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Plan d'urgence économique : est-il rationnel pour le Medef de croire à des réformes majeures de François Hollande d'ici 2017 ?
©Reuters

Bouteille à la mer

Le JDD a publié ce dimanche une lettre ouverte à François Hollande signée par les principales organisations qui représentent les chefs d'entreprises. Ceux-ci appellent à "une mobilisation générale" pour l'emploi et proposent l'adoption de cinq mesures prioritaires. Parmi les signataires, Sophie de Menthon, présidente d'Ethic. Elle décrypte avec Eric Verhaeghe, ancien membre du MEDEF, le contenu de cette lettre et l'impact qu'on peut (ou pas) en attendre.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le JDD a publié ce dimanche une lettre ouverte à François Hollande signée par les principales organisations qui représentent les chefs d'entreprises. Ceux-ci appellent à "une mobilisation générale" pour l'emploi et proposent l'adoption de cinq mesures prioritaires. Parmi les signataires, le Medef, l'Association française des entreprises privées, le Cercle de l'industrie, le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire, les Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC), Croissance Plus et Ethic. Sophie de Menthon, présidente d'Ethic, et Eric Verhaeghe, ancien membre du Medef, nous décryptent le contenu de cette lettre et l'impact qu'on peut (ou pas) en attendre.

Atlantico : Sophie de Menthon, vous êtes signataire de cette lettre ouverte au président de la République en votre qualité de présidente du mouvement Ethic. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Sophie de Menthon : Aujourd'hui tous les entrepreneurs de France s'accordent pour dire que la situation est désastreuse et réclament une réaction rapide et efficace. Les propositions du Medef en la matière remportent dans leur globalité un assentiment  général pour sinon relancer l’emploi et la croissance du moins freiner le chômage. Le Mouvement Ethic a donc décidé de cosigner les mesures du Medef pour un plan d’urgence immédiat.

En quoi consiste ce plan d'urgence immédiat proposé dans la lettre ouverte publiée par le Journal du dimanche ?

Sophie de Menthon :  Ce plan d'urgence peut se résumer en quelques points :

Tout d'abord, nous demandons la sécurisation du contrat de travail par le plafonnement des indemnités prudhommales et des motifs de rupture pour cause réelle et sérieuse. Sans cela les chefs d’entreprise continueront de freiner des quatre fers avant de signer un CDI.

La deuxième demande concerne une exonération totale de cotisations sociales patronales durant deux ans pour toute nouvelle embauche dans les petites entreprises. Nous assumons cette demande, au risque de dire encore que les patrons sont  des quémandeurs et qu’on leur a fait déjà beaucoup de « cadeaux », ce qui est évidemment totalement faux ! La réalité est que le coût du travail demeure le plus élevé et que tout effort (dont le CICE) a été pratiquement annulé par les nouvelles contraintes et nouvelles taxes.

Par ailleurs, nous demandons l’exonération sociale totale pour tout recours à un alternant (apprenti ou contrat de professionnalisation). Cela serait le meilleur moyen de compenser la chute de l’apprentissage liée au multiples contraintes qu'il entraîne pour les entreprises et à son coût. Les entrepreneurs regrettent le fait que cela leur coûte pratiquement aussi cher qu’un salarié et que par ailleurs on ne peut pas mettre fin au contrat si cela se passe mal; une épée de Damoclès de plus au-dessus de leur tête !

Enfin,  concernant les dispositions proposées facilitant l’embauche de chômeurs de longue durée ou de personnes éloignées de l’emploi, cela ne coûterait rien à l’Etat puisque de toutes façon les allocations chômage sont dues… Cette proposition d’ ETHIC permettrait aux chômeurs de retrouver une formation directement prodiguée par l’entreprise pour faciliter leur réinsertion ensuite.

Les entrepreneurs , en tout état de cause, déclarent tous qu’ils en ont "ras-le-bol des faux plans, des réformes tronquées, des mesurettes de pactes Théodule et des rustines… !". Ils veulent que le gouvernement agisse vite et concrètement.

Au regard des quatre premières années du quinquennat, que peut-on encore attendre comme acte majeur de François Hollande pour relancer l'économie ?

Sophie de Menthon : Cette interpellation est vraiment un appel désespéré,  les entrepreneurs n’ont pas la chance de partager l’optimisme insubmersible et la foi du président du MEDEF... Mais le patronat est uni pour tout essayer !

Eric Verhaeghe : On peut évidemment avoir un vrai doute, dans la mesure où aucune des recettes engagées depuis 2012 n'a eu le moindre effet durable sur le chômage. C'est d'ailleurs un paradoxe, puisque le chômage a baissé dans de nombreux pays de l'Union. L'Allemagne est au plein emploi. Mais des régions comme la Wallonie, lourdement frappées par la désindustrialisation, assistent à une baisse du chômage. La France est, depuis 2012, le seul grand pays de la banane bleue où le chômage ne recule pas. Il faut probablement y voir un effet de la désastreuse politique d'augmentation massive de la pression fiscale lancée par le tout aussi désastreux Jean-Marc Ayrault. On peut d'ailleurs dire que, pendant deux ans, la France a vécu sous la doctrine économique du professeur d'allemand moyen: l'impôt est positif, la croissance reviendra toute seule, et les employeurs sont par principe des exploiteurs qui doivent être punis. Cette effarante doctrine a durablement plongé la France dans la crise au moment où nos voisins faisaient les efforts nécessaires pour redresser la barre. 

Quel bilan peut-on tirer de l'ensemble des mesures, pactes et plans déjà annoncés par le passé ? Quelles perspectives cela laisse-t-il préfigurer pour les propositions publiées dans le JDD ?

Eric Verhaeghe : Toute la difficulté tient dans le retard que Hollande a pris dans la mise en oeuvre du pacte de responsabilité. Pour l'instant, le gouvernement n'a pas véritablement desserré la contrainte qui pèse sur les entreprises, et il n'a pas fondamentalement réformé la dépense publique. Grâce aux taux bas, ces leurres n'apparaissent pas clairement et les Français vivent encore dans l'illusion qu'ils pourront échapper à l'austérité. Mais cette illusion ne devrait pas durer. En attendant, le gouvernement a surtout pris des mesures qui ont profité aux grandes entreprises et aux bas salaires. C'est le cas du CICE, qui profite à la Poste. En revanche, la start-up qui emploie des ingénieurs payés à 2 ou 3 SMIC n'a rien vu venir. C'est pourtant elle qui est la plus prometteuse en termes d'emplois et de croissance.  

Sophie de Menthon : La réalité est la suivante : Le pacte de stabilité est rompu, la réduction des dépenses de l’Etat n’est pas toujours à l’ordre du jour, 2016 commence par un nouvel alourdissement des contraintes (compte pénibilité, complémentaire santé obligatoire, burnout reconnu comme maladie professionnelle etc.) ... L’urgence de la situation ne tient pas compte du « temps de l’entreprise » par rapport au temps de l’Etat (entre 2 ans et 5 ans pour que soit applicable la réforme du Code du travail) !

L'adoption par François Hollande des cinq mesures préconisées par le collectif de dirigeants d'entreprise dans leur lettre ouverte est-elle envisageable au regard du contexte politique du moment ? Les actuels rapports de force au sein de la majorité - comme entre la majorité et l'opposition – permettent-ils d'être optimistes quant à l'adoption de ces mesures ?

Sophie de Menthon : Il est vrai qu'il faudrait passer du traitement social du chômage à une vraie politique de l'emploi, or la moitié du gouvernement y est opposée... C'est le logiciel qu'il faut changer ! Cependant c’est à toutes les forces politiques que cet appel s’adresse, au nom de l’intérêt général ! Il serait dramatique que toutes les mesures inutiles soient uniquement prises dans un objectif électoral pour la présidentielle. Quant à la perspective d’une " loi d’urgence" évoquée elle serait forcement récupérée par les partis politiques sans égards pour l’intérêt général, et cela laisse entrevoir de nouveaux débats sans fin …  La simplification reste un effet d’annonce  et nous sommes tous submergés par la complexité.

Eric Verhaeghe : Le sujet qui me paraît le plus important est de savoir quelle compréhension le gouvernement peut avoir de ces mesures. Une idée paraît intelligente: la suppression totale des cotisations sociales pendant deux emplois pour les recrutements dans les PME et les TPE. Cette idée de bon sens avait été combattue par le MEDEF de Laurence Parisot en son temps. Que le MEDEF de Pierre Gattaz s'y rallie est une bonne chose, car c'est le dispositif le plus simple pour que les entreprises abordent avec souplesse les nouveaux recrutements. Dans le même temps, il faut savoir arrêter les mesures contradictoires. Par exemple, au 1er janvier 2016, est entrée en vigueur une loi qui limite le recrutement de stagiaires dans les entreprises. Peut-on expliquer la cohérence de ce dispositif ? si ce n'est par le combat incessant mené par les ennemis de l'entreprise contre toutes les dispositions qui peuvent faciliter l'emploi.

Quid des rapports de force entre les syndicats eux-mêmes, et entre le gouvernement et les syndicats ? Sont-ils en faveur de l'adoption de telles mesures ?

Eric Verhaeghe : Les syndicats agissent aujourd'hui en ordre dispersé. Sur le fond, le plus frappant est sans doute de constater qu'il n'existe plus, dans la classe politique, de pensée suffisamment cortiquée pour répondre aux propositions patronales. Par exemple, la suppression des cotisations sociales pour les apprentis est une idée qui percute de plein fouet la réticence de l'Education nationale devant l'apprentissage. La ministre de l'Education est-elle capable de convaincre son administration des bienfaits de l'alternance? La réponse est dans la question. Il s'agit là d'un exemple parmi d'autres de la faillite des élites publiques, qui s'opposent chaque fois qu'elles le peuvent à une politique cohérente en matière d'emploi. La dispersion syndicale est une autre facette de cette faillite.

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