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Le contribuable,
éternelle vache à lait de l'Europe
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Prise d'otage

Loin d'augurer d'une sortie de crise, le prêt de la BCE aux banques européennes s'avère indispensable. Mais en fin de compte, c'est sur les particuliers que pèsent les risques.

Frédéric Bonnevay

Frédéric Bonnevay

Frédéric Bonnevay est Associé d’Anthera Partners. Il conseille des institutions financières en Europe et au Moyen-Orient.

Il est notamment l'auteur de l'étude Pour un Eurobond - Une stratégie coordonnée pour sortir de la crise (Février 2010, Institut Montaigne).

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Atlantico : La BCE offre son premier prêt sur trois ans aux banques de la zone euro. De quoi s’agit-il exactement ? Est-ce le début d’une sortie de crise ?

Frédéric Bonnevay : Non. C’est un expédient nécessaire qui permettra certainement d’éviter un gel complet des crédits à brève échéance, mais ne change pas fondamentalement la donne. Il faut opérer les ajustements déjà actés par bon nombre de dirigeants européens. La France n’a pas encore réalisé les efforts requis.

Il faut par ailleurs revoir le rôle de la BCE. Mario Draghi est habile, mais ces prêts ne sauraient constituer une solution définitive.

L’objectif recherché était originellement de procéder à un "carry trade", c’est-à-dire d’offrir un financement très bon marché, 1% sur trois ans, offert de façon quasi inconditionnelle, et d’encourager les banques à acheter des obligations souveraines à fort rendement.

Malheureusement, les banques risquent d’utiliser prioritairement ces fonds pour procéder à un refinancement de leurs actifs les moins liquides et qu’elles ne parvenaient pas à placer sur les marchés. Elles trouvent dans la BCE un bailleur de fonds de dernier ressort sur lequel elles comptent pour irriguer leur bilan, reconstituer leurs réserves et atteindre les ratios de recapitalisation imposés par le législateur. Finalement, plutôt que de prêter l’argent de la BCE, les banques européennes pourraient bien s’en servir pour renforcer leurs fonds propres.


Cette décision ne consiste-t-elle pas à faire passer les risques des acteurs privés vers les contribuables, via des prêts de la BCE ?

Permettez-moi de revenir rapidement sur les causes de la crise financière née en 2007 : on a tout d’abord opéré un transfert de passif des bilans privés vers les bilans publics, c’est-à-dire des entreprises vers les Etats. Puis, des Etats vers les banques du fait de la forte exposition de ces dernières au risque souverain. Et enfin, aujourd’hui, des banques - indirectement - vers les contribuables. Car désormais, quoi qu’il arrive, quelle que soit la configuration, c’est le contribuable in fine qui assumera les risques et règlera la facture le cas échéant.

Qui, en effet, est en mesure de rétablir la stabilité financière d'une économie surendettée du côté public comme du côté privé ? Le contribuable, dans tous les cas, via des mesures d’austérité, donc des hausses des impôts ou du fait d'un retour de pressions inflationnistes, autre forme d'impôt puisqu'elle pèseront sur le pouvoir d'achat.


Une autre voie était-elle possible ?

Non. Il n’y a pas de solution miracle. Les secteurs privé et public sont les deux faces d’une même médaille. Le secteur public peut se substituer au privé quand celui-ci est défaillant, et on peut LUI faire porter la dette accumulée, mais en définitive le poids des dettes demeure et appelle un traitement de choc : défaut pur et simple, austérité et retour de la croissance, ou recours à l'inflation.

Malheureusement, j’ai l’impression que les décisions prises par la BCE ne sont pas en mesure d'apporter une solution durable capable de relancer la croissance : le secteur privé et les contribuables devraient donc finir par être tous deux touchés.

Je dois donc répondre à votre question par la négative. Les modalités d’intervention de la BCE auraient toutefois pu être différentes. La BCE aurait pu agir directement ou indirectement sur les marchés pour acquérir des titres souverains, ce qu’elle se refuse encore à faire. Elle pouvait aussi utiliser le Fonds européen de stabilité financière (FESF) dont c’est l’objet. autant de formules efficaces mais à elles seules insuffisantes.

Pourquoi n’est-il pas possible pour la BCE de financer directement les États ?

Je le regrette, mais malheureusement, certains États estiment que ce serait contraire à "l’esprit" de la BCE. Nos partenaires allemands sont très soucieux d’indépendance en matière de politique monétaire et considèrent que toute intervention à la BCE pourrait constituer un soutien interétatique contraire aux traités.

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