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Nicolas Sarkozy : des mea culpa beaucoup plus guerriers qu’il n’y paraît
©Reuters

Stratégie des mots

La publication des extraits du livre-confession de Nicolas Sarkozy a étonné du fait de l'importante quantité de regrets affichés. Derrière ces déclarations s'observe pourtant une certaine pérennité de l'image et du discours de Nicolas Sarkozy à l'approche de 2017.

Frédéric  Métézeau

Frédéric Métézeau

Frédéric Métézeau est journaliste depuis 15 ans. Il a été journaliste pour France Bleu Nord, basé à Lille, et a présenté les informations sur France Inter avant devenir chef du service politique sur France Culture. Depuis août 2015, il est chef du service politique de France Inter.

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Atlantico : Nicolas Sarkozy émet beaucoup de regrets et multiplie les mea culpa dans les extraits publiés de son livre "La France pour la vie", qui sera publié chez Plon lundi prochain. Il reconnaît des erreurs de style bling bling qui ont pu gêner les Français, et les regrettent : ainsi il en est des épisodes du yacht de Vincent Bolloré, du Fouquets, du fameux "Casse-toi pauvre con !". S'agit-il d'une sincère volonté de changer de stature pour l'ancien président ?

Frédéric Métézeau : Pour ce qui est de sa sincérité profonde, je ne suis ni son confesseur, ni son psychiatre, ni son ami, ni son confident ! Je ne pourrais vous dire s'il est sincère ou pas ; en revanche, pour lui, pour corriger son image, c'est absolument nécessaire : les enquêtes d'opinion montre que c'est cette image là qu'ont les Français de lui très précisément. Ces histoires ont presque dix ans : pour son image, on peut dire qu'il était temps.

La vrai question, qui ne concerne pas uniquement Nicolas Sarkozy mais tous les hommes est : change-t-on entre 50 et 60 ans ? On peut tenter deux réponses : premièrement, est-ce qu'à force de changer perpétuellement comme il nous l'a dit, on ne retrouverait pas à chaque fois le même Nicolas Sarkozy. Ensuite, avec les déplacements au Havre en avion et autres conférences rémunérées on peut douter qu'il soit devenu subitement un moine. Les Français savent tout cela, et c'est peut-être aussi pour cela qu'il a tout intérêt à faire ces mea culpa, parce que ces boulets avaient toujours un effet dévastateur sur son image.

Autres mea culpa, ceux d'un homme qui regrette de ne pas être allé assez loin, assez vite, et de s'être laissé influencer parfois au dépens de la nécessité de réforme : ISF, Schengen, heures supplémentaires : tous ces thèmes de regrets ne sont-ils pas là pour révéler l'image d'un Sarkozy actif et volontariste ?

C'est une esquisse de programme. Un programme de droite bon teint, à peu près similaire à ceux de ses concurrents potentiels : quand il parle des 35h, quand il parle de l'ISF, quand il évoque un référendum sur Schengen, il s'agit d'une réactualisation des thèmes de 2012 qu'il remet au goût du jour, thèmes repris donc par tous les autres barons des Républicains. Le libre choix du temps de travail dans les entreprises est par exemple une proposition faite aussi par Alain Juppé. On a affaire à la doxa la plus classique de la droite. Ces regrets sous-entendent donc ceci : je réglerai ces problèmes que j'ai laissé en 2012 si vous m'élisez en 2017.

Enfin Nicolas Sarkozy se pose comme au dessus de la mêlée politicienne, regrettant les aigreurs et combats inutiles. Il affirme sortir du calcul politicien et propose un apaisement : mais celui-ci n'est-il pas ambigu, comme le montre ses déclarations envers la Manif pour Tous, mais aussi Alain Juppé, François Fillon ou François Hollande ?

En ce qui concerne l'épisode du parvis de l'Elysée, où il attaque la froideur de François Hollande, on peut voir qu'il choisit de se mettre au centre pour renverser l'image que l'on a de lui. Il fait alors jouer le positionnement des uns et des autres par rapport à sa personne. Il s'agit de se placer comme leur adversaire et concurrent prioritaire. Et ce pour Hollande comme pour Juppé et Fillon, même si c'est beaucoup plus facile d'affronter Hollande, car d'une certaine façon l'un et l'autre se cherchent et l'un et l'autre se veulent. Ils rêvent d'un match retour, et c'est pour cela qu'il vient doucement le chercher derrière ces petits épisodes un peu anodins.

En ce qui concerne Juppé et Fillon, il a tout intérêt à sortir d'une logique de combat, du moins en apparence : il n'est pas candidat déclaré à la primaire des Républicains, et en tant que Secrétaire, on attend de lui qu'il se pose comme garant de son unité. Il se ménage toutes les portes : que se passerait-il si les sondages continuaient sur cette lancée pendant toute l'année, le plaçant de moins en moins comme un présidentiable ? Après une telle vague de mea culpa, se posera la question de la suite. Car la tendance des sondages concernant son image est très forte, continue et ancienne. Elle montre un rejet réel.

Quand à la Manif pour Tous, il s'agit de la seule prise de position qui vient très fortement le mettre en danger. Il y a deux ans, il avait donné aux manifestants l'abrogation, comme pour leur faire plaisir : est-ce qu'on s'engage sur des sujets aussi lourds de sens d'une façon aussi légère ? Et peut-on, deux ans après, dire aussi légèrement le contraire ? Il fait pâle figure face à un Bruno Le Maire qui lui a tenu son cap même sous la pression, qui a tenu le choc. Nicolas Sarkozy a été dépassé et emporté par la foule, et c'est un preuve de faiblesse face à la pression. Et c'est là que c'est étonnant, parce qu'on lui reconnaissait une capacité à prévoir et à réagir avec force dans les périodes de gros temps. Et paradoxalement, c'est typiquement le genre de chose qui peut faire croire aux Français qu'il n'a pas changé. 

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