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Il est urgent de transformer l'euro 
en monnaie de la démocratie !
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Crise monétaire

Le monde bancaire et financier occidental est fait de non-dits et évolue dans le surréalisme. Les discussions ne se transforment pas en décisions, et les décisions ne se transforment pas en actes. Première partie de notre série en deux volets consacrée aux vices et vertus de l'euro, et à la nécessité de ramener la finance dans la réalité, soit de façon ordonnée et pacifique, soit violemment.

Pierre  Sarton du Jonchay

Pierre Sarton du Jonchay

Pierre Sarton du Jonchay est consultant en économie de la décision et en organisation financière depuis novembre 2008.

Il est l'auteur de l'ouvrage, Capital, crédit et monnaie dans la mondialisation, économie de vérité, L'Harmattan, Paris. paru en février 2011.

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La phase actuelle de l'effondrement du système bancaire et financier occidental est celle de la sur-réalité. Ce qui se dit n'est pas ce qui se fait. Ce qui est décidé n'est pas ce qui est dit. Et ce qui se fait effectivement n'est jamais ce qui a été décidé. L'effondrement financier en cours est justement l'impossibilité de raccrocher une quelconque parole à une quelconque réalité observable.

Allemands et Français ne sont explicitement pas d'accord sur l'opportunité de monétiser les dettes publiques par la BCE. En parole, les Français se sont rangés au refus allemand. Mais concrètement, les États et les banques de la zone euro continuent à régler leurs échéances de dette grâce à la monétisation officiellement interdite.

La BCE transforme à grande échelle des titres de dette douteuse en monnaie. Bien que les dettes publiques et privées soient manifestement excessives au regard de la solvabilité réelle des emprunteurs systémiques, la liquidité abonde dans la zone euro. La BCE joue bien son rôle de payeur en dernier ressort.

Le système européen de paiement interbancaire reste fluide dans la sur-réalité. Mais le problème de la réalité n'est pas résolu : les dettes publiques et bancaires croissent sans limite rationnelle. La cause initiale du surendettement est toujours active : la spéculation financière libre sur les prix masque les capacités réelles de production des emprunteurs. Les contreparties réelles futures des dépôts et créances en euro s'effondrent inexorablement.

Liquidité falsifiée

Notons que l'effondrement de la production économique future sous la parole financière qui la déforme est encore plus grave et plus massif en dollar et en livre sterling. Mais la désintégration de la réalité économique par la politique monétaire de la Fed et de la Bank of England est masquée dans une sur-réalité politique plus homogène que dans la zone euro. Les gouvernements américain et britannique sont en accord avec leur banque centrale spécialisée dans la défense des intérêts nationaux.

La liquidité monétaire en dollar et en euro drogue l'intelligence de l'économie. Les sens sont leurrés afin que la réalité concrète du surendettement financier ne soit pas accessible à la conscience. Or l'effet de la drogue monétaire est en train de s'estomper. Le sevrage douloureux qui ramènera la finance dans la réalité est inéluctable. Il sera violent, ou bien ordonné et pacifique.

Pour le moment, la politique achète du temps en accroissant le risque de collapsus dans l'opacification totale de l'offre et de la demande réelles de biens et services. La liquidité allouée aux États finance uniquement les dépenses urgentes. La volatilité et l'incohérence des prix sur les marchés financiers n'offre plus de repère pour diriger la dépense publique vers les services qui augmentent le bien-être collectif et la capacité à produire davantage.

Les parités de change du dollar et de l'euro contre les monnaies des pays émergents signalent des échanges correctement équilibrés alors que toute la réalité dit le contraire. Les crédits financiers vendus en euro et dollars sont réputés de prix équivalent aux importations. Mais l'activité de production et d'investissement des pays développés n'a pas la rentabilité qui permettra un remboursement des dettes internationales accumulées.

Les emprunteurs internationaux affichent des prix dans leur monnaie comme s'il n'était pas nécessaire qu'ils produisent et investissent. Dans l'économie mondialisée, les prix de conversion des monnaies entre elles sont une composante de l'anticipation économique par les prix. L'investissement dans le futur dépend du prix des matières, du prix de l'offre de travail dans les différents pays et enfin du prix des droits reconnus aux hommes dans les espaces nationaux.

Faillite systémique, désintégration des monnaies

Dans l'actuelle organisation mondiale des monnaies, la rentabilité des investissements croît avec la diminution des droits économiques réellement accordés. Les monnaies dépréciant les droits du travail expriment une faible demande de consommation et un gros potentiel d'exportation ; elles attirent l'investissement dans les activités génératrices de plus-values dans la sur-réalité juridique.

Les plus-values sont tirées de la différence de droit entre la monnaie de production et la monnaie de consommation. Le droit du consommateur est dissocié du droit du producteur. Les plus-values sont accumulées dans les monnaies de réserves internationales par lesquelles sont réglées les plus grandes dépenses de consommation.

Les parités de change dans les monnaies de réserve expriment le prix des placements financiers et non les prix de la demande réelle de biens et services. Le prix du travail et des exportations des économies domestiques en dollar ou en euro est intrinsèquement non compétitif sur le marché mondial. Le système monétaire international induit par construction l'accumulation de crédit sans contrepartie réelle.

Les monnaies de réserve s'adossent aux excédents commerciaux dans les pays qui n'internationalisent pas leur monnaie. L'économie financière fait sa rentabilité sur les déséquilibres de l'économie réelle qu'elle suscite délibérément par sa raison d'être actuelle. L'aberration économique est à présent définitivement bloquée sur le mur de la dette non réductible à la réalité observable.

Tant que le dollar et l'euro sont des monnaies internationales en même temps que des monnaies nationales, l'émission de liquidité par la Fed et la BCE nourrit la dette et détruit l'économie réelle. La liquidité empruntée aux banques centrales est le plus possible investie hors des États-Unis et de l'Union. L'insolvabilité évidente de la globalité des emprunteurs en dollar et euro implique d'investir là où l'économie réelle est rentable par des prix sous-évalués en parité dollar ou euro.

Le surréalisme financier repose sur une conception matérialiste de la monnaie. La monnaie est posée comme mesure de la puissance fictionnelle du nombre indépendant de toute satisfaction réelle des besoins humains formés par l'égalité des droits. Le matérialisme financier implique de brimer l'homme pour accumuler du capital monétaire sans contrepartie vérifiable dans les banques.

Pour lire la 2ème partie, c'est ici :
La monnaie doit permettre la régulation politique de l'économie par le droit

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