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Pourquoi François Hollande peut aller très loin dans l’exploitation de ses alliés de gauche sans risquer la rupture
©Reuters

Arithmétique politique

François Hollande a reproché dernièrement à Claude Bartolone d'avoir fait une campagne trop à gauche en Île-de-France. Comme une manière d'acter la mort d'une "gauche vraiment de gauche" qui ne trouve plus ses électeurs.

Jacques Julliard

Jacques Julliard

Jacques Julliard est journaliste, essayiste, historien de formation et ancien responsable syndical. Il est éditorialiste à Marianne, et l'auteur de "La Gauche et le peuple" aux éditions Flammarion.

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Atlantico : Selon différentes sources, François Hollande a reproché dernièrement à Claude Bartolone d'avoir fait une campagne trop à gauche en Île-de-France, notamment d'avoir mis en avant Emmanuelle Cosse (EELV) et Pierre Laurent (PCF). Est-ce le signe que le positionnement "gauche-gauche" n'est plus électoralement porteur en France ? Qu'en dites-vous ?

Jacques Julliard : Il suffit de regarder les différents sondages et les résultats des élections pour comprendre que la gauche désormais, toutes tendances confondues ne représente plus qu'un gros tiers de l'électorat. Il y a un gros tiers pour la gauche, un gros tiers pour la droite et un petit tiers pour le Front national. Donc je pense que Hollande veut dire que s'enfermer à l'intérieur de la gauche c'est se condamner à être minoritaire électoralement. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Il arrive à Hollande d'être très intransigeant comme il l'a été au début de son mandat à l'égard du centre, mais je pense qu'il a bien conscience qu'il ne peut être réélu qu'avec l'apport des voix du centre.

Ce reproche de François Hollande semble symptomatique de sa politique le menant plutôt sur le terrain (du moins symbolique) du centre-droit. Jusqu'où peut-il aller sans perdre en chemin son électorat de gauche ?

Je pense que son calcul implicite c'est que la gauche finira toujours par le rejoindre dans une configuration de deuxième tour. D'ailleurs c'est confirmé par les diverses élections : l'électorat de gauche – je ne parle pas des états-majors – ne fait jamais la politique du pire. En revanche il arrive à la gauche radicale – et je ne pense pas seulement à Mélenchon – de faire la politique du pire. Toute la politique de François Hollande repose désormais sur le fait que il s'agit d'obtenir, notamment dans la présidentielle, d'être dans les deux premiers au premier tour, en tablant sur le fait qu'au deuxième tour, l'électorat de gauche qui est discipliné, applique une politique de discipline républicaine.

Mais ne pensez-vous qu'il y a un moment où le relatif « virage à droite » de François Hollande pourrait atteindre un point provoquant la rupture avec l'électorat de gauche ?

Je ne pense pas car l'ensemble électoral s'est globalement déporté vers la droite par rapport aux états-majors politiques. Il n'y a qu'à voir le débat autour de la déchéance de nationalité où la politique de Hollande est considérée comme trop à droite alors qu'aux yeux de son électorat ce n'est pas le cas. C'est la même chose en matière économique. Le vrai reproche que fait l'électorat de gauche à François Hollande c'est de ne pas avoir de résultat. Ce n'est pas qu'il fasse une politique trop à droite, c'est qu'il n'ait pas de résultat. L'électorat se fiche que la politique soit plus à gauche ou plus à droite. Quand on interroge les gens, ils disent tous qu'il faut relancer l'économie. Ils pensent que l'aide aux entreprises est quelque chose d'indispensable. En général, l'électorat est plutôt favorable à une politique de l'offre. Alors que les états-majors de gauche sont presque tous pour une politique de la demande. Donc sur ce plan-là, Hollande ne craint pas grand chose. La vérité c'est qu'aussi longtemps qu'il continue d'avoir une forme de majorité à l'intérieur de la gauche, les minorités qui le critiquent ne sont pas aussi importantes qu'elle n'y paraîssent. Elles sont importantes dans le débat politique quotidien, à travers les journaux, mais pas dans l'électorat.

Jusqu'à quel point la peur du Front national, les problèmes financiers des petits partis de gauche (Verts etc.) et les enjeux d'investitures peuvent garantir à François Hollande le soutien de la gauche du Parti socialiste ? Quel est le point de rupture à ne pas atteindre ? Certains pourraient se dire qu'ils ont une carte à jouer en se rassemblant pour créer une offre politique plus à gauche qu'Hollande. Qu'en pensez-vous ?

Je pense que l'appréciation des commentateurs politiques est complètement déformée. Je constate que depuis quelques semaines on parle beaucoup des Verts. Or les écologistes ne représentent presque rien dans le paysage politique français ! Lorsqu'on voit que tous les sondages disent que les perspectives pour Cécile Duflot sont de l'ordre de 3% de l'électorat - et c'est la même chose depuis trente ans pour tous les candidats écologistes – et qu'on continue à parler des Verts comme un courant très important... Cette tendance politique est très marginale en réalité. La seule opposition sérieuse pour François Hollande, c'est Jean-Luc Mélenchon. C'est le seul qui détient un potentiel de l'ordre de 10 à 12% et lui a déjà dit de nombreuses fois qu'il ne se rallierait jamais à Hollande.

Mais M. Mélenchon ne peut-il pas justement parvenir à rallier à lui les personnalités de la gauche du Parti socialiste - comme les frondeurs - pour lesquels la politique de François Hollande tendant vers la droite aurait atteint un point de rupture ?

Ils peuvent effectivement avoir cette tentation-là. Mais je les crois assez intelligents pour être conscients que s'ils font cela, ils perdent du jour au lendemain toute influence. Il ne faut pas croire que parce que les frondeurs représentent le quart de l'effectif socialiste ils emporteront avec eux le quart de l'électorat. Autrement dit, effectivement il y a une tentation anti-Hollande, mais elle ne peut pas aller bien loin. J'ai de la peine à imaginer Martine Aubry se ralliant à Mélenchon. Elle se suiciderait complètement à Lille où elle est déjà plutôt mal en point. Les menaces dont Hollande est affecté sur sa gauche sont des menaces extra-électorales, ce sont des menaces du débat politique quotidien. Il peut s'en accommoder.

Cette stratégie de "virage à droite" pourra-t-elle sauver François Hollande en 2017 ?

Ça c'est une question difficile. Je suis impressionné par le fait qu'Hollande, après avoir capitalisé sur sa fermeté et sa bonne tenue au moment des attentats, est en train de reperdre une grande partie de ce qu'il avait gagné. Il n'est donc pas sûr du tout qu'il puisse se qualifier pour le second tour de la présidentielle. Ce n'est pas sûr du tout. Les attentats ont complètement remodelés le paysage. De telle sorte que, entre le candidat des Républicains, le candidat des socialistes et le candidat du Front national, l'ordre d'arrivée est devenu très instable. Je ne m'attarderais donc pas à faire un pronostics. En tous cas, rien n'est perdu mais rien n'est gagné pour Hollande !

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