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Extension de la déchéance de nationalité aux délits : s’agit-il du "détail" qui pourrait rendre la mesure efficace ?
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Intégrer les délits, et non seulement les crimes, à la déchéance de nationalité pour les actes terroristes… Cette proposition des Républicains pourrait faire comprendre à l'entourage des djihadistes la gravité de leurs actes.

Juliette Daudé

Juliette Daudé

Maître Juliette Daudé est avocate pénaliste au Barreau de Paris

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Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il a notamment écrit en 2024 "Journal de guerre : C'est l'Occident qu'on assassine" (éditions Fayard) et en 2021 "Manuel de résistance au fascisme d'extrême-gauche" (Les Nouvelles éditions de Passy). 

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Atlantico: Intégrer les délits à la déchéance de nationalité, est-ce une bonne idée ?

Gilles-William Goldnadel : Dès l'instant où je soutiens que cette mesure de déchéance de nationalité est bonne sur le plan symbolique, je ne suis pas opposé à ce que les délits entraînent une déchéance de nationalité. Cela ne me paraît pas être une mauvaise idée, cela va plutôt dans le bon sens. Je suis pour sur le plan symbolique même, de tout temps, il y a eu des Français qui détestaient les Français. Je ne crois pas trop à l'aspect utilitaire contre les terroristes, ce n'est pas le genre de types effrayés par cette sanction. Cette déchéance de nationalité est une victoire idéologique de la droite de la droite, c'est une véritable capitulation de la gauche, car au désespoir gauchisant, les Français n'acceptent pas de considérer comme compatriotes les Kouachi et autres, qui sévissent depuis une vingtaine d'années. Les Français n'acceptent pas qu'ils aient les mêmes papiers qu'eux. Ces gens détestent la France et les Français, cette proposition ne me paraît donc pas bête, de les déchoir de leur nationalité, eux qui veulent tuer les Français.

Juliette Daudé : A titre personnel, cela me paraît être démesuré. Un délit est par nature moins grave qu'un crime, ce genre de mesure crée des peines qui ne sont que rarement dissuasives. Aider des terroristes, ce n'est "que" un délit, dans la mesure où les gens qui le font n'ont pas forcément connaissance de ce qu'ils font, et ne sont pas déterminés à mourir pour leur cause, comme des terroristes.

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Cela ne pourrait-il pas être dissuasif pour des gens qui risqueraient de basculer?

Juliette Daudé : Ces gens ne sont pas forcément des personnes dont l'idéologie se rapproche des djihadistes. Ce sont parfois des "petites mains", qui n'ont qu'un intérêt vénal, dans ce cadre cette proposition me semble avant tout symbolique, et elle ne les dissuaderait pas forcément.

Dans le cas d'un complice, comme Jawad Bendaoud qui a logé les terroristes des attentats du 13 novembre, cela ne peut-il pas les faire réfléchir?

Juliette Daudé : Je n'en suis pas convaincue. De petites mains semblent avoir fourni des voitures, et n'ont pas forcément été au contact des terroristes. Ce genre de personnes n'est pas forcément au courant, ils n'agissent pas par conviction religieuse. Dans le cas de Jawad Bendaoud, qui a prétendu ne pas être au courant, on peut ne pas le croire. Mais cette menace de perte de nationalité leur fera-t-elle peur ? Cette question n'est pas vraiment juridique, mais porte sur la politique pénale. Alourdir les peines, qui sont aujourd'hui de trois ans de prison si l'on aide un terroriste, pourrait être plus dissuasif.

Sur le plan pénal, que risque aujourd'hui quelqu'un qui aiderait un terroriste?

Gilles-William Goldnadel : Il risque trois ans de prison s'il aide un terroriste, et cinq ans de prison si cette aide devient habituelle. La mesure d'étendre la déchéance aux délits accentue ce côté dissuasif. On peut penser cependant que le débat actuel peut avoir un bénéfice, en créant un aspect dissuasif.

Cette peine de trois ans actuelle n'est-elle pas trop faible?

Gilles-William Goldnadel : Si les complices connaissaient le but terroriste des gens qu'ils ont aidé, on passe à une complicité, et dans ce cas, ils prennent lourd. Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas cher payé, cette peine de trois ans, ça pourrait être plus lourd. Le drame que nous vivons cependant a été préparé par vingt à trente ans de laxisme judiciaire, ce n'est pas vraiment la conséquence de ce qui manquerait dans l'arsenal judiciaire.

Ce laxisme viendrait donc des magistrats?

Gilles-William Goldnadel : Les magistrats jugent des cas d'islamo-gangstérisme, pour reprendre une formule de Malek Bouthi, qui deviennent ensuite de l'islamo-terrorisme. Il y a eu une succession de carences, mais l'autorité judiciaire dispose de suffisamment d'arguments dans le code pénal. Les magistrats n'appliquent qu'avec très peu de rigueur cet arsenal. Dans l'affaire de la cellule terroriste "Cannes-Torcy", par exemple, les personnes les moins investies étaient dehors au bout de deux mois, voire un mois, il y a eu une vraie désinvolture judicaire sur ce point.

Pensez-vous à certains juges anti-terroristes en particulier?

Gilles-William Goldnadel : Les juges terroristes n'ont pas tous cédé à cette facilité. Cela ne vient pas que de la justice, il n'y a qu'à voir la façon dont sont traités les gens du groupe Tarnac, dans les années 80, où la façon dont les journalistes du Monde par exemple ont traité les terroristes de Casablanca, en les appelant par leurs prénoms notamment : on paie des années de laxisme.

En résumé, cette proposition d'inclure les délits dans la déchéance vous semble donc justifiée?

Gilles-William Goldnadel : Ce n'est pas une mauvaise idée, même si ce n'est pas la panacée. Mais je ne suis pas choqué par cette proposition. Dans les circonstances actuelles, je ne souhaite pas encourager la moindre désinvolture. Je ne suis même pas sûr que l'on puisse s'en sortir, le vivier de terroristes étant nombreux, c'est un vrai défi qui est lancé… Il ne faut donc pas se priver de moyens légaux pour y faire face.

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