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Ces journées où les Français ont été heureux : la Libération de Paris
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Bonnes feuilles

Hervé Gaymard est parti à la recherche de la nation, à travers le récit de treize grandes journées qui ont forgé la France, constituant son identité et sa destinée singulières. L'auteur prend le parti de raconter ce qui nous a unis depuis la fin des guerres de Religion et la fondation de la monarchie administrative : enracinement politique et social de la République ; foi dans le progrès ; quête de la paix ; recherche permanente de la grandeur et de la victoire, militaire puis sportive... Extrait de "Bonheurs et grandeur" d'Hervé Gaymard, aux éditions Perrin (1/2).

Hervé Gaymard

Hervé Gaymard

Hervé Gaymard est député UMP de la 2e circonscription de Savoie, et président du conseil général de la Savoie. Il a été Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie dans le gouvernement Raffarin III.

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Mes chers enfants de France, vous avez faim parce que l’ennemi mange notre pain et notre viande. Vous avez froid, parce que l’ennemi vole notre bois et notre charbon, vous souffrez, parce que l’ennemi vous dit et vous fait dire que vous êtes des filles et des fils de vaincus. Eh bien ! moi, je vais vous faire une promesse, une promesse de Noël. Chers enfants de France, vous recevrez bientôt une visite, la visite de la Victoire. Ah ! comme elle sera belle, vous verrez ! »

Le 24 décembre 1941, dans son message de Noël, Charles de Gaulle ressuscite par ces mots la « petite fille espérance » pour répondre au plus profond désespoir qui s’abat sur le monde, alors que l’Allemagne nazie et son allié japonais gagnent sur tous les fronts, de Brest a Hong Kong en passant par l’immense plaine russe, comme le proclame la banderole en allemand sur la colonnade du Palais-Bourbon.

Deux ans et huit mois plus tard, Charles de Gaulle peut mesurer le chemin parcouru alors qu’il descend les Champs-Élysées ce samedi 26 aout 1944, dans ce défilé d’une « pagaille charmante, cent fois plus émouvant que le solennel défilé de la Victoire en 1919 », comme le note dans ses Mémoires d’un Parisien Jean Galtier-Boissiere. Il est arrivé la veille, venant de Rambouillet, par Longjumeau et Bourg-la- Reine.

Quand il parvient a la porte d’Orléans, il sait que le destin de la France va se jouer dans les heures qui viennent. Et que ses armes, comme toujours depuis le 18 juin 1940, seront les actes et les mots, pour « rassembler les âmes en un seul élan national, mais aussi faire paraître tout de suite la figure et l’autorité de l’État ».

Plutôt que poursuivre vers l’Hôtel de Ville, il bifurque par l’avenue du Maine pour se diriger vers la gare Montparnasse, le PC de la 2e DB, ou il arrive vers 16 heures.

Leclerc est la, bien sur. C’est lui qu’il vient retrouver. C’est à lui et a personne d’autre qu’il a confié la mission symbolique de libérer Paris. Il se souvient de ce 8 octobre 1940, à Douala, au Cameroun, ou ce jeune capitaine qui venait de coudre ses galons de colonel sur sa vareuse l’avait fait renaître, après cet échec cuisant devant Dakar qui l’avait fait douter pour la première fois depuis le 18 juin. Dans la moiteur équatoriale, raconte un témoin, « sur les passerelles et les dunettes, jusqu’au faîte des superstructures, des soldats en kaki, coiffés du casque colonial, armés de fusils et de mitraillettes, se tenaient immobiles, hiératiques, en un garde-a- vous rigide. Ils formaient comme une pyramide humaine a touche-touche, au coude a coude, qui, prenant sa base sur les ponts, s’élevait haut dans le ciel, d’une fixité impressionnante. Au moment même, Leclerc présenta son épée qui brilla de mille feux au soleil de midi. Puis, sur le navire, parmi les guerriers posant comme des statues, un homme apparut, un homme immense, tout en blanc. Il passa dans les rangs, traversa la planche de débarquement et s’approcha de Leclerc. Faisant décrire a son épée une étincelante parabole, Leclerc salua la haute figure qui le dominait ».

C’est sur cette terre d’Afrique qu’il ne connaît pas, sur laquelle il va dans quelques instants poser le pied, après ces derniers mètres sur cette fragile passerelle, qu’il va devenir l’homme du destin. Que la parole s’incarnera enfin. Les maigres troupes, Français libres débarqués quelques heures plus tôt, régiments coloniaux ralliés, aux uniformes disparates et aux galons hâtivement cousus, ne sont pas encore les « clochards épiques de Leclerc » qui bientôt, de Koufra a Strasbourg, redonneront leur honneur aux armes de la France. Mais il y a déjà dans les coeurs et le regard de ces hommes partis de rien le simple amour du pays et de la liberté 1. Quatre ans apres, ils sont tous la. La 2e DB n’a pas encore libéré Strasbourg, ce qu’elle accomplira le 23 novembre, trois mois plus tard. Mais son avant-garde, avec a sa tete le capitaine Dronne, est arrivée l’avant-veille, le jeudi 24 aout a 21 h 22, devant l’Hôtel de Ville.

Fils de paysans sarthois, administrateur des colonies, Français libre de la premiere heure, il commande 150 hommes seulement, dont la diversité des origines est a l’image de la France libre. On y trouve des républicains espagnols commandés par le sous-lieutenant Elias, avec des half-tracks baptisés Madrid, Estremadura, Guernica, Brunete,Teruel, Ebro, Guadalajara. Il y a aussi la section du lieutenant Michard, jeune séminariste des Missions étrangeres de Paris, qui trouvera la mort Arcueil, Le Kremlin-Bicetre, avenue d’Italie, rue de la Vistule, rue Baudricourt, rue Nationale, rue Esquirol, boulevard d’Austerlitz, quai de la Rapée, quai Henri-IV, quai des Célestins, jusqu’a l’Hôtel de Ville, au fil des rues, toute l’histoire de France défile avec la colonne, guidée par des civils qui se hissent sur leurs véhicules. Les cloches de Paris se mettent soudain à sonner a toute volée, les petites églises de quartier autant que la Savoyarde du Sacré-Coeur.

Les Parisiens sont pris de stupeur, puis réalisent et font exploser leur joie. L’ambiance est irréelle. Dronne, couvert de sueur et de poussière, est fêté a l’Hôtel de Ville, avec Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance, Claude Roy, Roger Stéphane, Edgard Pisani, puis en face, a la préfecture de police, en présence d’Alexandre Parodi, le délégué général du Comité français de libération nationale en France occupée, du général Jacques Chaban-Delmas, délégué militaire national, et de Charles Luizet, préfet de police de Paris depuis le 19 aout. Mais Dronne pense surtout a se laver et a se changer. Le jeune Félix Gaillard, futur président du Conseil de 38 ans broyé par la guerre d’Algérie, lui fait couler son bain. Dronne se baigne puis va dormir a la belle étoile, contre la porte d’entrée sud de l’Hôtel de Ville.

Extrait de "Bonheurs et grandeur - Ces journées où les Français ont été heureux" d'Hervé Gaymard, aux Editions Perrin. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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