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Manuel Valls en pleine contre-offensive pour regagner le terrain perdu face à François Hollande
©Reuters

Versus

Ce mercredi 27 janvier, Christiane Taubira rendait les clefs de la place Vendôme tandis que François Hollande invitait Jean-Jacques Urvoas a prendre sa place. Le nouveau ministre de la Justice est un proche de Manuel Valls, confirmant un peu plus la ligne sécuritaire qu'il a mis en place au gouvernement. Face à cette montée en pouvoir d'un Premier ministre jadis affaibli, le Président de la République reste bien présent.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Avec la démission de Christiane Taubira et la nomination de Jean-Jacques Urvoas à la place Vendôme, Manuel Valls, qui jusqu'à lors était très affaibli, n'impose-t-il pas un peu plus sa patte à François Hollande ? Sans dire du Président qu'il perd de son pouvoir, assiste-t-on à un ré-équilibrage des pouvoirs à la tête de l'exécutif ?

Eddy Fougier : C'est très difficile à dire. Néanmoins, on constate aisément qu'un proche de Manuel Valls – déjà favori pour une entrée au gouvernement – occupe un poste régalien à la place d'un symbole, celui qu'était devenu Christiane Taubira à la suite du mariage pour tous pour lequel elle s'était engagée. C'est important. Ce cadre général est très clairement une avancée positive pour la ligne politique et sécuritaire défendue par le Premier ministre. De là à dire que c'est un risque politique à proprement parler pour François Hollande ? Probablement. Ce tout-sécuritaire comme cette sortie, spectaculaire s'il en est, de Christiane Taubira ne sont effectivement pas sans risques pour le Président de la République.

Indéniablement, la ligne de Manuel Valls se retrouve confortée par ces événements. Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant qu'il a pris l'ascendant sur François Hollande, loin de là. Quand bien même celui-ci reste affaibli par sa nouvelle chute dans l'opinion. Manuel Valls, à l'inverse, se maintient. Autre source d'affaiblissement pour le Président de la République : la perspective, ouverte par quelques-uns à gauche, d'une primaire à gauche. Le caractère automatique de la candidature du Président sortant aux élections présidentielles est sévèrement remis en cause. De facto, l'affaire Taubira risque de ne pas aider à améliorer la capacité de rassemblement des différentes gauches de François Hollande.

Clairement, entre François Hollande et Manuel Valls, l'un perd des choses, sur le plan électoral, – le premier – tandis que le second consolide sa position, son orientation politique. Pour autant, il n'existe pas de vrai bras de fer entre Manuel Valls et François Hollande, qui se retrouve prisonnier de cette orientation sécuritaire à la suite des attentats, de l'Etat d'urgence, du dossier relatif à la déchéance de nationalité... tout cela, couplé à la démission de Christiane Taubira, commence à faire beaucoup. D'une certaine façon, et d'une certaine façon seulement, François Hollande est devenu l'otage politique de Manuel Valls. L'otage de cette orientation sécuritaire, plus précisément, incarnée à la fois par Manuel Valls et Bernard Cazeneuve.

Le gouvernement, avec la nomination de Jean-Jacques Urvoas, a pris une tournure très sécuritaire. Or, ce virage entrepris avec la mise en place de l'Etat d'urgence semble profiter à François Hollande. Jusqu'où maitrise-t-il la remontée de Manuel Valls ?

Là encore, la situation est compliquée. Le rapport entre la sécurité et les sondages fonctionne à chaud, après un attentat. A ce moment, la préoccupation sécuritaire monte en flèche. Les Français ont été rassurés par un certain nombre d'actions, ainsi qu'une orientation forte. Pour autant, dès que ce flot sécuritaire se retire, ne serait-ce qu'un peu,  les préoccupations traditionnelles refont surface. Le chômage est l'une des plus importantes, or les chiffres ne sont pas bons. Très rapidement, dans l'opinion, François Hollande perd du terrain. Miser sur le tout-sécuritaire à des fins politiques, politiciennes mais aussi de popularité, c'est un risque énorme. Il risque des déceptions, d'une part, mais aussi l'aliénation d'une partie de son électorat et de ses soutiens politiques.

Manuel Valls a toujours été l'un des plus fermes sur les questions sécuritaires chez les socialistes. Même avant de se présenter à la primaire, il était déjà positionné sur ces aspects. François Hollande, en revanche, n'appartenait pas à cette logique-là : ce sont les événements qui l'y ont poussé. C'est en partie pour cela que cette orientation sécuritaire est risquée. C'est une politique assez forte pour François Hollande, d'autant plus qu'en dépit de celle-ci, on ne peut exclure la possibilité de nouveaux attentats. Certains vont d'ailleurs chercher dans le passé des références aux dérives sécuritaires socialistes de 56, par exemple. Manuel Valls est dans sa logique politique. Pas Hollande. S'il n'est pas dépassé, il est pris dans une spirale qu'il a du mal à maîtriser. La déchéance de nationalité est symbolique de cette orientation dont il a du mal à se défaire : sous Nicolas Sarkozy, l'idée avait provoqué une levée de bouclier. François Hollande, en l'inscrivant dans la réforme de la constitution, a dépassé une ligne rouge. Nous sommes maintenant dans l'inconnu.

François Hollande devrait-il s'en inquiéter ?

Je crois effectivement que le Président a matière à s'inquiéter de cette spirale dans laquelle il est embarqué. Tous ceux qui ont quitté le gouvernement (Duflot, Montebourg, Hamon, Filippetti, etc) formulent des critiques ouvertes à l'encontre de François Hollande et de l'action du gouvernement. Christiane Taubira en formulera sans doute également. Cela fait écho à ce que disent les frondeurs, ce qu'exprime plus ou moins Martine Aubry, sans parler des propos que peuvent tenir les représentants du Parti Communiste ou du Front de Gauche. L'idée d'une candidature unique, suffisamment large pour rassembler, comme la voudrait Jean-Christophe Cambadélis, semble de moins en moins accessible à François Hollande. Il lui faudra faire preuve d'une extrême habilité politique. Empêcher l'organisation d'une primaire ne sera pas simple… Il n'est plus si probable que François Hollande soit le candidat automatique à gauche. C'est assez étonnant dans la mesure où ce qui apparaissait comme une évidence jusqu'à récemment – les candidatures de François Hollande et Nicolas Sarkozy aux présidentielles de 2017 – n'a plus rien de certain.

Au regard des sondages et de l'opinion, il peut sembler légitime d'imaginer un duel Valls-Hollande. Sur le plan des sondages, Emmanuel Macron et Manuel Valls sont effectivement bien placés. Pour autant, il y a les sondages, les militants et enfin les primaires. J'imagine mal Emmanuel Macron se présenter à une éventuelle primaire. C'est déjà plus du ressort de Manuel Valls, qui n'a en revanche aucune chance aux yeux militants. Il serait peut-être plus en mesure de gagner auprès d'un électorat élargi, s'il y avait de fortes présomptions que le candidat de gauche ne parvienne pas à se qualifier pour le deuxième tour. Même dans cette situation, il resterait très complexe pour Manuel Valls d'être désigné comme le candidat de la gauche : s'il l'est, il est probable qu'un autre candidat de gauche important se présente. Christiane Taubira pourrait réitérer ce qui s'est passé en 2002. A l'évidence, tout se complexifie. Ce qui paraissait fermé  est désormais plus ouvert… ce qui ne résulte pas nécessairement, en l'absence d'une candidature Hollande pour une raison X ou Y, que Manuel Valls a plus de chances.

Concrètement, le Premier ministre peut-il profiter de cette tendance ? Quelle(s) carte(s) est-il en mesure de jouer dans l'immédiat ?

Comme dit plus tôt, il existe un risque très important à tenir une posture aussi sécuritaire que celle de Manuel Valls : celui de ne pas avoir de résultats. Si la fermeté ne se traduit pas par des résultats concrets comme une amélioration de la sécurité, et surtout l'absence d'attentats, Manuel Valls perdra nécessairement et inévitablement des points. Sa seule façon d'en engranger, c'est de faire en sorte que les événements ne se produisent pas… ce qui est difficile et, somme toute, relativement aléatoire.  Sans compter le risque d'être taxé de "dérive droitière".  C'est là que demeure l'opportunité de Manuel Valls : s'il ne se passe rien, il gagnera en crédibilité, continuera à rassurer. Dans le cas inverse, il perdra tout poids.

Il existe des risques concrets, ceux de ne pas parvenir à déjouer un attentat, et des risques politiques relatifs au durcissement des mesures sécuritaires. Ce gouvernement apparaît de plus en plus minoritaire à gauche et, aux yeux de certains, de plus en plus minoritairement de gauche. 

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