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Le pacte implicite secret-mais-gros-comme-une-maison entre François Hollande et Christiane Taubira
©Reuters

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Attaquée par la droite, critiquée dans son propre camp, la Garde des Sceaux ne sera pourtant pas remerciée par François Hollande, elle défendra même la réforme de la procédure pénale. Son départ constituerait, en effet, un risque politique majeur pour le Président de la République.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Atlantico : Manuel Valls a annoncé mardi qu'il présenterait seul le texte sur la réforme constitutionnelle, sans Christiane Taubira qui s'est prononcé contre. Une telle discordance au sommet de l’État est-elle problématique?

Christelle Bertrand : Il faut tout d'abord rappeler que d'autres ministres ont été remerciés pour moins que ça. Delphine Batho, au début du quinquennat, avait à peine critiqué le budget qui était alloué au ministère de l'environnement qu'elle devait plier bagages. Un peu plus tard ce fut le tour d'Arnaud Montebourg, de Benoit Hamon et d'Aurélie Filippetti de faire leurs cartons à la suite de la fête de la rose durant laquelle le ministre de l’Économie avait demandé à François Hollande d'arrêter de « s'entêter » à vouloir « réduire à marche forcée les déficits ». Alors certes, Christiane Taubira n'est jamais allée jusque-là, certes elle a pris garde à ne jamais franchir la ligne rouge et à s'exprimer toujours correctement n'empêche que ses critiques portent sur un texte essentiel, à un moment où le gouvernement se devrait d'être soudé. Mais si Manuel Valls, et son entourage ne s'en cache pas, se serait bien séparé de l'impétueuse locataire de la place Vendôme, François Hollande n'en a pas la moindre intention. Christiane Taubira va rester au gouvernement et même être dispensé de défendre le texte sur la réforme constitutionnelle. Il n'y a, bien sur, aucune obligation légale à ce qu'elle défende le texte mais sa mise en retrait passe pour un camouflet pour le chef du gouvernement qui va devoir aller au feu seul.

Alors pourquoi François Hollande ne se sépare-t-il pas de sa Garde des Sceaux qui n'en est pas à sa première dissonance?

Parce qu'il ne veut pas qu'elle ait le temps de préparer une candidature pour 2017. Le traumatisme de 2002 est toujours présent. C'est elle qui a fait perdre Lionel Jospin, personne ne l'oublie même si, à l'époque, c'est Lionel Jospin qui lui avait demandé de se présenter afin qu'elle lui apporte ses voix au second tour. Son nom est associé de façon indélébile à cette défaite mémorable. Et tous se disent que, cette fois encore, elle pourrait barrer la route du second tour au candidat du PS. En effet, rien ne l'empêche d'être candidate puisqu'elle est adhérente des radicaux de gauche, elle n'est tenue en rien par les choix du PS. Certains membres du PRG sont d'ailleurs montés au créneau pour la soutenir comme Bernard Tapie qui expliquait le 8 janvier, à propos de ses déclarations sur la déchéance de nationalité: "Je préfère ça aux ministres qui en douce font des 'off' aux journalistes, pour dire 'ce qu'on nous fait faire, c'est une connerie mais on va le voter'. Ça c'est nul". François Hollande doit donc la garder pour la neutraliser, l'empêcher de s'organiser, d'agréer des troupes. Enfin, la sortir aujourd'hui reviendrait à réduire encore la ligne politique incarnée par le gouvernement qui se trouverait résumé à la ligne Valls ce qui est aussi extrêmement dangereux pour le chef de l’État qui aura besoin de tout le monde s'il veut être réélu.

Christiane Taubira n'a pourtant rassemblé que 2,32% des voix en 2002, cela suffit-il à la rendre dangereuse? Pourrait-elle faire mieux aujourd'hui?

Tout d'abord 1% suffira, peut-être, à barrer la route du second tour à François Hollande. On sait que le premier tour se jouera dans un mouchoir de poche, seule Marine Le Pen, si les tendances ne changent pas, est aujourd'hui assurée d'être présente au second tour. Ensuite, Christiane Taubira n'était pas, en 2002, l'icône qu'elle est devenue pour une certaine gauche qui l'a découvert lors du débat sur le mariage pour tous. Cette même gauche a aussi apprécié qu'elle réforme la justice des mineurs et s'oppose au tout carcéral, elle apparaît comme la seule ministre vraiment de gauche du gouvernement. Aussi, lors des universités d'été de La Rochelle de 2014, elle a été accueillie comme une star lors de la réunion des frondeurs qui avait remplis l'amphithéâtre de la faculté. Sa notoriété a donc dépassé aujourd'hui, très largement, les frontières du PRG. Toute une partie d'EELV déçue par le comportement de Cécile Duflot, une partie du Front de gauche, et une partie du PS pourrait la soutenir, elle représente donc un véritable danger surtout à l'heure où certains à gauche réclament des primaires.

Pour quelle raison reste-t-elle, elle, au gouvernement? N'aurait-elle pas intérêt à démissionner?

Tout d'abord, Christiane Taubira est bien plus audible aujourd'hui, à l'intérieur du gouvernement, en étant l'un des ministres les plus importantes de celui-ci, qu'en dehors. On guette ses réactions en permanence alors qu'en dehors elle serait un adversaire comme un autre, son opposition serait prévisible. Guette-t-on les réactions de Cécile Duflot aujourd'hui ou d'Arnaud Montebourg, ou de Benoit Hamon? Non. Encore que ces deux derniers ont su se faire suffisamment rares pour être attendus. Christiane Taubira a bien plus intérêt à rester à son poste et à attendre qu'on la limoge afin de jouer les victimes. Elle pourra alors expliquer qu'Hollande n'écoute plus personne et se recentre sur la ligne Valls, ce qui légitimerait du coup une candidature alternative à la gauche du président de la République. Et c'est d'ailleurs parce que la droite a bien compris le piège pour François Hollande qu'elle appelle de façon aussi virulente à la démission de la Garde des Sceaux.

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