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Guy Bedos prend sa retraite, l'humour politique le suit
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LOL vintage

Après 50 ans de carrière, Guy Bedos entame son dernier spectacle. Mais son type d'humour fait-il encore recette dans une France plus désabusée que jamais ?

Jawad Mejjad

Jawad Mejjad

Jawad Mejjad est docteur en sociologie, chercheur au Ceaq-La Sorbonne, enseignant et responsable pédagogique au Cnam, et gérant d'une société industrielle (Ermatel).

Ses réflexions et ses recherches portent principalement sur les valeurs et les structures d’organisation de la société, avec une focalisation sur l’entreprise, à l’aune de la postmodernité.

Il a publié Le rire dans l’entreprise, chez l’Harmattan, en 2010.

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Atlantico : Guy Bedos arpente la scène depuis 50 ans. Aujourd'hui, il décide de "baisser" le rideau au Rond-Point. Comment les humoristes ont-ils évolué depuis ses débuts ?

Jawad Mejjad : De mon point de vue, le rire s'est adapté à l'évolution de la société elle-même. On a développé le "rire de résistance" Dans les années 1970, juste après les "Trente Glorieuses", lorsque que se font sentir les premières difficultés de la société. Des humoristes comme Guy Bedos usaient alors sans commune mesure du rire "politique". Cela marquait à l'époque une rupture avec la période précédente de Robert Lamoureux, durant laquelle le rire était "social", fédérateur, rassembleur, où l'unité de la société était préservée.

Le rire "politique" est revendicatif, critique, marque une forme de résistance. C'est la marque de fabrique de Guy Bedos : critiquer la société à travers la politique et les hommes politiques. Ce rire était sûr de lui, et ridiculisait ceux dont il se moquait.

Aujourd'hui, le rire "politique" est-il encore "vendeur" ?

Non, le rire "politique" ne marche plus. D'ailleurs, il n'y a plus de rire "politique"... Pourquoi ? Parce-que plus personne n'y croit, un peu comme le syndicalisme. Les humoristes sont désormais tournés vers la dérision, le rire "baroque", qui ne revendique rien. Il est en quelque sorte désabusé, presque puéril. Ce n'est pas un hasard si les jeunes humoristes occupent systématiquement le haut de l'affiche;

Parmi ces derniers, le plus emblématique reste de loin Jamel Debbouze, ainsi que tous les comiques s'inspirant de lui. Même Jean-Marie Bigard se positionne comme l'enfant "mal poli", le trublion...


Guy Bedos ne fait donc pas partie de ce type de comique "nouvelle génération" ?

Guy Bedos est dans un rire plus sage, quasi donneur de leçon. Le rire actuel ne donne de leçon à personne, il ne veut rien changer.


Reste les "descendants" de Guy Bedos, comme Stéphane Guillon... 

Stéphane Guillon est critique, mais c'est un cas isolé.  Il n'est donc pas représentatif de l'humour de la nouvelle génération.


Et que dire de l'humour féminin, avec Florence Foresti notamment ?

Ce n'est en rien différent... Elle ne revendique rien ! Par ailleurs, vous noterez qu'elle s'est rapprochée de Jamel Debbouze au cinéma... Elle est dans cette veine de trublion, à l'humour désabusé, puéril.

Guy Bedos trouvait des thèmes rassembleurs, comme Coluche, de sorte à redonner une unité globale à la société. Aujourd'hui, le rire est tourné vers soi, il n'y a plus de grandes thématiques ou de revendications sociales. Le "groupe" a fini par l'emporter sur une société unie dans son ensemble. 

Par exemple, quand Jamel Debbouze fait un sketch sur sa "communauté" (au sens de son groupe de proches), c'est principalement sur sa vie et celle de ses proches. Mais il n'est pas question de changer la société, d'encourager l'intégration, de lutter contre le racisme. Quand Coluche et Guy Bedos jouaient leurs sketchs, il était question de s'en prendre véritablement au racisme, et autres problématiques sociales et sociétales.

Dans ces conditions, Guy Bedos a-t-il bien fait de "raccrocher sa veste" ?

Oui, sachant qu'il reste talentueux, mais ne jouit plus de l'écho d'autrefois... C'est une valeur sûre, dont on parlera encore dans quelques années, mais qui n'est plus à même de marquer la société actuelle.

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