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Parcours citoyen à l’école… La question à 1000 euros : que mettre concrètement dans les 300 heures d’enseignement moral et civique ?
©Reuters

Et sinon ?

François Hollande avait fait de la jeunesse sa priorité. Lundi, il a profité des vœux adressés à la jeunesse pour annoncer la mise en place dès la rentrée 2016 d’un "parcours citoyen" composé de 300 heures d’enseignement moral et civique (de l’école élémentaire à la Terminale), l’ouverture du service civique à 350 000 jeunes en 2018 et l’éventuel allongement d’une semaine de la Journée d’appel de défense et de citoyenneté. 

Jean-François Chemain

Jean-François Chemain

Diplômé de l'IEP de Paris, agrégé d'Histoire, docteur en Droit et docteur en Histoire, JFC, après avoir été consultant dans des cabinets anglo-saxons, puis cadre dirigeant dans un grand groupe industriel, a choisi il y a près de 10 ans de devenir enseignant dans un collège de Zone d'Education Prioritaire. Il est l'auteur de plusieurs livres, tous publiés chez Via Romana : La Vocation chrétienne de la France (2010), Kiffe la France (2011), Une autre Histoire de la Laïcité (2013) et L'Argent des Autres (2015).

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Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Atlantico : Que faudrait-il mettre dans ces 300 heures ?

Jean-François Chemain : Déjà si on pouvait éviter deux confusions sur la laïcité... D’abord la confondre avec le déni de nos racines chrétiennes, alors que les musulmans voient la France comme un pays de culture chrétienne, ce en quoi ils ont raison puisque la laïcité, contrairement aux idées reçues, est une idée chrétienne. On ne peut pas faire adhérer les esprits à des idées fausses, sauf par la contrainte. Ensuite la confondre avec le droit de faire intrusion dans les consciences des jeunes sur les questions sociétales... Ca les révolte, ça les bloque, ça les dés-intègre radicalement, je le constate régulièrement. Maintenant 300 heures, ce n’est rien... C’est tout qu’il faudrait reprendre ! Pour ma part, je crois que revenir à une école qui a fait si longtemps ses preuves serait salutaire sans coûter bien cher : retour aux méthodes traditionnelles d’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, aux tables de multiplication, transmission d’une image positive de notre Histoire nationale, fin du collège unique jusqu’à 16 ans avec possibilité, dès 14 ans, de s’orienter vers des formations plus pratiques..

Guylain Chevrier : Il faudrait sans doute partir de ce qui fait vraiment référence dans notre droit, telle la Charte des droits et devoirs du citoyen français[1], texte normatif totalement méconnue. Pourtant un texte qui est au fondement de l’acquisition de la nationalité française par naturalisation. Elle contient la définition des attributs de la République, indivisible, laïque, démocratique et sociale. Indivisible : un même territoire sur lequel s’exerce une seule loi pour un seul peuple, un peuple souverain auquel aucune partie de celui-ci ne peut se substituer ; laïque : un Etat dégagé de la tutelle des religions, spécialement d’une Eglise catholique omnipotente qui constituait le principal obstacle à l’accès du citoyen à ses libertés ; un pouvoir politique qui gouverne au nom de la raison et non au nom de la tradition ou d’un dieu, droit de croire ou de ne pas croire ; démocratique : les hommes se gouvernent eux-mêmes, formant un peuple d’égaux qui choisit ensemble son destin, c’est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ; sociale : des droits sociaux qui embrassent l’ensemble des membres de notre société à travers une protection sociale, un droit du travail et des politiques sociales, uniques en leur genre. Tout cela n’ayant de sens que par une solidarité mutuelle de ses membres, une forme de conscience sociale à laquelle devrait précisément éduquer l’école.

Cette Charte présente les droits des citoyens, leurs libertés, mais aussi leurs devoirs comme celui de respecter les droits d’autrui, à la même hauteur. Des devoirs tombés dans l’étrange derrière cette politique de la promotion des droits faisant perdre de vue qu’ils constituent un bien commun, une responsabilité commune. C’est par là que l’on peut redonner de l’autorité aux enseignants, en les réinvestissant de cette mission de faire respecter des devoirs, d’en enseigner l’état d’esprit, qui va au-delà de la loi dans des conventions communes comme le civisme. La société est tramée d’un ensemble de règles qui définissent des espaces où des libertés sont garanties, mais aussi les obligations qui en découlent qui constituent autant de protections des droits. Des devoirs qui relèvent de la formule, la liberté de chacun s’arrête ou commence celle des autres, mais aussi, que la liberté est un bien commun à tous les citoyens.

Il en va de même du contenu du Contrat d’accueil et d’intégration, obligatoire depuis 2007, pour tous les migrants arrivant sur le sol national en situation régulière. Il propose un module  de formation à la langue française pour les non-francophones, un module de formation civique, mais aussi de la connaissance de la société française. On pourrait s’inspirer de ces trois champ pour mieux lutter contre le fait de considérer dans trop de familles la langue française comme seconde au regard de la langue d’origine du pays d’où on vient ou est venu, pour insister sur la citoyenneté dans sa double dimension de droits et de devoirs, ainsi qu’en faveur d’une connaissance de la société française qui favorise l’appropriation de la France, de ses codes culturelles, comme le pays de tous, donc comme propriété commune à défendre et pas seulement comme un bien à consommer.

Il faut faire sortir la République de la noirceur dans laquelle on la maintient, par une nouvelle conception des programmes rompant avec la vision négative actuelle de notre histoire, qui n’est plus que celle des vaincus et des minorités, victimaire sans compter. Si nous voulons qu’elle soit un idéal pour la jeunesse, il faut la montrer telle qu’elle est, un beau projet universel d’humanité qui ne refuse personne, pour peut que tous en partage le belle devise : Liberté-Egalité-Fraternité.


[1] CHARTE DES DROITS ET DEVOIRS DU CITOYEN FRANÇAIS Ministère de l’intérieur.

Ces mesures sont destinées à renforcer l’esprit civique, l’intégration, le patriotisme des jeunes. Certains rappellent que l'école est là pour enseigner et non pas pour éduquer. L'école est-elle le meilleur endroit pour transmettre ces valeurs républicaines? 

Jean-François Chemain : L’école est certainement un bon endroit pour transmettre les valeurs républicaines et le patriotisme. Elle a même été pensée, depuis la IIIe République, essentiellement pour ça, plus peut-être que pour apprendre à lire et à écrire. Les "hussards noirs" ont si bien fait leur travail qu’en 1914 toute une génération est partie sans broncher se faire tuer pour la patrie et la République. Le problème est que les deux notions sont aujourd’hui dissociées. On privilégie la République, et ses valeurs, qui font appel à l’intelligence rationnelle, et on délaisse – quand on ne la dénigre pas - la patrie, qui relève elle de l’affectif. Comment faire des "patriotes" de jeunes dont la France n’est justement pas la "patrie", au sens de terre de leurs pères, et à qui les programmes scolaires ressassent le "roman noir" de leur pays d’adoption : esclavagisme, colonisation, collaboration, racisme au quotidien ? On est passé des hussards noirs au roman noir ! 

Guylain Chevrier : L’école peut être un bon endroit pour enseigner les valeurs républicaines, mais l’école n’est pas un projet en soi, c’est un moment dans le processus de socialisation, en amont il y a la famille, en aval l’entreprise, et ce que la société civile et politique propose comme moyens d’engagement pour le citoyen. Il manque à cette démarche une vue d’ensemble, et cet accent énorme mis sur l’école, qui la plonge dans un climat de plus en plus politique, se fait au risque de la détourner de sa mission d’enseignement, ce qui n’est pas sans risque.

L’école de la IIIe République, qui a joué un rôle politique formateur essentiel faisant passer la société française des traditions du XIXe sicle à une société d’où a émergé l’individu-citoyen, participait d’un mouvement d’ensemble de la société. Cela s’est fait à l’aune de combats politiques en faveur de l’avènement de nos grandes libertés, d’opinion, de réunion, d’expression, de la presse, d’association, de conscience, dont l’autorisation des syndicats, d’appartenir à un parti politique, contribuant à édifier la démocratie elle-même. C’était une démarche offensive alors qu’ici, on est dans une démarche défensive.

On l’a déjà vu à travers les réponses apportées aux attentats de janvier 2015, où on nous avait annoncé un renforcement de l’enseignement des valeurs de la République pour aboutir finalement à cette mesure phare du renforcement de l’enseignement dit « laïque » du fait religieux à l’école. Une mesure menée dans l’esprit du rapport de Régis Debray de 2002, sur l’Enseignement du fait religieux dans l’école laïque, remis au ministre de l’éducation de l’époque Jacques Lang, entendant répondre à la déshérence morale d’une jeunesse en perte d’idéal et aux identités culturelles de plus en plus diverses, pour intégrer les élèves dans l’école par leurs différences et non plus par les principes et valeurs communes, en passant aux oubliettes la République. Reflet qui e trompe pas de la perte de confiance des politiques dans nos institutions, dans la nation, dans l’identité de la France.

Dans la présentation qui est faite de la démarche, on parle de République et de Patriotisme, mais entre les deux on oublie curieusement la nation, rien que cela ! Il n’y a pas d’Etat s’il n’y a pas un territoire, un pouvoir politique sur lequel il s’exerce, mais pas plus s‘il n’y a pas une nation dont l’Etat matérialise l’existence et synthétise l’intérêt général. La Nation, c’est cette communauté de destin autour de valeurs et de principes communs, d’une langue et d’une culture commune, c’est une association d’hommes qui veulent vivre ensemble sur ce modèle de mise en commun de biens, pour écrire ensemble une histoire. Une idée de nation honnie par la gauche depuis bien longtemps, le parti communiste lui-même qui l’a portée par le passé en se désignant comme héritier de la Révolution française, l’a troqué pour lui préférer la défense de la fin des frontières et de l’immigré. C’est bien pourtant autour de la nation et son identité que le contrat social entre les forces sociales se réalise, sous le signe d’une certaine philosophie de l’homme. Sans y revenir, sans l’expliciter, on ne peut comprendre ce que porte la République, comme projet.

Quel est le rôle des parents ? Comment les intégrer au projet ?

Jean-François Chemain : Pour ce qui est de la transmission du patriotisme et des valeurs républicaines, je souscris pleinement aux propos de M. Peillon pour qui il faut "arracher les jeunes" au déterminisme familial. Si, dans la famille, on distille le mépris ou la haine de la France, c’est la mission de l’école d’apporter un autre "son de cloche". Elle a su se montrer résolue quand il s’agissait d’intégrer les "patoisans" catholiques, et la voilà pleine de pudeur devant d’autres parlers et d’autres croyances ! Je m’indigne, en réunion parents-professeurs, quand j’entends certains justifier la mauvaise maîtrise du Français de leur rejeton par cet argument : «on ne parle pas français à la maison»...

Guylain Chevrier : Les parents ne sauraient être hors jeu, car il en va ici d’une responsabilité commune, celle d’éduquer, ce serait donc un comble. Les parents attendent aujourd’hui souvent de l’école qu’elle fasse à leur place, y compris en terme de comportements, de conformation à la règle, à l’autorité, il en résulte que l’école est débordée et ne parvient plus à assurer sa mission première qui est d’enseigner. La part du temps de travail dans un cours peut être parfois inférieure au temps passé à obtenir les conditions de sérénité qui permettent son bon déroulement.  Les parents, particulièrement de familles immigrées, ou qui en descendent, attendent de l’école qu’elle forme leur enfant à se préparer à s’insérer professionnellement, en considérant l’intégration sociale comme leur propriété, à travers une démarche identitaire et communautaire, mettant en cause l’école dès qu’elle entend aussi donner aux élèves des repères relevant des codes sociaux sans lesquelles on s’auto-exclu. On en a vu le résultat en partie lors des révoltes urbaines de novembre-décembre 2005, mais aussi celles qui régulièrement rythment l’actualité, soulignant un rejet de l’intégration. Les écoles, dans les bâtiments qui sont vandalisés ou brûlés en banlieue, constituent la première cible.

Le rôle des parents est essentiel, dans le fait d’éduquer aux droit et aux devoirs, au respect de l’école comme bien commun, mais pour cela faut-il encore leur faire une place dans celle-ci qui ne soit ni seulement spectatrice et donc sans pouvoir réel, ni toute-puissante à la façon dont le client est roi. Il faut mieux associer les familles sur le fondement d’une charte claire, qui constitue un repère solide de participation, afin que l’école puisse travailler sur elle-même en engageant dans son mouvement les parents, en les responsabilisant ainsi du début à la clôture de l’action comme dans une démarche projet. Il faut redonner de la cohérence à leur place, il faut leur donner des repères forts à elles aussi, entre droits et devoirs.

La lecture d’une page de Corneille ne formerait-elle pas mieux les esprits que des cours de morale républicaine ? N’est-ce pas à l’intérieur de ces disciplines appelées les humanités qu’on peut trouver les bénéfices d’un enseignement moral et civique ?

Jean-François Chemain:  Ce n’est pas parce qu’on fait de la morale républicaine qu’on ne va pas étudier Corneille... Les deux se complètent parfaitement. Je constate que les élèves sont très sensibles à l’étude de textes qui pourraient apparaître compliqués... Pour ma part, par exemple, dans le cours d’Histoire romaine de 6ème, je n’hésite pas à leur lire du Tite-Live, en français bien sûr : ils adorent. 

Guylain Chevrier : Le fait de donner une telle place à l’enseignement  moral et civique fait symptôme.  Le fait que dans les programmes de Français, d’histoire, de géographie, y compris dans la façon même d’aborder les sciences, on ne soit pas dans une démarche cohérente et exigeante d’accès au savoir sur le fondement de la raison, d’un projet général d’émancipation par l’instruction, la citoyenneté comme objectif reste un vain mot. Ce projet de l’école qu’avait envisagé les penseurs des Lumières, auquel Jules Ferry a commencé a donné véritablement vit (1882-1883), une école de la nation, c‘est-à-dire ouverte au peuple et faite pour son émancipation par l’instruction, s’efface sensiblement derrière les aménagements qui sont faits, toutes matières confondues depuis des années. L’école est en butte à devoir satisfaire à la diversité des élèves, aux loupés de la société qui attend les jeunes qu’elle forme, au fatalisme d’un politique se déclarant impuissant devant la mondialisation, à toute une idéologie de « la défaite de la pensée » pour reprendre une formule célèbre de l’un de nos intellectuels les plus engagés dans la bataille des idées.

On est passé progressivement  des années 70 à aujourd’hui, de l’enseignement d’une histoire sociale qui mettait en lumière les grands acquis de l’homme, ceux de l’amélioration de sa condition, relatif à l’édification d’un pays démocratique inscrit dans la modernité, à une histoire de la victimisation qui ressasse les rapports de dominations de l’esclavage et de la colonisation, pourtant largement dépassés par la conquête des mêmes droits pour tous. Ce qui au passage mériterait une toute autre attention, celle propre à cette faculté de la République à avoir su dépasser les contradictions d’une histoire dont elle avait hérité, en raison du souffle humaniste que contiennent ses grands principes et valeurs. Lorsqu’on se remémore ce que prévoyaient les nouveaux programmes d’histoire, où on avait envisagé que l’enseignement du colonialisme ou de l’islam soient obligatoire, pendant que celui des penseurs des Lumières était optionnel, comme cela avait été avancé par la ministre avant de rectifier le geste sous la pression des réactions d’épouvante devant tant d’imposture, on a pu voir combien le ver se trouve dans le fruit. Mr Ayrault Premier ministre, avait quant à lui plaidé pour la reconnaissance par la France d’une identité arabo-orientale, incitant à la reconnaissance des cultures sur le mode du multiculturalisme, détruisant les fondements d’une République qui est censée ne reconnaitre que des citoyens.

Le pouvoir politique fait depuis longtemps le jeu d’un tout autre modèle que le modèle Républicain dans les faits, car sur le terrain, c’est le clientélisme politico-religieux qui domine, l’encouragement des communautés au détriment du citoyen, des cultures au détriment d’une même culture, l’ouverture des frontières aux migrants de tous horizons au risque d’un mouvement de dilution multiculturelle et d’éclatement de l’Etat-nation. On voit bien que, du contenu de l’enseignement à la réalité de notre société, nous sommes englués dans des contradictions que l’école ne peut dans ces circonstances dépasser par le simple jeu de cette promotion subite de l’enseignement d’une morale républicaine à l’école, détachée d’un concret qui dit bien largement le contraire.

Le budget du service civique passerait de 300 millions d’euros à plus d’un milliard d’euros en 2018, son coût est-il incompatible avec la priorité de lutte contre les dépenses de l’Etat et les déficits ?

Jean-François Chemain : Si le service civique est de quelque utilité, alors il ne faut pas regarder son coût !

Guylain Chevrier : On assiste encore ici à une façon de gouverner au coup par coup, quand ce n’est pas tout simplement par la recherche du coup, tout court. Ce qui est révélateur des faiblesses de cette politique qui a oublié que « gouverner c’est prévoir », c’est dominer son sujet, et on ne le peut qu’en élevant le regard au lieu de cette façon de coller le nez au guidon. On justifie chaque dépense par une conjoncture, à la façon d’une fuite en avant. Même lorsqu’il peut s’agir d’une bonne idée, elle est affaiblie par le cadre politique dans lequel elle s’inscrit, en l’absence d’un minimum de cohérence. On parle de valoriser la République, de la faire respecter par l’école, mais on ne respecte même pas la laïcité qui en est le principe fondateur en autorisant que des mères voilées accompagnent des sorties scolaires, comme si les missions laïques de l’école ne l’étaient plus à l’extérieur de ses murs, livrant des enfants à la pression de groupes religieux. Une attitude qui doit tout à l’opportunisme politique, car ces dames votes, on le sait bien.

Nous sommes bien loin de l’élévation de l’action au niveau du projet politique, au sens de projet de société. On nous emmène on ne sait où, peut-être bien droit dans le mur, si on se réfère à la progression d’un FN qui joue le rôle de thermomètre de l’état de faiblesse de la République, entretenu par une sorte de bazar permanent.

Au final, ces mesures ne sont-elles pas une manière d’occulter les vrais problèmes posés à l’Education nationale qui va de l’illettrisme à la délinquance en passant par le chômage de masse qui touche 25% des jeunes de moins de 25 ans ?

Jean-François Chemain : Tout cela me fait un peu penser à ce texte d’Arthur Young que j’étudie en ce moment avec mes élèves de 4e. Ce voyageur anglais visite la France en 1787, et y observe les blocages qui vont entraîner la Révolution dont il pressent l’imminence. Il note l’égoïsme des privilégiés, l’indécision du roi, et les limites de ministres qui ne savent, face à l’ampleur des problèmes, que décider de "palliatifs". 

Guylain Chevrier : Il est certain qu’une école qui ne prépare pas à une insertion professionnelle réussie pour tous, parce que la société qui va accueillir ces jeunes qui vont en sortir propose à 25% d’entre eux le chômage et à une forte proportion des autres la précarité, peut être difficilement enthousiasmante, respectée, autant qu’en difficulté à se penser pour elle-même, à s’identifier. L’école est une de ces dernières digues qui protègent la société contre la généralisation du désordre, car elle porte envers et contre tout, malgré le brouillage actuel, un message positif d’avenir, de promotion sociale, d’élévation morale, d’émancipation, à travers son projet universaliste. C’est la société qui va mal et qui reporte sur elle toutes les exigences qui ailleurs ne sont pas satisfaites.

L’illettrisme et la délinquance, le chômage, tiennent à des phénomènes qui sont extérieurs à elle et qu’elle ne peut résoudre à elle seule, même si elle a dans le tout une certaine responsabilité, beaucoup de choses se joue en amont et en aval d’elle. L’illettrisme : il vient pour beaucoup de l’apport de populations extérieures que l’on a de plus en plus de mal à intégrer, dont le repli communautaire favorise l’éloignement d’une base commune à commencer par la langue ; la délinquance : elle vient d’une perte du sens de l’autorité par un laxisme de l’Etat envers les mineurs délinquants qui crée un sentiment d’impunité, qui ne protège pas les jeunes eux-mêmes vis-à-vis de leurs propres mises en danger ; le chômage : il résulte d’une politique économique désastreuse au service d’une logique financière et d’un capitalisme antinational, qui mine l’espoir en l’avenir auquel est censé préparer l’école. Mais c’est l’école qui est à la croisée de ces différents chemins et elle ne peut pas tout.

On occulte il est vrai aussi tout cela en braquant les projecteurs sur l’éducation civique à l’école, alors que la chose se joue ailleurs, dans la société elle-même, dans quoi l’Etat à une responsabilité de premier ordre.

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