Ces rumeurs d’accord entre Russie et OPEP qui se cachent derrière la dangereuse remontée des cours du pétrole depuis 2 jours<!-- --> | Atlantico.fr
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L’accord OPEP-Russie concernerait donc environ la moitié de la production mondiale et une baisse de 5% se traduirait, si elle était respectée, par un retrait de 2 à 2,5 millions de barils par jour.
L’accord OPEP-Russie concernerait donc environ la moitié de la production mondiale et une baisse de 5% se traduirait, si elle était respectée, par un retrait de 2 à 2,5 millions de barils par jour.
©Reuters

Explosif

Alors que le pétrole venait d'atteindre un plus bas depuis 2004 en ce début d'année, le prix du baril vient de subir une forte hausse de près de 20% en quelques jours. Ceci faisant suite à une rumeur d'accord entre OPEP et Russie pour couper les niveaux de production.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Alors que les saoudiens refusaient jusqu'à présent de baisser leur production pour ne pas perdre leurs parts de marché, l'OPEP serait aujourdhui prête à s'accorder avec la Russie afin de soutenir une hausse du prix du baril. Un tel accord entre OPEP et la Russie est il crédible ? Quelles en seraient les conséquences pour l'OPEP ?

Stephan Silvestre : Après des mois de stratégie de baisse des prix, qui a emmené le baril sous les 30$ contre l’avis de nombreux membres de l’OPEP, l’Arabie Saoudite cherche maintenant à reprendre la main sur les prix. Le point de retournement a été atteint d’une part en raison de l’arrivée imminente du brut iranien sur le marché, qui effraye le royaume saoudien, et d’autre part en raison de la dégradation accélérée de ses comptes publics. À l’occasion de la dernière réunion de l’OPEP de décembre dernier, l’Arabie Saoudite avait déjà tenté d’appeler à une action coordonnées avec les pays non membres, à commencer par la Russie. À ce  moment, cet appel était resté vain et les désaccords internes à l’OPEP, notamment entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, avaient conduit à une impasse qui avait entraîné la chute des cours. Mais avec un baril sous les 30$, la Russie exsangue commence à réexaminer cette idée. L’objectif serait de réduire la production de 5% au niveau mondial. Il faut tout d’abord préciser que cela ne pourra pas être à cette échelle car nombre des principaux producteurs (USA, Canada, Chine, Brésil, Norvège, Mexique) ne sont pas près de jouer le jeu. L’accord OPEP-Russie concernerait donc environ la moitié de la production mondiale et une baisse de 5% se traduirait, si elle était respectée, par un retrait de 2 à 2,5 millions de barils par jour. Ce volume correspond précisément à l’excédent actuellement constaté sur le marché : une telle coupe entraînerait donc une très forte tension sur les prix.Ce que l’on observe ici, n’est autre qu’un effet de balancier diplomatique bien classique : face au rapprochement de l’Iran et de l’Occident, l’Arabie Saoudite réagit en se tournant vers Moscou.

Mais, si les intérêts de ces deux pays convergent sur cette question, c’est loin d’être le cas sur tous les dossiers, notamment sur le théâtre irako-syrien. De plus, il ne faut pas oublier qu’en faisant chuter les prix, l’Arabie Saoudite a aussi attaqué (commercialement) la Russie et celle-ci va rester très méfiante face aux propositions de son interlocuteur. La pérennité d’un tel accord reste donc à éprouver, de même que la solidarité à l’intérieur même de l’OPEP. 

Quels sont les pays producteurs qui ont le plus à gagner d'un accord de réduction de la production ? Certains membres de l'OPEP ont-ils plus à perdre ?

Le problème de l’OPEP, c’est que tout le monde souhaite que les cours remontent, mais personne ne veut baisser sa propre production. Les pays qui sont au bord du gouffre, ou plutôt déjà dedans, sont le Venezuela, l’Algérie, le Nigeria et l’Irak. C’est pourquoi le Venezuela, qui devrait se trouver en situation de banqueroute dans les prochains mois, essaye d’obtenir une réunion d’urgence du cartel. Tous ces pays sont capables de produire à un coût marginal inférieur à 16$ par baril : ils ne perdent donc pas d’argent à proprement parler, mais leurs États dépendent très fortement de la rente pétrolière pour vivre. C’est-à-dire qu’ils ne sont plus en mesure d’assurer leur rôle social et qu’ils sont exposés à la colère de leurs populations. Ceux qui pourraient perdre à un tel accord sont les monarchies du Golfe qui produisent à très bas coût (moins de 6$ en coût marginal) et qui pourraient perdre des parts de marché au bénéfice des pays qui ne vont pas jouer le jeu. 

L'économie mondiale et européenne a largement profité de la baisse ayant eu lieu dans le cours de l'année 2015. Cette nouvelle situation est elle susceptible de fragiliser l'économie mondiale ou l'européenne ?

Si les cours remontent à un rythme peu soutenu et qu’ils ne dépassent pas 50$, les pays consommateurs restent largement bénéficiaires et l’impact sur leurs PIB sera faible. On a vu ces derniers mois que, en dépit de cours extrêmement bas, la croissance mondiale n’a pas été très soutenue, ni en Asie, ni en Occident. En revanche, dans l’hypothèse où 2 millions de barils par jour seraient retirés du marché et que les prix s’enflammeraient de nouveau, l’impact serait bien plus fort. Les économies occidentales se sont maintenant habituées à des prix bas et une remontée brutale entraînerait une baisse de la consommation et probablement une récession. 

Que signifierait un tel accord pour la production pétrolière américaine ? 

Paradoxalement, il serait très bénéfique à la production américaine ! En effet, les investissements de production ont été gelés en raison de la faiblesse des cours. Si cet accord voyait le jour et que les cours remontaient au-dessus de 55$, de nouveaux investissements seraient débloqués et la production pourrait repartir. C’est le scénario que l’Arabie Saoudite essaye justement d’éviter. Mais ce pays, comme les autres membres du cartel, a les reins moins solides que les États-Unis et il est peu probable qu’il gagne son bras de fer. 

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