La Miséricorde selon François : le pape qui se donnait en exemple en tant qu'homme<!-- --> | Atlantico.fr
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Le pape en donne la définition suivante : "la miséricorde, c’est l’attitude divine qui consiste à ouvrir les bras, c’est Dieu qui Se donne et qui accueille, et qui Se penche pour pardonner."
Le pape en donne la définition suivante : "la miséricorde, c’est l’attitude divine qui consiste à ouvrir les bras, c’est Dieu qui Se donne et qui accueille, et qui Se penche pour pardonner."
©Reuters

L'Eglise, cet instrument de pardon

Le Pape François propose sa définition de la miséricorde dans un nouveau livre Le nom de Dieu est Miséricorde (Robert Laffont-Presses de la Renaissance), sorti ce mardi 12 janvier. A travers un message clair, profond et accessible, il rappelle son attachement à St Ignace de Loyola, le fondateur des jésuites et à ses exercices spirituels qui visent à enseigner le dégoût du péché mais aussi la miséricorde divine.

Christophe Dickès

Christophe Dickès

Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès a dirigé le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège chez Robert Laffont dans la collection Bouquins. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la politique étrangère et à la papauté (L’Héritage de Benoît XVI, Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde). Il est enfin le fondateur de la radio web Storiavoce consacrée uniquement à l’histoire et à son enseignement.

 

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Atlantico : Dans livre Le nom de Dieu est Miséricorde (Robert Laffont-Presses de la Renaissance), le pape François a été interrogé par Andrea Tornielli. Est-ce un exercice inédit pour un pape ?

Christophe Dickès : Non, dans l’histoire contemporaine de l’Eglise, l’exercice a été réalisé par ses prédécesseurs. Que l’on songe par exemple au pape Jean-Paul II qui, quatre ans après son élection, a publié une série d’entretiens avec son ami André Frossard avec pour titre la fameuse phrase « N’ayez pas peur ! ». Il a renouvelé l’exercice avec l’Italien Vittorio Messori en 1994 sous le titre : Entrez dans l’espérance. De son côté Benoît XVI a publié Lumières du Monde avec Peter Seewald en 2010. 

De tels entretiens sont rendus possibles par les liens de confiances tissés entre le pape et son interlocuteur. Le cas d’Andrea Tornielli est révélateur. Il évoque ces liens qui l’unissent au pape Bergoglio dans François le pape des pauvres (Bayard). Il est d’ailleurs une des rares personnes à l’avoir interviewé du temps où il était cardinal, en 2002. Cependant, ce qui est totalement nouveau dans l’exercice est que l’entretien est uniquement dédié au thème de la Miséricorde qui est le thème de l’année sainte ouverte au début du mois de décembre. 

C’est la première fois qu’un pape répond à un journaliste aussi longuement en se cantonnant à un seul et même sujet. On peut même dire que ce livre révèle un art consommé de la communication. Comme l’écrit Tornielli dans son introduction, il n’a pas cherché à obtenir « des phrases chocs, susceptibles d’alimenter le débat médiatique autour du synode sur la famille […]. » 

Quel est donc le résultat de ces entretiens ? Comment qualifier cet ouvrage ?

Le nom de Dieu est miséricorde rappelle que le pape François est profondément ignatien. Qu’est-ce que cela signifie ? Dans la spiritualité de saint Ignace, qui était le fondateur de l’ordre des Jésuites, les exercices spirituels visent à enseigner le dégoût du péché mais aussi l’immense miséricorde divine. Les exercices spirituels de saint Ignace ont été prêchés par Bergoglio à de nombreuses reprises, notamment en 2006, en face de l’épiscopat espagnol. Cette prédication a été publiée sous le titre Amour, service et humilité (Ed. Magnificat). 

Le nom de Dieu est miséricorde est donc avant tout un livre de spiritualité, c’est à dire un ouvrage qui s’adresse à l’âme en quête. François y parle à la fois des écrits de ses prédécesseurs comme il est de coutume dans les écrits pontificaux, mais il fait aussi une grande place à son expérience personnelle de prêtre et d’évêques. Le livre regorge de petites histoires aidant le lecteur à mieux comprendre le sens de son message. Il s’agit donc d’un livre très accessible, très pédagogique. Bien plus accessible que son exhortation apostolique La joie de l’Evangile ou même son encyclique Laudato Si. Il s’adresse à tous.

Qu’est-ce donc que la Miséricorde pour le pape ?

Le pape en donne la définition suivante : « la miséricorde, c’est l’attitude divine qui consiste à ouvrir les bras, c’est Dieu qui Se donne et qui accueille, et qui Se penche pour pardonner. » (p. 29) Dans la théologie catholique, Dieu a donné son Fils qui est mort sur la croix afin de racheter les péchés du monde. Le Christ est donc venu sur terre pour les pécheurs. Or ce péché, le pape dit qu’il faut en avoir honte : « La honte est l’une des grâces que saint Ignace fait demander dans la confession des péchés, devant le Christ crucifié ». François cite même Pie XII qui estimait que le drame de l’époque contemporaine était d’avoir perdu le sens du péché. Il continue plus loin : « Quand nous péchons, nous devons être mécontents de nous-mêmes car les péchés déplaisent à Dieu. » Dans son livre, le pape François lui-même se dit pécheur. D’ailleurs il a montré ostensiblement la nécessité de la confession puisqu’on l’a vu à plusieurs reprises se mettre à genou au confessionnal sous la coupole de la basilique Saint-Pierre. 

Quel sens donne le pape à la confession dans son livre ?

On sait que dans le catholicisme, la pénitence ou sacrement de confession est là pour laver le péché. Pour François, ce sacrement est un don. Il décrit très précisément à la fois la faute et même ce qu’il appelle la corruption, mais aussi le « processus » qui amène le prêtre à pardonner cette faute dans le confessionnal et donc l’œuvre de la Miséricorde. Tout aussi important : il apporte des réponses à ceux qui estiment que la confession est une solution de facilité. De fait, François estime qu’aller se confesser nécessite une démarche sincère, humble afin d’obtenir cette miséricorde. Ces mots toucheront véritablement l’âme en quête. Il répète à plusieurs reprises que le Christ n’est pas venu pour les justes mais pour les personnes blessées.

Peut-on opposer miséricorde et doctrine ?

Dans le contexte du synode sur la famille en octobre dernier, je disais à Atlantico que le pape François laissait une forme d’ambiguïté en donnant l’impression de séparer la miséricorde de la doctrine. A la lecture de son livre, je peux dire que je me trompais ou bien qu’il a levé cette ambiguïté. En effet, dans ce livre, il expose très clairement les liens entre les deux : « la miséricorde est doctrine » (p.83). Mais il ajoute tout de suite après : « je préfère dire : la miséricorde est vraie ». On voit que le pape préfère utiliser un mot plus « doux » tant il souhaite que l’Eglise ne soit pas un instrument de condamnation mais, bien au contraire, de pardon dans le contexte de ce d’« une humanité qui porte de profondes blessures » (p. 37).

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