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Attentats, accusée Belgique, levez-vous : l’enquête qui pointe l’ampleur des dérives du Molenbeekistan
©Reuters

Plat pays

Désormais, les langues expertes se délient. La Belgique est ouvertement citée en tant que fief terroriste. L’attention est portée sur Molenbeek. Le mal est pourtant plus étendu. Et ses racines sont très profondes.

Dominique Dupont

Dominique Dupont

Dominique Dupont est une journaliste belge, travaillant dans l'un des plus important journal quotidien du pays. Elle s'exprime ici sous un pseudonyme.

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Belgique, royaume ouvert… à l’excès

Claude Moniquet, expert français en terrorisme basé à Bruxelles, en fin connaisseur du terrain, fait le constat sans appel d’un pays qui s’est laissé submerger par le radicalisme musulman. Dans le même sens, Frédéric Ploquin, journaliste spécialisé en sécurité, a déclaré sur France Info que “la Belgique est la base arrière du terrorisme “Daeschien” en Europe”.

A la pointe de la radicalisation, on retrouve Molenbeek, cette commune qui a mal vécu le tournant de la désindustrialisation et qui est aujourd’hui gangrenée par le communautarisme, jusqu’au sommet. L’ex-maire, Philippe Moureaux, également ancien homme fort du PS à Bruxelles en avait fait son laboratoire social personnel. Il y expérimentait un multiculturalisme dans sa forme la plus radicale qui a laissé de profondes traces.

Alors que sur LCI un correspondant dépêché sur place indique qu’à Molenbeek, malgré la présence d’une importante population immigrée “tout se passe bien” (ndlr: entendez entre “communautés”), la réalité est, elle, bien différente. Déjà en 1996, François Robert évoquait dans le quotidien “Le Soir” (pourtant ancré à gauche) le développement de plusieurs “NoGo Areas”.

Depuis le début de cette année, la France a en moyenne subi une attaque terroriste par trimestre. A chaque fois, qu’il s’agisse des frères Kouachi et de Coulibaly dans le cadre de l’attentat contre Charlie Hebdo, d’Ayoub el Khazzani auteur de l’attentat raté du Thalys ou encore des massacres qui viennent d’être perpétrés à Paris, tous sont passés par Molenbeek. La Belgique figurait aussi dans le parcours de Nemmouche et dans celui des proches de Merah. On pourrait même remonter au gang de Roubaix dont l’un des membres a été abattu lors d’une fusillade avec les forces spéciales sur une autoroute belge.

A vrai dire, pour reprendre les propos de Claude Moniquet, il faut plutôt s’étonner quand en matière de terrorisme la piste belge n’est pas évoquée. A partir du constat de ces faits aussi éloquents que récurrents, il devient impératif de s’interroger sur l’origine de cette spécificité belge en matière de terrorisme et qui fait de ce petit pays un sanctuaire pour le djihadisme.

Sur le plan géographique, on peut relever une position centrale sur le continent européen. Mais à l’heure de la globalisation et du développement des technologies de la communication, l’argument perd considérablement de sa pertinence.  La Belgique constitue un havre pour les terroristes probablement pour des raisons plus culturelles alors que paradoxalement, son histoire coloniale, à l’inverse de celle la France, est sans lien avec des pays arabo-musulmans. Léopold II était Roi des Belges et du Congo, pas du Maroc.

Bruxelles et le croissant pauvre

Une forme de ségrégation pousse les populations à se regrouper géographiquement par groupes ethniquement et socialement homogènes. Ainsi, dans les communes du Nord de Bruxelles comme Saint-Josse et Schaerbeek on retrouve surtout des populations originaires de Turquie tandis qu’à Molenbeek et Anderlecht, situées à l’ouest de Bruxelles, ce sont plutôt les Marocains qui prédominent. De façon générale, ces deux poches forment avec les quartiers défavorisés du centre de Bruxelles et d’Ixelles ce que l’on appelle "le croissant pauvre", une zone de l’agglomération bruxelloise où la population cumule à la fois les revenus officiels et le capital culturel les plus bas avec les plus hauts taux de population allochtone (ndlr : terme générique qui désigne en Belgique des personnes d’origine étrangère).

A l’inverse, le sud et l’est de Bruxelles ainsi que les zones les plus périphériques tendent à constituer la "couronne verte" qui rassemble les quartiers les plus aisés où vivent de nombreux ressortissants européens dont une importante communauté française forte de 53 000 personnes. Dans les années 1960, les besoins en main-d’œuvre ont amené la Belgique à passer des contrats avec divers pays pour faire venir des travailleurs immigrés dont le Maroc et la Turquie. A partir de quelques centaines d’individus, les effectifs ont rapidement crû, surtout à partir de l’instauration du regroupement familial. Ensuite, l’exacerbation du communautarisme et la constitution de poches urbaines homogènes sur le plan ethnico-religieux ont renforcé l’attractivité de la Belgique. Certains quartiers de Bruxelles, et c’est singulièrement le cas dans diverses zones de Molenbeek, peuvent désormais abriter une population constituée à 80%, d’allochtones.

Dans ces quartiers où des petites filles portent le voile et leur mère, le voile intégral, les façades lépreuses des maisons anciennes accumulent les paraboles. Des grappes de “jeunes” squattent le coin des rues, souvent exploité par un night shop, en scrutant le défilé des grosses cylindrées qui sillonnent le quartier. Le vendredi, jour de prière, rares sont les hommes qui ne portent pas la robe traditionnelle, quitte à l’enfiler au dessus des survêtements… Ces “enclaves” surprennent les visiteurs non avertis et les étrangers de passage dès la sortie du terminal Thalys tant elles échappent à notre espace-temps et aux forces de l’ordre qui ne parviennent plus, depuis des années, à y mener leurs missions de police. Les trafics en tous genres y prospèrent, au même titre que les mosquées les plus radicales. C’est sur ce type d’environnement post-moderne où l’archaïsme ne dédaigne pas l’usage du smartphone ou le maniement de l’AK47 que les activistes de Sharia4Belgium avaient jeté leur dévolu pour mener leurs actions et prospérer, avant que la justice ne finisse par réagir, après avoir fermé les yeux durant plusieurs années.

Pour quelqu’un d’extérieur, il paraît incompréhensible et même absurde que des autorités locales laissent un communautarisme aussi virulent s’ancrer aussi profondément dans le tissu urbain d’une ville hôte des institutions européennes ! Et pourtant, même Vincent Dewolf, député régional (MR) et maire de la très "select" Etterbeek, que l’on pourrait qualifier de district européen, tant elle compte de bâtiments institutionnels, de délégations et d’ambassades n’a pas hésité à chaleureusement serrer la main du leader de Sharia4Belgium pour lui indiquer qu’il autorisait sa manifestation devant l’ambassade du Maroc. Cela se passe en 2012. Voilà un an déjà que Sharia4Belgium menace publiquement la démocratie et appelle à la destruction de l’Atomium dans ses vidéos postées sur Youtube. A Etterbeek, pourtant, on disait ne disposer d’aucune information permettant d’interdire le happening djihadiste…

Le droit de vote des étrangers : vers un clientélisme ethnicisé

Pour expliquer cette tolérance excessive, il faut se pencher sur la complexité du système politique belge qui fut le premier à se doter dès 1899 d’un système de représentation proportionnelle. A priori très démocratique, ce scrutin implique en réalité la confiscation du second tour de l’électeur par les appareils de parti. Sous l’impulsion des divisions entre francophones et néerlandophones, la Belgique s’est aussi progressivement muée en un Etat fédéral. Par ailleurs, l’histoire du pays explique l’importance de l’échelon communal qui remonte au Moyen-Âge.

De cette complexité institutionnelle résulte un système politique singulier qui repose à la fois sur la prédominance du rôle joué par les partis - la particratie - mais aussi sur une culture du compromis puisque l’ensemble des acteurs est régulièrement amené à constituer des majorités aux divers niveaux de pouvoirs. Si les concepts sont très jolis sur le papier, ils conduisent immanquablement à l’affadissement idéologique et à la dilution programmatique, et cela dans toutes les familles politiques. Il n’y a qu’en période préélectorale que des figures de proue bombent le torse pour s’écharper en public. En pratique, les accords de majorité sont déjà scellés entre présidents de parti et tout est plié, sauf incident de parcours… Voilà l’envers peu reluisant du “compromis à la belge”, cet art subtil de la conciliation des contraires aussi vanté pour ses qualités que le chocolat, mais tout compte fait, peut-être moins digeste.

Tout aurait pu rester dans les limites du supportable, si la Belgique n’avait pas adopté le droit de vote des étrangers aux élections communales sous l’impulsion du libéral Louis Michel alors vice-premier ministre. C’est ainsi qu’en 2003, celui qui était supposé représenter la droite de l’échiquier allait coiffer les socialistes au poteau en les prenant de court sur l’élément le plus symbolique de leur programme : accorder le droit de votes aux étrangers hors-UE aux élections communales. Le temps et la démographie commencent à prouver aujourd’hui que cette décision était suicidaire. En effet, en terme de vote et de clientélisme ethnique, le PS avait une longueur d’avance. Une course infernale au communautarisme a été engagée par toutes les formations qui se sont mises à distribuer des tracts en turc, en arabe, en ourdou… sans même veiller à joindre une traduction en français ou en néerlandais.

Depuis lors, les politiques de tous bords, à quelques rares exceptions près, se sont mis au diapason des mosquées et ne ratent plus une occasion du calendrier musulman pour souhaiter tantôt un joyeux ramadan, tantôt une bonne fête du mouton. La plupart des maires organisent même des sites mobiles d’abattage rituel aux frais du contribuable où leurs nouveaux électeurs potentiels sont invités à égorger leurs moutons. Si la proportion d’élus allochtones a fait un bond spectaculaire sur le plan local au point de ne plus refléter la composition réelle de la population, plus inquiétante encore est l’apparition dans le paysage politique belge de partis qui clament ouvertement vouloir imposer la charia au royaume d’Albert II. Ainsi, le parti Islam fondé en 2012 a réussi dès les premières élections à engranger deux conseillers dans les communes d’Anderlecht et de Molenbeek.

Avec l’arrivée de ce type de profils au sein d’un conseil communal, on observe que l’ensemble des élus tend à devenir plus perméable à l’entrisme d’un islam toujours plus radical. Ainsi, les petits arrangements entre meilleurs ennemis qui s’ancrent dans les quotients électoraux débouchent sur un pragmatisme boutiquier éloigné de toute idéologie. Voilà peut-être pourquoi les francophones eux-mêmes boudent la politique en mode mineur menée dans leur pays et la délaissent au profit des débats autrement plus passionnants qui animent la France. Le désintérêt, voilà une des clés du caractère atone de la politique du côté francophone. On a même vu apparaître lors des derniers scrutins d’importants taux d’abstentions dans un pays où le vote est pourtant obligatoire.

Dans ce contexte, quoi de plus motivant pour un candidat que de jouer la carte du vote ethnique. En effet, convaincre un imam, un responsable associatif ou un boucher garant du respect des rites, c’est s’assurer des voix par dizaines, voire par centaines. C’est tellement plus efficace que de faire du porte à porte pour arracher un à un les votes des “vieux belges” rétifs. En politique, rares sont les candidats qui troqueraient un chalutier contre une canne pour aller à la pêche aux voix…

Molenbeek, du multiculturalisme radical au djihadisme

Molenbeek offre aujourd’hui une parfaite illustration de l’impasse dans laquelle se sont engouffrés ceux qui pratiquent avec autant de zèle la politique du compromis. Interrogé aujourd’hui sur son bilan, l’ex-maire, Philippe Moureaux s’est défaussé à bon compte en reportant toute la responsabilité de la dérive de la commune sur son successeur, Françoise Schepmans. Puéril pour un homme qui aligne près de 80 ans au compteur. Néanmoins, l’actuelle maire n’est certainement pas étrangère au déclin de cette zone sensible. En effet, elle a participé aux plus hautes fonctions de cette commune. Elle fut échevine dès 1988 et première échevine de 1994 à 2000 et de 2006 à 2012. Sur les 27 dernières années, Françoise Schepmans a été 21 ans au pouvoir, le PS l'ayant été de 1988 à 2012, soit 24 ans. En 2018, le MR va égaler ce triste record, celui de l’ère Moureaux, l’ère du déni où les services de police étaient structurés et gérés de façon à renvoyer l’image d’une commune idéale qui ne connaît pas la criminalité ni l’insécurité. Celle aussi où d’importants budgets étaient alloués pour favoriser la multiculturalité dans une commune au bord de la faillite et mise sous tutelle, et tout cela avec l’aval des libéraux.

Depuis 2012, la mairie de Molenbeek a changé de couleur, mais les autorités cultuelles musulmanes y sont toujours aussi courtisées. Il faut dire que l’actuelle maire a dû passer un accord avec les humanistes du CDH et installer le controversé Ahmed El Khannouss au poste d’échevin pour parvenir à rafler la mise. L’entreprise de séduction pour gagner en popularité dans les "communautés" n’est pas toujours couronnée de succès. Ainsi, en mai dernier, elle apparaissait sur la toile en compagnie de Mohamed N., un de ses agents communaux, travailleur de rue de son état, qui se répandait en appels au meurtre contre "les juifs" (sic) sur les réseaux sociaux. L’affaire a fait un peu de bruit, sans pour autant vraiment ébranler l’opinion publique et encore moins la classe politique.

Et puis, pourquoi changer de cap alors que le multiculturalisme qui y est expérimenté est loué de toutes parts. Il suffit de se pencher sur l’extrait de cet recherche menée à l’Université Libre de Bruxelles, pour s’en convaincre : "La démarche molenbeekoise fait figure d’exercice précurseur en la matière, et tient lieu, d’ailleurs, de « modèle à suivre » pour d’autres communes bruxelloises. Et même si les échanges entre autorités communales et interlocuteurs musulmans n’ont pas encore maximisé toutes leurs possibilités en étant, parfois, entrepris dans l’urgence (notamment en ce qui concerne l’organisation de la fête de l’Aïd), il n’en reste pas moins que les résultats acquis à Molenbeek ont permis de faire accéder la religion musulmane à une certaine forme de reconnaissance et de légitimité au sein de l’espace public local”.

Ce travail opportun frise l’endogamie quand on sait que la maire de Molenbeek est aussi membre du conseil d’administration de la très vénérable Université Libre de Bruxelles surnommée « la grande madrassa » depuis que Caroline Fourest y a été insultée et censurée par un commando pro-burqa ?La question peut-être posée d’autant qu’une telle prose donne le sentiment de sortir du champ des sciences humaines pour verser dans l’hagiologie, voire le publi-reportage.

On notera que Corrine Torrekens, l’auteur de cette "étude", gardienne de la doxa qui sévit régulièrement sur les plateaux de télévision en tant que "spécialiste", a aussi une âme d’entrepreneur. Voici ce que mentionne son CV sur le site officiel de l’UBL : "Depuis le 1er janvier 2013, je travaille au développement de DiverCity, la première spin-off en sciences sociales et politiques de l'ULB.(…). Ses missions sont centrées autour de la consultance en diversité en prenant en charge la recherche-action dont l'objectif est focalisé sur l'aide à la décision, organisant des fomations en diversité et des audits diversité. DiverCity a reçu le soutien de Ernst & Young". Eric Zemmour adorerait ce mariage académique entre la gauche voilée et le caviar "public-privé". Le regretté Phillipe Muray aussi.

Entretemps, on retiendra surtout que Molenbeek, vivier de terroristes comme Hamid Daoud, alias Abu Omar al Baljiki est devenue une appellation d’origine contrôlée en matière de terrorisme et que tous les chemins du djihadisme mènent à Molenbeek. Peut-être pourra-t-elle prétendre bientôt au statut de comptoir de l’Etat islamique. A moins qu’elle ne soit bombardée avant, comme l’a suggéré Eric Zemmour, un brin provocateur.

Clientélisme, communautarisme, radicalisme

Dans un contexte médiatico-académique qui agit comme un véritable renforcement positif en récompensant le décideur qui voudrait ramasser les lauriers d’une politique d’ "ouverture"» après avoir fait le plein de voix par paquets de cent via les réseaux adéquats, on comprend que Molenbeek ne soit pas un cas isolé. Loin de là ! Le modèle s’exporte avec succès dans de nombreuses autres villes et communes de Belgique. 

A Anderlecht, autre commune sensible, l’ancien maire, Gaëtan Van Goidsenhoven, lui aussi MR, a été filmé dans le cadre d'un numéro de  l'émission "Question à la Une" consacré à la montée de l'islam lors de l’inauguration en grande pompe d’une mosquée sur sa commune, une initiative qu’il a soutenue avec beaucoup d’enthousiasme. Celui-ci s’est tout de même émoussé lorsque la même équipe de la RTBF est revenue quelques jours plus tard pour lui soumettre les prêches antisémites, homophobes et les appels à la violence contre les femmes filmés en caméra cachée. Ce reportage qui a suscité l'opprobre générale, tant dans les milieux politiques que médiatiques, a contribué à l’évaporation de son auteur, Frédéric Deborsu, définitivement disparu des écrans.

Schaerbeek - encore un "maillon faible" - est une commune où les départs de djihadistes, souvent des mineurs, pour la Syrie avaient très vite atteint des proportions inquiétantes au point qu’une équipe d’Envoyé Spécial y avait posé ses caméras dès l’émergence en 2013 du phénomène à l’époque encore confidentiel en France. Faut-il s’étonner d’apprendre que dans cette commune, la seule où la minute de silence réservée aux victimes des attentats de Paris n’a pas été respectée par plusieurs élèves, les décideurs se montrent plus coopératifs avec les autorités religieuses qu’avec les services de sécurité. Le maire, Bernard Clerfayt, n’aurait jamais manqué l’inauguration de l’imposante école confessionnelle musulmane "La Vertu" qui vient de s’implanter au cœur de la "Petite Anatolie", un quartier turc où Erdogan et l'AKP jouissent d’une popularité plus forte qu’en Turquie !

Par contre, en septembre dernier, lorsque le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, a demandé à différentes communes sensibles de collaborer dans la lutte contre le terrorisme en communiquant les données dont pourraient disposer leurs services sociaux au sujet des 800 radicaux épinglés par les services de police, ce même maire lui a opposé une fin de non-recevoir en ces termes peu clairs sur la forme mais néanmoins limpides : "C’est beaucoup un parapluie pour le ministre qui demande à d’autres services, notamment les services communaux et locaux, de faire une tonne de travail de recherche, d’indic ou de mesure de contrainte alors que le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Justice n’ont pas les moyens à leurs services, à la justice » et “à, la police judiciaire fédérale, d’avoir la capacité de mener toutes les enquêtes sur toutes les personnes qu’il faudrait surveiller", a déclaré Bernard Clerfayt aux journalistes de RTL.

Peut-être faut-il voir dans ce mépris pour la sécurité avant tout l’attitude revancharde d’un extrémiste francophone (M. Clerfayt est membre de “DéFI”, ex Front Démocratique des Francophones) face à un ministre de l’intérieur issu des rangs nationalistes flamands. Quelle qu’en soit la raison, le constat d’un refus de communiquer est là. Comment aujourd’hui justifier cette abstention coupable auprès des victimes du terrorisme ? A tous les niveaux, la Belgique offre l’image d’un pays morcelé qui dysfonctionne. La très coûteuse multiplication des niveaux de pouvoir a fini par le rendre ingérable.

Tous ces facteurs d’instabilité, pas seulement institutionnels mais aussi culturels, en font une proie facile pour le développement de l’islam le plus radical. Si la Flandre a réussi à développer une identité propre sur une base culturelle, on ne pourra pas en dire autant des francophones. Bruxelles, entité hybride est encore plus mal lotie. Ces carences constituent un véritable obstacle à l’intégration des populations immigrées. En Belgique, à l’inverse de la France, il n’existe aucun esprit républicain capable de fournir une matrice de socialisation.

Au contraire, dans un pays comme celui-là où l’accent est mis volontiers sur les particularismes, on a cru très naïvement que l’islam serait un clocher comme un autre avec lequel on peut se quereller sans se mettre en danger. Aujourd’hui, au lendemain de la célébration de cinquante années d’immigration turque et marocaine, le bilan est sans appel quant à l’échec du processus d’intégration. Pire, la classe politique, les médias, les autorités académiques et l’ensemble des institutions n’ont eu de cesse de persuader la population belge que cet échec de l’intégration était en réalité constitutif d’une richesse qui répond au doux nom de "multiculturalisme".

L’immigration, un accélérateur de la division du pays

Les Flamands refusent désormais d’épouser cette vision édulcorée de la réalité migratoire. C’est dans ce sens qu’il faut interpréter l’incroyable succès électoral de la NVA qui jusqu’à présent est le seul parti à avoir agi de façon globalement cohérente par rapport à son programme politique. Depuis quelques années, la Flandre a mis en place un parcours obligatoire d’intégration, l’ "imburgering".

Les francophones, eux, ont choisi de ne pas sanctionner leurs dirigeants toujours occupés à discuter de l’opportunité d’une telle démarche. Ils votent avec leurs pieds, en quittant massivement les zones sensibles. Longtemps, à Bruxelles, le Front des Démocrates Francophones a instrumentalisé l’immigration issue du Maghreb pour gonfler les effectifs "francophones" et revendiquer plus de pouvoir face aux Flamands de Bruxelles.

Dans la capitale de l’Europe, la pression démographique fait grimper les prix de l’immobilier tandis qu’elle sature toutes les infrastructures, y compris les écoles où il manquera 40.000 places d’ici 5 ans. Aujourd’hui, Bruxelles se dépeuple dramatiquement de sa classe moyenne. Le solde migratoire négatif dans ce segment de la population atteint désormais 30.000 personnes par an ! Celles-ci fuient majoritairement vers la Flandre. Cet exode exacerbe les tensions avec les Flamands qui voient s’installer sur leur sol de nombreux francophones rarement motivés par l’apprentissage du néerlandais et qui se comportent en définitive comme les immigrés qu’eux-mêmes ont voulu fuir.

La Belgique est institutionnellement malade et l’immigration ne fait qu’accélérer le processus de destruction du pays. Francophones et néerlandophones se sont épuisés durant des décennies dans des conflits à l'époque stériles - ce n'est plus le cas aujourd'hui - sans jamais prêter attention aux autres cultures qui ont pris racine dans notre pays depuis les années 1960. L'échec du vivre-ensemble, Alain Finkielkraut l'a constaté depuis longtemps déjà. En Belgique plus qu'ailleurs, on a feint de ne rien voir. Chacun y a toujours trouvé son intérêt: qui des voix, qui des contrats, qui une aura...

Pendant que le mirage faisait illusion, la population immigrée s'est progressivement auto-définie et s'est instituée en tant que corps étranger avec l'assentiment de la communauté d'accueil qui a préféré n'y voir que du feu. Cela a pris la forme d'un repli communautaire qui veut que l'on se marie entre soi, que l'on parle et que l'on s'habille comme chez soi. Rien de bien méchant, a priori. Au contraire, il ne s'agit que d'exercer certains principes élémentaires prévus par les droits de l'Homme. "Ce n'est pas très grave" ou "cela ne concerne qu'une minorité de gens" entend-on souvent. Comme si dans l'histoire, un seul groupe humain avait jamais comporté une majorité d'individus dysfonctionnels et combattants... Quel jeu de dupes où la tolérance vis à vis de ces pratiques est interprétée par  les uns, la société d'accueil, en termes de droit à la liberté et d'universalisme quand les autres agissent au nom du droit à la différence d'une communauté.

Aujourd'hui, au gré des attentats et des morts qui tombent sous les balles, les masques tombent. Certains esprits reviennent à la lucidité.  Le réel peut enfin apparaître dans toute son horreur en même temps que notre profonde impuissance face à celle-ci. Pendant que nous nous sommes égarés, le communautarisme a muté avec nos encouragements. De l'absence d'intégration qui prenait il y a peu encore la forme d'une distanciation, nous sommes passés au stade ultime, celui de la destruction. Toujours à l'avant-garde, la Belgique a pris une longueur d'avance dans ce processus mortifère qui déborde largement de son petit territoire. Par chance, les nationalistes flamands sont au gouvernement depuis un peu plus d'un an. C'est à peu près l'unique espoir de provoquer une rupture de la politique du déni et de la complaisance indispensable pour restaurer un minimum la sécurité dans le pays, et au delà.

Quel changement par rapport à l’équipe gouvernementale précédente. En effet, comment oublier cette photo surréaliste où l’ex-ministre de l’Intérieur belge, Joëlle Milquet, est immortalisée aux côtés d’un imam salafiste qui a fini depuis lors décapité en Syrie ? Ce cliché illustre à lui seul toutes les dérives du droit de vote des étrangers et la course effrénée des candidats de tous bords pour faire main basse sur ces votes ethniques.

Dans ces conditions surréalistes, faut-il s’étonner que la Belgique se soit radicalisée à ce point pour devenir le fief islamiste que l'on connait aujourd'hui? On ne passe pas en un jour, en un an ou même en dix ans de Molenbeek-Saint-Jean, littéralement le bucolique "moulin du ruisseau" au "Molenbeekistan" comme le présente la presse internationale. Cet héritage qui mêle la religion à la haine, à la rage et au sang des victimes est une œuvre collective à laquelle ont participé à peu près tous les partis traditionnels.

Le basculement, c’est maintenant

Aujourd’hui, nous devons constater que certains gouvernements, comme en France, ont besoin de leurs lots de victimes pour appréhender dans toute sa dimension une réalité pourtant évidente aux yeux de la population. Les attentats de Paris obligent François Hollande, Laurent Fabius, Charles Michel et Didier Reynders à avaler un morceau de leur chapeau car nous n’échapperons pas à la mise en place d’une très large coalition internationale où les Russes et les Américains seront côte à cote pour frapper ensemble les cibles terroristes.  La France et la Belgique comme la plupart des pays se rangeront de ce côté de l’Histoire. Mais ce seront des seconds couteaux.

Les politiques aussi cherchent désormais à rejoindre ce bon côté de l’Histoire. La preuve absolue nous vient encore une fois de Molenebeek, où  les lâches ont déjà commencé à se défausser. Philippe Moureaux d’habitude si véhément pour revendiquer la paternité de son laboratoire social et en vanter les mérites, n’a pas attendu pour évoquer l’écueil djihadiste et s’exonérer simultanément de toute responsabilité. Pourtant, personne ne pourra plus jamais oublier que Molenbeek, et plus largement Bruxelles aura été ce foyer dont sont parti la plupart des terroristes qui ont massacré tant de civils, Français et étrangers.

A terme donc, se pose une question cruciale. Faut-il amnistier ces responsables politiques qui de Molenbeek, à Paris, de Schaerbeek au 9-3, en Belgique comme en France, ont cautionné et même attisé la dérive islamiste avec l’assentiment et parfois la complicité de la classe politique, médiatique et académique ? Certains disent à Bruxelles que la "dynastie Moureaux" devrait être bannie de la vie politique comme l’a été jadis la famille Orange-Nassau. Catherine, fille de Philippe "Le Rouge" a déjà fait de Schaerbeek sa terre d’élection…

C’est à la population de choisir. Soit elle dresse un mur des comptes à régler avec ses dirigeants, soit elle rempile avec les mêmes, pour le meilleur, et pour le pire. 

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