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Chine, le jeu dangereux de Xi Jinping : pourquoi sa campagne de lutte contre la corruption masque d’autres objectifs moins vertueux
©Flickr

L'Etat-parti au cœur de la lutte

Dès son arrivée au pouvoir en 2012, Xi Jinping s'est emparé du problème de la corruption. Si la politique de lutte contre la corruption correspond aux attentes de l'opinion publique, se pose toutefois la question des ambitions cachées du président Xi. La lutte contre la corruption semble avant tout permettre au pouvoir d'écarter les personnalités encombrantes et réformatrices.

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

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Atlantico : A quels besoins répond la lutte contre la corruption initiée par le président Xi Jinping ? Quelle était la situation en Chine avant le lancement de cette politique?

Jean-Vincent Brisset : La corruption est un phénomène très largement répandu en République populaire de Chine. Transparency classe le pays à la 100ème place sur 175. Le phénomène frappe toutes les couches de la société, chaque détenteur d’une parcelle de pouvoir ayant les moyens de monnayer ce privilège au détriment des plus faibles qui, à leur tour… Au-delà des connotations morales, les conséquences sont très pénalisantes pour le fonctionnement harmonieux de la société, qui est la principale préoccupation des autorités. En échange des pots de vins perçus, les corrompus tolèrent des transgressions dans tous les domaines, ce qui se traduit par de multiples entorses aux règles, qu’il s’agisse de pollution, de droit du travail, de propriété intellectuelle…. Tout ceci met en danger la stabilité sociale et, à l’arrivée de Xi, avait atteint un tel niveau qu’il devenait indispensable de réagir.

Xi Jinping a à plusieurs reprises exprimé sa volonté de s'en prendre à la fois aux mouches et aux tigres. Toutefois, certains cadres et personnalités importantes semblent être davantage ciblés par le pouvoir, on peut notamment penser à Bo Xilai. Quelles menaces représentent ces personnalités pour le régime ?

La lutte contre la corruption est un des sujets qui recueille une grande adhésion populaire dans un pays où tous se sentent concernés et où tous pensent que, même si ils sont -un peu- corrupteurs, ils sont surtout les victimes de plus puissants. Toutefois, les campagnes de lutte contre les abus, que les précédents gouvernements ont largement utilisées, ont toujours semblé ne frapper que les « deuxièmes couteaux ». Si le discours de Xi reste le même que celui de ses prédécesseurs, les actes sont différents. Des personnalités de haut niveau sont régulièrement mises en cause et réellement sanctionnées. Ce qui a changé, c’est que le tripode Parti/Armée/Etat dont l’unicité assurait le fonctionnement du pays est en train de se fissurer. A l’intérieur de chacune de ces entités, comme à la tête des gouvernances locales et des grandes entreprises, les luttes entre ceux qui veulent que rien ne change et ceux qui veulent faire de la Chine un pays « normal » sont particulièrement âpres. La campagne actuelle de lutte contre la corruption, qui dépasse très largement en ampleur et en durée les précédentes est donc un moyen, pour Xi, d’éliminer des opposants sous prétexte de corruption et de mettre en place partout des directions conformes à ses orientations.

Dans un contexte de ralentissement de la croissance économique, de pollution aggravée et de montée des contestations sociales, à quels défis le gouvernement chinois devra-t-il répondre dans les années à venir? Le système de parti unique peut-il se maintenir? 

Deng Xiaoping avait choisi un modèle de développement basé sur la transformation du pays en une « usine du monde ». Ce modèle est en train d’exploser. La consommation intérieure n’a pas suffisamment pris le relais, la compétitivité du pays a baissé et la course en avant a provoqué une série de déséquilibres. Trop d’investissements au profit d’une économie beaucoup trop tournée vers l’exportation ont créé des surcapacités et des montagnes de dettes. Les besoins de productivité ont entraîné sur le plan matériel une montée de la pollution et des accidents industriels et, sur le plan humain, de grandes inégalités qui provoquent une fracture sociale génératrice de contestations. Le gouvernement a très peu de marge de manœuvre, car toutes les corrections des problèmes de dérives environnementales ou d’inégalités sociales ne pourront que faire encore baisser la compétitivité et aggraver les problèmes. Ceux-ci vont bien au-delà de la survie du Parti Communiste et c’est bien la stabilité du pays qui est menacée.

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