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Retraites : un discret mea culpa officiel
©Reuters / Charles Platiau

Le roi est nu

Comme l’annonçait le Figaro, le Conseil d’Orientation des Retraites vient de dire son « roi est nu ». Un document interne devrait en effet prendre acte du caractère beaucoup trop optimiste des prévisions macro-économiques sur lesquelles il fonde d’ordinaire ses travaux pour piloter l’évolution des régimes de retraite.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Un document interne devrait en effet prendre acte du caractère beaucoup trop optimiste des prévisions macro-économiques sur lesquelles il fonde d’ordinaire ses travaux pour piloter l’évolution des régimes de retrait

Les retraites et leurs prévisions « idéologiques »

La question des prévisions dans le domaine des retraites n’a jamais été neutre. Elle a toujours supposé d’anticiper la réalité du marché de l’emploi dans les années à venir. On ne le dit pas assez, mais le chômage n’est pas seulement une calamité pour ceux qu’ils touchent, il est une calamité pour l’ensemble des salariés, puisqu’il prive la sécurité sociale d’une bonne partie des cotisations nécessaires au financement du « système ».

Depuis de nombreuses années, chacun (entendez: toute la technostructure sociale au sens large) sait que la sécurité sociale est structurellement déficitaire en situation de chômage de masse. Dans le cas des retraites, ce déséquilibre est accru par le choix d’un âge légal situé au-dessous de la « ligne de flottaison » démographique. Alors que l’âge « actuariel » d’équilibre du système se situe entre 64 et 67 ans, les départs à 63 ans plombent durablement le régime général.

Face à ces réalités mathématiques incontournables, les adeptes de la Sécurité Sociale répondent avec le même déni que l’alcoolique qui assure que tout va bien et que, demain, il arrêtera de boire, à condition de pouvoir finir sa dose aujourd’hui. C’est pourquoi le Conseil d’Orientation des Retraites a toujours privilégié des prévisions fondées sur des hypothèses inspirées des Trente Glorieuses. On vit un chômage de masse, mais on continue de penser le système comme dans les années 60. Et il a toujours été interdit de dire que ce déni des réalités était toxique pour l’ensemble des Français.

Les retraites et le nécessaire travail de vérité

Ces dénis, on en comprend intuitivement la logique. Les Français, comme les alcooliques et autres victimes d’addiction, préfèrent nier leur mal et se maintenir artificiellement dans de douces illusions plutôt que d’entamer leur douloureuse cure de désintoxication qui permettra de ramener l’équilibre des comptes et de garantir la pérennité de la protection sociale.

Le moment de vérité vient-il? On peut reprocher légitimement à la technostructure française de retarder ce travail en produisant des analyses et des prévisions totalement biaisées par des choix statistiques mensongers. Peut-être nous approchons-nous du moment où ceux dont l’intérêt général est le métier vont prendre leur mission au sérieux et vont dire aux Français la vérité sur la gravité de la maladie qui les ronge.

De ce point de vue, le quinquennat de François Hollande restera dans l’histoire comme une perte de temps. La majorité présidentielle a en effet nourri l’illusion selon laquelle aucune règle fondamentale de la sécurité sociale n’était à revoir. Il suffisait d’augmenter la pression fiscale sur le classes moyennes pour préserver un remarquable acquis que le monde entier nous envie, c’est bien connu. Ce déni a inspiré la réformette des retraites de Marisol Touraine, comme elle inspire le pacte de responsabilité ou les décisions en matière de santé qui paupérisent constamment la médecine française.

En proposant de pérenniser le CICE sous forme de baisse définitive de cotisations, François Hollande prononce, à sa manière, le même mea culpa que le COR. Il aura juste fallu attendre la fin du quinquennat pour que les mots commencent à peine à être mis sur les choses savamment dissimulées depuis quatre ans sous un déluge d’appels mensongers à la solidarité et à la justice.

Mais le chemin vers la lucidité est encore long. Personne n’a clairement dit quelle solution adopter pour assurer un équilibre viable à la protection sociale, c’est-à-dire un équilibre qui ne matraque pas les familles moyennes françaises pour assister les bénéficiaires du système.

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