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Avant d’imaginer un plan pour relancer la vaccination, Marisol Touraine a-t-elle bien dressé le diagnostic de la défiance des Français à l’égard du vaccin ?
©Flickr

Le poids des mots

L’Institut national de la veille sanitaire (InVS) a affirmé que la couverture vaccinale avait baissée de 5% chez les nourrissons de 0 à 9 mois entre 2014 et 2015. Pour tenter de rétablir la confiance ébréchée des Français à l’égard des vaccins, la ministre de la santé Marisol Touraine a annoncé aujourd’hui un plan d’action comprenant 20 recommandations.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Au mois d’octobre, d’après un sondage IFOP-PHR publié par le Figaro sept Français sur dix envisageaient de ne pas aller se faire vacciner contre la grippe. Dans une interview publiée le 10 octobre sur Atlantico, vous dressiez le portrait des Français qui ont recours au vaccin, et de ceux qui l’évitent (A lire ici).  L’Institut national de la veille sanitaire (InVS) a par ailleurs affirmé que la couverture vaccinale avait baissée de 5% chez les nourrissons de 0 à 9 mois entre 2014 et 2015. Pour tenter de rétablir la confiance ébréchée des Français à l’égard des vaccins, la ministre de la santé Marisol Touraine a annoncé aujourd’hui un plan d’action comprenant 20 recommandations.

Atlantico : Comment peut-on expliquer que certains Français n’aient plus envie de se faire vacciner ?

Stéphane Gayet : Nous sommes à une époque où tout un chacun discute, remet en question ou même conteste des méthodes aussi validées scientifiquement et éprouvées que les vaccinations. C'est dans l'air du temps : des groupes d'influence anti-vaccins se sont constitués et, qui plus est, comptent dans leurs rangs des professionnels de santé, dont des médecins. Les vaccins sont accusés de tous les maux, y compris celui de ne pas être efficaces. On a le droit de douter de tout, mais il faut quand même faire preuve de sérieux. C'est par la vaccination que la variole, la poliomyélite antérieure aiguë et la diphtérie ont pu disparaître de France après avoir donné des épidémies ravageuses. C'est aussi par elle que tétanos et rougeole ont si efficacement régressé. Comment peut-on encore douter de leur intérêt ?

Ce désamour s'est intensifié du fait d'erreurs de communication au sujet du vaccin contre l'hépatite B et du vaccin antigrippal. Il vient également de courants d'inspiration écologique qui considèrent que l'individu en bonne santé, par hypothèse immunocompétent, n'a pas besoin de vaccins et doit au contraire faire son immunité naturellement, sans stimulation.

Au sujet des vaccins les plus contestés, le vaccin anti-hépatite B est très efficace, bien toléré et n'a jamais été scientifiquement rendu coupable de favoriser une sclérose en plaques. Son rapport bénéfices sur risques est tout à fait excellent, tant à l'échelle individuelle qu'à celle de la population. On pourrait prendre bien d'autres exemples.

Il est non seulement déraisonnable, mais vraiment dangereux de contester l'intérêt des vaccins aujourd'hui. Bien sûr, il y aura toujours des effets secondaires et parfois très sérieux. Mais le risque fait partie intégrante de toute thérapeutique préventive ou curative. On travaille en permanence à s'efforcer de le réduire au maximum. Il est très difficile pour tout un chacun qui n'est pas de profession sanitaire ni scientifique de s'y retrouver dans le foisonnement des informations qui circulent sur Internet. Il faudrait déjà savoir effectuer une requête sérieuse et fiable avec un moteur de recherche, c'est-à-dire une requête en mode avancé avec des paramètres fixés judicieusement. En France, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) est le site de référence pour les vaccinations. Les informations sont neutres, valides et actualisées. Il s'y trouve de nombreux documents.

Si nous arrivons à identifier les origines de ce désamour, les réponses prévues ou apportées sont-elles les bonnes ?

L’ancienne députée socialiste Sandrine HUREL vient de rendre son rapport comportant une série de propositions destinées à enrayer le désamour des Français pour les vaccinations. Ce long rapport s’appuie sur une enquête qui a bien mis en évidence les principaux facteurs de défiance des Français vis-à-vis des vaccins. En toute logique, les propositions qu’il comporte tentent d’y répondre. Face à l’incompréhension de la coexistence de vaccins obligatoires et de vaccins seulement recommandés, le rapport suggère de supprimer le caractère obligatoire des vaccins pour la population générale, mais de le maintenir pour les collectivités, cela en raison du risque élevé lié à la promiscuité. Cette proposition va un peu dans le sens des vaccins déjà obligatoires pour certaines professions particulièrement exposées et cela semble assez judicieux.

Face au caractère indisponible à la vente de certains vaccins à spectre réduit, en raison de ruptures de stocks, et obligeant de ce fait les personnes concernées à se tourner vers d’autres vaccins à spectre plus large, on propose de contraindre les laboratoires pharmaceutiques à les fournir coûte que coûte, cela de façon réglementaire, et de prévoir des sanctions en cas de manquement. Il va de soi que cette proposition est une mesure juste et souhaitable. Pour répondre aux mouvements anti-vaccins et aux revendications diverses et variées des personnes opposées aux vaccinations, il est question de lancer une vaste consultation du grand public pour connaître réellement le point de vue et les arguments des personnes concernées. De telles enquêtes sont fort difficiles à conduire et à interpréter sur un sujet aussi complexe que la vaccination. Mais cela semble en effet nécessaire pour essayer de débloquer la situation fort préjudiciable dans laquelle nous nous trouvons et c’est encore une mesure à cautionner.

Etant donné que les usagers de la santé s’adressent en priorité à leurs médecins traitants et que ces derniers se plaignent de ne pas être suffisamment informés sur les vaccinations, la proposition d’améliorer et de renforcer la formation des médecins sur ce sujet est bien sûr excellente. Ils devraient évidemment être en mesure de redonner confiance à leurs patients sur les vaccinations. C’est ce qu’il faut attendre.

Concernant la méfiance du grand public vis-à-vis des effets secondaires des vaccins et notamment de leurs adjuvants, on propose de réaliser des actions d’information avec une transparence et une pédagogie entièrement revues, de façon à essayer de lever tous les doutes qui se sont installés chez les usagers, cela en raison d’erreurs de communication qui ont été commises il y a quelques années. C’est à l’évidence une mesure que l’on ne peut qu’approuver. Mais nous attendons ces actions en espérant qu’elles vont se démarquer de tout ce qui a été fait jusqu’à présent avec un faible succès.

En somme, ces principales mesures – il y en a d’autres, évidemment – vont dans le bon sens, ce qui était attendu étant donné qu’elles reposent sur les résultats d’une enquête assez bien menée. Mais seront-elles correctement, pleinement et rapidement mises en œuvre et seront-elles efficaces ? Nous verrons. Il y a quand même lieu d’être optimiste à ce sujet. C’est vital, étant donné les importants risques sanitaires liés à la non-vaccination et le caractère très critique du niveau de désengagement des usagers vis-à-vis des vaccinations.

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