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"La gauche, tu vois ce que ça veut dire, Macron?" : ce que révèle l’étrange procès en gauchologie de Valls au locataire de Bercy
©Reuters

Valls à deux temps

Les fauves sont lâchés. Entre le Premier ministre et son ministre de l'Economie les tensions montent. Manuel Valls et Emmanuel Macron sont les deux figures montantes du PS, avec des ambitions présidentielles plus ou moins marquées. Et si l'un recadre l'autre, les deux hommes ne sont pas si éloignés politiquement. Les différences sont davantage personnelles...

Jacques Julliard

Jacques Julliard

Jacques Julliard est journaliste, essayiste, historien de formation et ancien responsable syndical. Il est éditorialiste à Marianne, et l'auteur de "La Gauche et le peuple" aux éditions Flammarion.

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Atlantico : Manuel Valls n'est pas pour autant perçu comme le plus socialiste du PS. Lequel est le plus à gauche selon vous ?

Jacques Julliard : Il faudrait d’abord se mettre d'accord sur ce qu'est être de gauche. La question est souvent posée à gauche, alors que personne ne s’interroge sur ce que signifie être de droite. A vrai dire, à droite, les hommes se positionnent les uns envers les autres, par exemple Alain Juppé serait plus au centre que Nicolas Sarkozy. Lorsque l'on parle de la gauche, nous nous demandons comment se positionne un individu par rapport à une essence immuable qui serait la gauche. Or, cette dernière n'existe pas. La vérité est que les notions de droite et de gauche sont topologiques.

Prenons l'exemple de la sécurité. N'est-ce pas aussi une valeur de gauche ? Bien sûr que si ! Dans l’histoire du socialisme, des hommes de gauche ont prôné la sécurité. La IIIe République a fonctionné parce qu'elle a promis la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur du pays.

Il en est de même pour le libéralisme économique, longtemps considéré comme une valeur de gauche. Autrement dit, la vraie question est de savoir lequel est le plus à gauche, non pas par rapport à leurs positions absolues, mais par rapport à leurs positions respectives dans l'éventail politique national. De ce point de vue-là, ils ont une très grande différence.

Manuel Valls a tracé sa carrière grâce au parti et aux institutions, alors qu'Emmanuel Macron a fait sa carrière dans le privé et il se distingue du parti. Lorsque vous êtes issu d'une formation politique, vous bénéficiez d'un label plus à gauche que lorsque vous avez fait carrière dans la banque.

Dans un second temps se pose la question de leur avenir respectif. Il est clair que là aussi, l’ambition suprême de Manuel Valls est d’être un jour désigné comme le candidat socialiste à l’élection présidentielle. Son avenir n’existe que par rapport au Parti socialiste. Le véritable atout d’Emmanuel Macron est d’être le candidat de la société civile – c’est d’ailleurs pourquoi il bénéficie d’appuis à gauche comme à droite.

Le dernier point qui les distingue est lié à leurs relations vis-à-vis de François Hollande. D’une certaine manière, Valls est l’obligé du président : c’est lui qui l’a nommé, il est son successeur possible en cas de renoncement ou d’empêchement.  Quant à Emmanuel Macron, il convient de rappeler que c’est Manuel Valls qui avait insisté pour en faire un ministre des Finances. Aussi, Macron s’est construit indépendamment de François Hollande, bien qu’il ait été un de ses collaborateurs les plus proches. Il s’est fait en dehors du Parti socialiste et en dehors du gouvernement. Sa carrière est personnelle. La suite peut passer autant par ses propres filières (création d’un mouvement, d’un club) que par le Parti socialiste.

Quant à savoir lequel est le plus à gauche en matière d’économie ou de sécurité, cela n’a pour moi aucun sens.

Les propos de Manuel Valls ne sont-ils pas une manière de faire comprendre à Emmanuel Macron qu’il doit être davantage dogmatique et suivre un peu plus la ligne du parti ?

Tous les deux sont rejetés par une partie du PS. La différence est essentiellement tactique. L’un joue à l’intérieur du parti, l’autre à l’extérieur. Pour le reste, l’un et l’autre pensent qu’il faut mener une politique de l’offre, rompre avec le socialisme en tant qu’instrument de pacification de la société. Ils ont une vision commune de l’économie.

J’ai effectivement l’impression que Manuel Valls se rattache à une tradition de gauche autoritaire comme celle de Clémenceau. Les questions sécuritaires sont une priorité. La position d’Emmanuel Macron est plus difficile à cerner.

Comment peut-on situer Emmanuel Macron ? Peut-on parler de social-libéral ou de social-démocrate ?

Tout est une question de position. Manuel Valls a été ministre de l’intérieur, il est Premier ministre. Il est vrai qu’Emmanuel Macron semble être dans le flou, mais ne sais pas comment il se comporterait à la place de Valls, au poste de chef du gouvernement. Il est très probable qu’il ferait comme Manuel Valls.

Je reconnais néanmoins volontiers que Manuel Valls a un tempérament autoritaire, tandis qu'Emmanuel Macron a un tempérament libéral.

La social-démocratie dans ce que nous avons pu voir durablement à l'étranger (Suède, Allemagne, Angleterre) n'est autre qu'une politique libérale. Le seul problème est que la tradition française veut que nous protégions davantage les salariés que les non-salariés. Le code du travail est extrêmement rigide et contraignant. Il s'agit du point sur lequel la gauche de la gauche se réfugie. Je n'ai jamais réellement vu la différence entre un socialisme libéral et un libéralisme social. La gauche a connu dans le passé un libéralisme économique. La politique menée par ces deux personnages de gauche semble le retrouver, notamment avec le rejet d'un socialisme marqué par la notion de la lutte des classes.

Peut-on constater une rupture à ce niveau-là avec un socialisme planificateur lors des dernières années ?

Tous ceux qui disent que le PS est de plus en plus à droite ne regardent pas autour d'eux. La France continue d'être un pays beaucoup plus socialiste, y compris sous Hollande, et donc sous Valls, que la plupart des autres pays européens. Les discussions qui ont lieu en France à propos du socialisme n'ont pas d'équivalent à l'étranger. La France est le pays au monde qui consacre le plus de son revenu national à des reversements en faveur des plus modestes. La France est championne du monde des transferts sociaux. Lorsque nous disons le PS mène une politique de droite, il faut relativiser. Valls et Macron mènent une politique libérale qui maintient tant bien que mal le modèle social redistributif.

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