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 Démission de Taubira : un bon direct dans l’estomac de Hollande… mais pas de KO en vue pour sa candidature 2017
©Reuters

Touché mais pas coulé

L'ancienne ministre de la Justice et garante de la ligne à gauche du gouvernement, Christiane Taubira, déstabilise par son départ le fragile équilibre que François Hollande avait tenté de trouver depuis le début de son mandat. Forte de sa popularité parmi l'aile gauche du PS, rien ne l'empêche de se mettre sur la route d'une éventuelle primaire.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Comme d'habitude, si cela n'avait tenu qu'à lui, il n'aurait rien changé. Il aurait continué à ménager la chèvre et le chou, sa droite et sa gauche, son Valls et sa Taubira. Il aurait bien sacrifié quelques ministres à la marge, lors du nécessaire remaniement de printemps, mais jamais au grand jamais, il n'aurait  limogé sa charismatique Garde des Sceaux. Car François Hollande n'est pas à l'aise à cloche pied. Il aime cet équilibre qui lui permet de louvoyer d'une rive à l'autre. Et de tirer des bords lorsque le temps se fait mauvais. Il aime cet éclectisme qui lui permet de s'imposer comme le point central, l'élément fédérateur. Cette diversité qui lui permet de mieux régner, sans qui son avenir présidentiel s'assombrit. Christiane Taubira partie, c'est un fragile équilibre, patiemment construit depuis 2012, qui s'effondre. Une architecture savamment étoffée pour incarner toute la gauche, sans trop laisser d'air aux ambitieuses individualités, qui s'effiloche. D'un claquement de porte, Christiane Taubira a rendu monocolore le gouvernement et le président de la République avec. En laissant en tête à tête Manuel Valls et Emmanuel Macron, la locataire de la place Vendôme offre une victoire à la ligne libérale du PS qui devient désormais ultra majoritaire, déstabilisant un peu plus le Chef de l'Etat déjà fort critiqué pour avoir tiré les lignes à droite.

Christiane Taubira était, en effet, le dernier fil qui retenait encore le quarteron des électeurs de la gauche du PS dans le giron de François Hollande. Un électorat de gauche qui lui était reconnaissant à la fois d'avoir fait voter la loi permettant le mariage  pour tous, mais aussi d'avoir défendu avec éloquence ses positions lors du débat à l'Assemblée nationale, un électorat de gauche qui partageait ses convictions sur la politique pénale et récemment sur la déchéance de nationalité. Un électorat de gauche qui n'a désormais plus aucune raison de voter François Hollande à nouveau. Ni même de le soutenir jusqu'à la fin du quinquennat.

Le départ de Christiane Taubira est aussi une franche victoire de Manuel Valls qui a tout fait pour la pousser hors du jeu et qui obtient en prime que l'un de ses proches, Jean-Jacques Urvoas, la remplace à ce poste stratégique.  Pourquoi François Hollande accorde-t-il un tel cadeau à son premier ministre? Sans doute parce qu'il n'avait pas le choix, Christiane Taubira partant le jour où commencent les discussions sur la réforme constitutionnelle, son remplaçant devait connaitre le dossier sur le bout des doigts. Le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas était la personne idoine. Désormais Manuel Valls est donc seul maitre à bord, ou presque. Son homologue de Bercy se retrouvant bien seul pour lui tenir tête.

Le départ de Christiane Taubira ne casse donc pas seulement les équilibres politiques mais en se retirant du jeu, elle installe le duel Macron-Valls qui devrait animer la fin du quinquennat. François Hollande peut certes profiter du prochain remaniement pour rééquilibrer son mécano mais il va lui être compliqué de trouver quelqu'un d'aussi charismatique et emblématique que son ancienne Garde des Sceaux afin d'incarner une aile gauche qui n'a plus envie de jouer le jeu.

Les choses se compliquent donc en vue de 2017, d'autant que Christiane Taubira pourrait se sentir pousser des ailes. Certes elle a confié samedi à Michel Denisot qu'elle ne participerait pas à d'éventuelles primaires ajoutant : "maintenant je veux être entourée de mes livres en Guyane sous un dôme de lumière". Elle pourai ten revanche se présenter en dehors des primaires. Certes, le souvenir de 2002 doit encore la hanter, elle qui a été longtemps pointée du doigt pour avoir barré la route à Lionel Jospin par sa candidature au premier tour de la présidentielle. Aura-t-elle le courage et l'envie de se relancer dans une nouvelle campagne présidentielle à haut risque? Pas sûr.

Christiane Taubira est pourtant la seule, à la gauche du PS, à bénéficier d'une telle popularité, d'une telle aura et surtout d'un parti, le PRG, dont elle a été la candidate en 2002, et de ses réseaux militants essentiels pour mener une campagne. Elle pourrait facilement agréger les voix des frondeurs  (elle avait été ovationnée pendant de longues minutes lors de leur réunion à la Rochelle en 2014) mais pas seulement. Arnaud Montebourg par exemple a salué son départ d'un tweet amical: "Hommage affectueux à Christiane Taubira en fidélité à nos combats. Résister c'est en effet savoir partir, oui. Tu l'as si bien fait". Du côté des électeurs d'Europe Ecologie Les Verts et même du Front de Gauche, elle bénéficie d'une grande popularité. En usera-t-elle, rien n'est moins sûr. En revanche, elle restera évidement vigilante. Et quoi qu'elle en dise, en cas de forfait de François Hollande, elle pourrait se mettre sur la route d'un Manuel Valls lors de grandes primaires à gauche.

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