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La France bonne dernière des créations d'emplois en Europe : la facture de l'immobilisme hollandais qui attendait que la croissance tombe du ciel
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Mauvais calcul

François Hollande a encore promis que l’emploi se redresserait grâce à un retour de croissance. Il va dans le mur, c’est exactement l’inverse.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La situation économique est catastrophique. Les chiffres sont calamiteux. La France est de tous les pays occidentaux celui où l'activite est la plus lente, les créations d’emplois les plus faibles. Nous avons créé moins d’emplois qu’en Grande-Bretagne. Moins qu’en Espagne, en Italie ou au Portugal. 

Si on prend les chiffres d’Eurostat, on s’aperçoit qu'en deux ans (entre le début du 2ème semestre 2013 et la fin 2015), la France a créé 57 000 emplois marchands (c’est-à-dire dans le secteur privé). Dans le même temps, l’Allemagne a créé 482 000 emplois, l’Italie 288 000 emplois, l’Espagne 610 000 emplois alors que ces deux pays étaient encore en récession.

Pour traiter son problème de chômage supérieur à 10%, la France a délivré une energie folle mais qui s’est avérée complètement inutile. La grande erreur du président de la République et de tout le Parti socialiste a été de nous expliquer que la croissance allait revenir. Grâce à la reprise mondiale (forcément contagieuse), grâce à la magie des taux d’intérêt extrêmement bas, d’un euro plus faible et d’un prix du pétrole historiquement bas. Et que cette croissance allait créer des emplois. Rien n’est plus faux.

Parallèlement, François Hollande a laissé filer les mécanismes de redistribution sociale (allocations et prestations de toute sorte) en pensant que ça servait non seulement d’amortisseurs sociaux, mais aussi d’outils pour alimenter la demande... Enfin, il a réclamé à corps et à cris une relance monétaire de la banque centrale européenne qui a fini par se débloquer et qui apporte des tonnes de liquidités au système.

Alors, la mise en œuvre de tous ces outils a engendré certes une légère reprise de la croissance mais beaucoup plus faible qu'à l’extérieur, et avec aucun effet sur l’emploi. La mise en place du CICE, qui aurait dû engendrer un soutien de l’investissent, n’a pas encore eu beaucoup d’effet sur l’emploi. En bref, la croissance générée ou importée a été très insuffisante pour stopper la montée du chômage... Mais plus grave, elle n’a pas fait repartir la création d’emploi.

C’est bien le drame français. Le chômage n'a pas beaucoup baissé en Europe, la croissance était trop faible mais tous les pays ont su faire repartir la création d’emplois. Tous les pays sauf la France. L’Allemagne a joué sur l’organisation du travail et les mini-jobs. La Grande Bretagne a misé à fond sur la flexibilité. L’Italie a fait une véritable révolution de l’organisation du marché du travail avec la mise en place du job act avec un contrat unique de travail et des droits sociaux progressifs liés à l’ancienneté, une réforme des procédures de licenciement, etc. L’Espagne et le Portugal ont mis en place une politique de modération des salaires et des revenus indexés sur l’inflation, mais surtout une réforme radicale de l’organisation du travail. Libéralisation des contrats de travail, raccourcissement des préavis de licenciement, etc.

Le problème dans cette affaire, c’est qu’il a bien fallu, en France, pour rassurer les marchés, faire semblant de restaurer les équilibres budgétaires, d’où le matraquage fiscale au début du quinquennat. Cette trousse à outils n'a servi strictement à rien. La France n’a pas retrouvé la croissance et en voulant se protéger du chômage, elle s’est protégée de l’emploi. En bref, tous les pays européens qui ont en moyenne créé dix fois plus d’emplois qu'en France n’ont pas réalisé cette performance parce qu' ils avaient de la croissance, mais parce qu'ils ont débloqué le système d’embauche.

La France a attendu que la croissance tombe du ciel, et ce faisant elle s’est interdit de déverrouiller le mécanisme d’emplois. C’est vrai qu’en France comme ailleurs, il existait un écosystème plutôt favorable à la création d’emplois. Nous avions en France plutôt plus d’idées innovantes qu'ailleurs. Nous avions des potentialités de marchés plutôt importantes par le déficit budgétaire, nous avions la même abondance de liquidités, des taux très bas.. et pourtant les entreprises n’ont ni investi, ni créé d’emplois.

Alors pourquoi ? Tout simplement parce que les chefs d’entreprise se sont enfermés dans un phénomène de rejet. L’emploi pour eux est devenu trop compliqué, trop stressant, trop onéreux. Beaucoup d’entrepreneurs français ont préféré refuser des clients, renoncer à un marché, plutôt que d’investir et d’embaucher. Lorsque le Gouvernement a commencé à comprendre ce phénomène et à lancer le CICE, il a continué de tenir un discours très ambigü à l’égard des acteurs du monde des affaires. La fiscalité du capital est restée très lourde, or la fiscalité du capital est une fiscalité qui freine l’investissement. Plus grave encore, le Gouvernement a laissé penser qu'il pouvait faire machine arrière et revenir à une politique économique plus classique. En écoutant les frondeurs, en laissant Arnaud Montebourg en liberté sur le thème de l’étatisme, il décourageait par défaut les chefs d’entreprise. Aujourd'hui, en ne faisant aucun effort de restriction des dépenses publiques, il laisse entendre qu'on ne pourra jamais diminuer la pression fiscale. En rabotant la loi Macron, en recadrant chaque ambition de réforme que peut imaginer le ministre de l’Economie, le Gouvernement envoie un signal qui n’est guère favorable aux chefs d’entreprise.

Le dernier plan d’urgence pour l’emploi ne contient aucune réforme structurelle. Les projets concernant le droit de licenciement ou le fonctionnement du marché du travail ont été abandonnés. Dans ces conditions, le président de la République peut toujours déverser des tonnes de prestations et de subventions pour la formation et pour le chômage, il ne changera pas l’attitude des chefs d’entreprise tant qu’il ne s’attaquera pas aux conditions de travail, aux horaires, aux dépenses publiques et à l'impôt sur l’investissement.

C’est dommage parce que jamais les conditions économiques et financières de la création d’emplois n'ont été aussi bien réunies. Il faudrait simplement faire sauter les verrous psychologiques et cela, le Président ne le fera pas, Il ne laissera même pas son ministre de l’Economie le faire à sa place. Quand dans ce pays on aura enfin compris que la croissance ne tombe ni du ciel, ni de Bercy , ni de la BCE... Tant que dans ce pays on n’aura pas compris que c’est l’emploi qui fabrique la croissance et non l’inverse, on ne sortira pas du chômage de masse.

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