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Suppression du mot "race" de la Constitution : quand le PS ne prend même plus la peine de masquer les petits calculs politiques qui nourrissent ses "grandes" visions
©Reuters

Le mot de trop ?

Jean-François Cambadélis a demandé à François Hollande d'intégrer à la prochaine révision constitutionnelle la suppression du mot race, présent depuis 1789. Une démarche propre à diviser la société et à renforcer le sentiments de victimisation, au moment où il faudrait davantage s'attarder à la rassembler.

Zohra Bitan

Zohra Bitan

Membre fondatrice de La Transition, Zohra Bitan est cadre de la fonction publique territoriale depuis 1989, ancienne conseillère municipale PS de l'opposition àThiais (94), et était porte-parole de Manuel Valls pendant la primaire socialiste de 2011. Militante associative (lutte contre la misère intellectuelle et Éducation), elle est l'auteur de Cette gauche qui nous désintègre, Editions François Bourin, 2014.

 
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Atlantico : Le Parti Socialiste, par l'entremise de son sécrétaire Jean-François Cambadélis a demandé au gouvernement d'intégrer à la prochaine révision constitutionnelle la suppression du mot "race" : était-ce si urgent ?

Zohra Bitan : Cela pourrait être une mesure essentielle en un autre temps, un âge plus apaisé ; mais ce n'est malheureusement qu'une mesure symbolique sans impact, comme tout ce que fait ce gouvernement quand il se complaît dans la commémoration et le symbole pour camoufler les vraies priorités que sont le chômage, la précarité ou la lutte contre l'antisémitisme. Cela ne changera rien au fond.

Ce gage envoyé aux antiracistes ne vient-il pas juste pour contrebalancer l'annonce des mesures de déchéances de nationalité, très impopulaires au sein du parti ?

L'antiracisme est massacré par la toute puissance d'un antiracisme politique (la connivence entre SOS Racisme et le Parti Socialiste en est l'exemple le plus exaspérant), une gabegie qui dure depuis maintenant 30 ans et qui a muté sur d'autres souches racistes et encouragé les dissensions. Le gouvernement donne des gages sans poids, quand ceux qu'il devrait donner en réalité sont des gages d'accès au logement, de luttes pour le logement et contre la précarité... et surtout de rassemblement de la communauté nationale. La victimisation symbolique empêche toute action de terrain, et devient presque nocive.

On jette de l'huile sur le feu. Car ce gouvernement passe véritablement son temps à commémorer et à faire des actes symboliques. Et c'est une chose grave : on assiste au quinquennat du symbole et de la diversion. La déchéance de nationalité est du même acabit, du même type d'habillage, et on commence à se demander si l'ADN du Parti Socialiste n'est pas dans l'invention des symboles creux quand surgissent les problèmes. Un symbole ne fait pas une solution, cela se saurait.

Si supprimer le mot race de la Constitution était un signal fort, dans l’État de notre société, avec les attentats et la division qui s'ensuit, forte comme on ne l'a jamais eu, une France divisée comme un patchwork se désolidarisant, cela se saurait ! Et les Français pensent que l'on se moque d'eux. Car le premier vrai pas pour tout antiraciste honnête passe par des mesures économiques. Pas uniquement, c'est certain, mais c'est un point de départ, auquel il faudra bien un jour ou l'autre adjoindre la question de la responsabilité et du rôle des parents, la réorientation de la politique urbaine. Ce n'est pas en criant la République que la République se met debout !

Les effets d’une telle mesure sont donc plus négatifs que positifs ?

La suppression du mot race ne va pas changer le destin de ces 10 millions de pauvres, de ces 32% de jeunes qui sont en âge de travailler et qui pointent à pole emploi. Rien. Cette mesure symbolique ne sert pas à grand chose, c’est comme la peine de mort. Par contre, si la politique du gouvernement avait été efficace au quotidien, si elle avait changé la vie des Français, cette mesure aurait apporté du crédit à François Hollande. Mais cette mesure ne va rien résoudre du tout sauf à faire plaisir une petite minorité. Ce gouvernement n’a plus de boussole. Il suffit de voir les dernières déclarations du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve qui explique que "la France a incontestablement des racines chrétiennes". Le PS n’a plus de colonne vertébrale. Les membres du gouvernement et les socialistes piochent partout au grès de l’atmosphère. En fonction de là où ils prennent la température, un coup au FN, un coup à droite, un autre auprès du peuple, ils orientent leur discours. Il n’y a pas de cap. 

Supprimer un mot ne supprime donc pas le problème...

Comment peut-on s’introduire dans la tête de chaque citoyen et lui intimer l’ordre de ne pas être raciste ? Celui qui a la recette, qu’il vienne vite nous la donner ! Ce n’est pas en supprimant le mot race qu’on empêchera les gens dans leurs salons, au bistrot du quartier, au bureau d’être raciste s’ils en ont envie. certes être raciste est un délit. Mais supprimer le mot race revient à planquer le racisme sous le tapis. Le délit de racisme ne doit pas induire un déni du racisme ! Cette suppression du mot race est également troublante puisqu’elle survient après la fameuse attaque de Claude Bartolone pendant la campagne des régionales où il n’hésite pas à utiliser le mot race contre son adversaire Valérie Pécresse. L’hypocrisie est donc flagrante. Mais à la veille des présidentielles, le clientélisme politique, qui consiste à adresser à chacun un message, bat son plein. Chaque politique adresse un message à une communauté en particulier mais personne ne s’adresse à la communauté nationale en tenant un discours rassembleur qui répond à la première problématique des français qui est de sa savoir : comment je mange et comment je termine mon mois. Bilan : au lieu d’avoir un seul message, on a 100 messages qui se contredisent et créé une cacophonie redoutable, et la politique nous offre un spectacle pitoyable. 

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