Le "style Bergoglio" permet au pape François de défier les pouvoirs du monde extérieur et les factions intérieures du Vatican<!-- --> | Atlantico.fr
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Dès les premiers mois du pontificat, en 2013, le grand public a pris l’habitude de la verdeur de langage et des offensives déroutantes du Pape François.
Dès les premiers mois du pontificat, en 2013, le grand public a pris l’habitude de la verdeur de langage et des offensives déroutantes du Pape François.
©Reuters

Bonnes feuilles

Face à "l'idole Argent", François, premier pape moderne non-européen, appelle à "une révolution culturelle courageuse" pour bâtir une nouvelle civilisation. Cet appel suscite un écho universel et inédit. C'est aussi une chance historique pour le catholicisme : on le croyait en déclin, mais il peut devenir une avant-garde si tous les catholiques se mobilisent à l'appel de ce pape qui fait bouger les lignes. Extrait de "Face à l'idole argent - La révolution du Pape François" Patrice de Plunkett, aux éditions Artège 1/2

Patrice  de Plunkett

Patrice de Plunkett

Patrice de Plunkett journaliste depuis 1972. En 1978, il participe à la création du Figaro Magazine, dont il est rédacteur en chef culture, puis directeur de la rédaction et éditorialiste (1990-1997). Auteur (depuis 1997) de livres-enquêtes sur les phénomènes de société d'aujourd'hui. Chrétien depuis 1985, il est membre de la revue de prospective catholique Kephas et de l'ordre du Saint Sépulcre de Jérusalem (aide aux chrétiens de Terre Sainte). 

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Les diagnostics du pape François

Qu’y a-t-il donc dans cette encyclique, pour soulever l’intérêt au-delà des milieux catholiques – et le malaise dans certains de ces milieux ?

Il y avait déjà le « style Bergoglio » : une vitalité insolite, des formules simples et directes qui font mouche et qui rendent populaire la théologie. Dès les premiers mois du pontificat, en 2013, le grand public avait pris l’habitude de cette verdeur de langage et de ces offensives déroutantes. Le pape argentin défiait à la fois les pouvoirs du monde extérieur (la haute finance, la Mafia) et les factions intérieures du Vatican.

Le 22 décembre 2014, son extraordinaire sermon-algarade en forme de voeux aux prélats de la Curie avait réjoui l’univers : on découvrait un pape qui secouait sa propre administration et dénonçait, à la face du monde, les « maladies spirituelles » de hauts fonctionnaires de l’Église ! Même Karol Wojtyla n’avait pas osé, lui qui disait pourtant de certains de ces hauts fonctionnaires : « Ils font semblant de travailler pour faire semblant de m’obéir »… François, quant à lui, voulait vraiment réformer cette bureaucratie. Il voulait l’ajuster aux besoins d’une papauté du XXIe siècle : mobilité, disponibilité, liberté d’esprit, comme Jésus le prescrit à ses messagers dans l’évangile selon Marc (6, 7-13)… François se heurtait à l’opposition d’une partie de la Curie, à ses birbonate (coups tordus) relayées par les salons romains et leurs échotiers ? Qu’à cela ne tienne ! Avec ce discours de Noël, filmé et diffusé mondialement, il suggérait à la Curie un examen de conscience devant les Églises des cinq continents. Le pape n’appelait tout de même pas les militants de base à « tirer sur le comité central » (comme Mao en 1967), mais une révolution culturelle s’annonçait : par-dessus les bureaux du Saint-Siège, le successeur de Pierre était à l’écoute du peuple catholique. Et du reste de l’humanité.

Impression confirmée le 11 juillet 2015, quand les médias montrent l’image d’une scène insolite au Vatican : six magistrats et quatre avocats en robe noire, dans une petite salle de tribunal… C’est l’ouverture du premier procès intenté par la papauté à un pédophile. L’accusé est un prélat. Il encourt une condamnation à sept ans de prison ferme. Pour qu’il purge cette peine sur place, François lui a fait aménager une cellule dans l’enceinte même du palais pontifical ; ainsi le monde verra que la justice du pape existe, et que l’omerta cléricale appartient au passé ! C’est faire droit à l’universelle clameur d’indignation née du dossier des prêtres pédophiles : scandale moral et métaphysique dont l’institution avait tardé à mesurer l’immensité, jusqu’à ce que Benoît XVI se charge du nettoyage (tâche qui transforma son pontificat en calvaire)… Il revenait à François, pasteur à poigne, de doter l’Église d’un dispositif pénal dans ce domaine.

La nouvelle intransigeance ne suffira sans doute pas à ramener les milliers de fidèles éloignés par le scandale de la pédophilie, mais elle inscrit dans le marbre l’exigence de la fidélité à la foi :

« Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants : elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du coeur. Pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard. Nous aurons à lui rendre des comptes… » (Lettre aux Hébreux).

En France et dans les pays de l’hémisphère Nord, les plus conservateurs se demandent à quoi riment ces innovations : « Mais où va le pape Bergoglio ? », demandent-ils… Il va plus fort et plus vite que ses prédécesseurs : mais il va dans la direction prise par l’Église catholique depuis le dernier tiers du XXe siècle, pour s’ajuster à la tâche d’évangéliser le monde nouveau.

Extrait de "Face à l'idole argent - La révolution du Pape François" Patrice de Plunkett, publié aux éditions Artège, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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