d'urgence des dettes en cours. L'effondrement inéluctable d'un système monétaire international fondé sur des monnaies de réserve nationales a été analysé par John Maynard Keynes à propos de la livre sterling dans l'entre-deux-guerres.

Changer le modèle de représentation des monnaies

Pour créer les conditions du plein emploi, du travail et de l'équilibre des revenus de la production réelle entre les salariés, les entrepreneurs et les épargnants, John Maynard Keynes avait proposé en 1944 que les dettes internationales soient contractées dans une monnaie mondiale négociée à égalité de responsabilité entre les États.

Si la communauté internationale décide de convertir l'actuelle unité de compte du FMI en monnaie de compensation des dettes internationales, les réserves de change peuvent être immédiatement converties en DTS (Droit de Tirage Spécial du FMI). Le dollar, l'euro, le yen et la livre peuvent être dévalués en DTS pendant que le yuan chinois reste stable.

Le rééquilibrage mondial des prix du travail redistribue les revenus de la production au bénéfice des pays exportateurs. Et il remet au travail les pays surendettés. Le marché des changes en DTS fixerait la parité des monnaies nationales au niveau où le prix du travail d'un pays lui permet d'exporter les biens et services qui remboursent ses dettes. Tant que le travail n'est pas reconnu comme cause de la production de richesse, l'accumulation de monnaie détruit l'économie.

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