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Didier Migaud, François Villeroy de Galhau : les vœux inquiétants de la gauche "raisonnable"
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Austérité mon amour

En ce 12 janvier, et de façon simultanée, les responsables de la Cour des Comptes et de la Banque de France s'exprimaient pour soutenir la réduction des dépenses publiques et la mise en place de réformes structurelles en France. Un nouveau coup de pression pour le gouvernement.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : En ce 12 janvier, Didier Migaud, à la Cour des Comptes, et François Villeroy de Galhau de la Banque de France s'exprimaient simultanément, et pointaient tous deux la nécessité de réformes en France. Réduction des dépenses publiques pour la Cour des Comptes, réformes structurelles pour la Banque de France. Assistons-nous à une offensive des hautes autorités de l'Etat pour un réformisme en profondeur ?

Nicolas Goetzmann : Ces deux institutions continuent sur leur lancée. Il ne s'agit donc pas d'un renouveau, mais de l'affirmation de positions déjà ancrées. La Cour des Comptes enchaîne les rapports concernant les surplus de dépenses publiques, ce qui n'est rien d'autre que sa fonction. Il n'y a donc pas lieu de s'alarmer, mais ces attaques ont tendance à manquer de souffle. Car s'il est de bon ton de dénoncer les gabegies des collectivités locales, les dépenses publiques inutiles et autres détournements, ces critiques pourraient gagner en pertinence si elles étaient coordonnées avec une vision globale de l'économie française. Parce qu'il est assez stupéfiant de constater que ces rapports de la Cour des Comptes sont rédigés en totale abstraction du contexte macroéconomique du pays. Et le discours du Premier Président Didier Migaud, datant de ce 12 janvier, n'y fait pas exception. Cela reste une approche "comptable" au sens propre du terme. Or, si une telle approche peut s'avérer utile pour identifier les économies pouvant être réalisées ici et là et retrouver une certaine efficacité des dépenses publiques, elle reste inadéquate pour qui veut dresser un diagnostic sérieux de la crise que connaît le pays.

Du côté de la Banque de France, sans surprise, François Villeroy de Galhau ne change rien de l'idéologie maison. Le discours prononcé ce 12 janvier, qui était une sorte de bain inaugural pour le remplaçant de Christian Noyer, a été l'occasion de réaffirmer le conservatisme absolu de la Banque de France. En citant l'économiste Claudio Borio, économiste influent de la Banque des règlements internationaux (BIS), qui figure au sommet de la liste des durs parmi les durs en termes de politique monétaire, François Villeroy de Galhau continue sur la route tracée par ses prédécesseurs, Jean Claude Trichet et Christian Noyer. En clair, les réformes structurelles sont la priorité des priorités, les bulles sont dangereuses, et les taux bas sont une menace pour les marges bancaires. Bref, le déni absolu de réalité. Finalement, un discours du Gouverneur de la Banque de France, au même titre que celui du Premier Président  de la Cour des Comptes relève d’un certain folklore français, au même titre que le Puy du Fou ou Vulcania. Et je fais clairement la distinction entre les équipes de chaque institution et leurs dirigeants.

Ces deux autorités démontrent une nouvelle fois leur position ultra conservatrice. A les écouter, l'économie française se porterait mieux avec une double politique d'austérité, budgétaire et monétaire. Ce qui est un non-sens. Si au moins le discours d'ensemble était coordonné, entre une restriction des dépenses publiques et une relance de la politique monétaire, il y aurait une raison de les écouter. Mais ce n'est pas le cas pour le moment.

Au regard de l'environnement économique actuel, comment jugez de l'opportunité de ces recommandations ?

Austérité, austérité, austérité. Voici la recette magique prônée par la Cour des Comptes et la Banque de France. Cela en devient lassant. Que cette idéologie soit à l'origine du désastre économique européen n'a pas l'air d'émousser les intentions de ces hautes autorités. Lorsque Didier Migaud dit "Notre pays s'est trop fréquemment reposé par le passé sur une embellie économique fugace pour relâcher l'effort", nous sommes plus confrontés à un jugement moral qu'à une analyse économique. Evidemment, lorsque l'on dénonce ce type de propos, on peut être accusé d'archaïsme gauchisant alors que l'exemple typique du pays qui fait exactement l'inverse de ce qui est proposé ici, ce sont les Etats Unis. Et la différence qui existe entre ces deux visions est simple : lorsque la Cour des Comptes ou la Banque de France veulent faire des "économies", les Etats Unis veulent générer des revenus. D'un côté, on se concentre sur les dépenses et les réformes, c'est la vision française, et de l'autre côté, on se polarise sur la croissance. Et cette divergence d'approche produit des résultats totalement opposés. A moins de vouloir commencer à comparer les résultats économiques européens et français avec ceux des Etats Unis. Un renouvellement serait parfaitement justifié, non pas en raison d'une idéologie, mais au moins en se basant sur un peu de pragmatisme.

Comment expliquer une telle divergence entre ces prises positions et les réformes menées par le Gouvernement, et ce, malgré la proximité de ces personnalités avec le pouvoir en place ? 

Ancien député socialiste, Didier Migaud fut nommé en 2010. A l'inverse, François Villeroy De Galhau a été nommé par décret par François Hollande, et ce, juste après avoir élaboré un rapport consacré à l'investissement pour le compte du Gouvernement. Malgré l'indépendance, il est donc possible de conclure à une unité de vision entre le Gouvernement et les têtes de ces autorités. De plus, le discours porté par Emmanuel Macron, comme celui de Manuel Valls, ne diffère pas réellement des recommandations faites par la Cour des Comptes ou par la Banque de France. Tout au plus, leur ton conservateur, qu’ils qualifient de discours de "raison", de "vérité", permet à l'exécutif de passer pour un élève rebelle. Mais dans le fond, la logique idéologique est respectée. Nous sommes dans la ligne directe du tournant de la rigueur de 1983, et tout est fait comme si, pour ces institutions, la France était restée figée depuis lors. Comme si le diagnostic de 1983 était encore valide. Mais lorsque les faits changent, il n'est pas non plus interdit de changer d'avis. 

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