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Le sultan Hollande et Christiane Taubira, l'héroïne des 1001 bourdes
©Reuters

Petit catalogue pour mémoire

C’est une énième bourde que vient de commettre Christiane Taubira en annonçant à Alger que le texte sur l’extension de la déchéance de nationalité pour les binationaux était enterré. Peut-elle rester longtemps encore au gouvernement ? Et si elle partait, serait-ce opportun qu’elle entre, au début de l’année prochaine, comme on l’envisageait encore il y a peu, au plus haut niveau, au Conseil constitutionnel ? Enquête sur une garde des Sceaux qui sait se montrer volcanique, expéditive et changeante…Dire qu’en 1993, elle votait l’investiture d’Edouard Balladur !

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Un camouflet !  Rarement dans l’histoire de la Vème République un ministre n’avait reçu pareil revers. C’est bien ce qui est arrivé ce mercredi 23 décembre à la Garde des Sceaux, Christiane Taubira lorsque le président de la République annonçait que la déchéance de nationalité pour les binationaux serait bien inscrite dans la réforme constitutionnelle soumise prochainement au Congrès. La veille, Christiane Taubira s’était montrée formelle, martelant le texte était abandonné. Définitivement. Une annonce faite à Alger, choix qui n’est sans doute pas le fruit du hasard  Le choix de cette ville n’étant pas innocent. Voilà donc l’imprévisible élue de Guyane renvoyée dans ses cordes… Nullement décontenancée par une telle claque, elle en a profité pour refaire allégeance au chef de l’Etat en déclarant : «  La parole première est celle du président de la République. Elle a été prononcée au Congrès de Versailles. La  parole dernière est celle du président de la République. Elle a été prononcée ce matin [mercredi 23 décembre] au conseil des ministres. »  

Cet ènième épisode de cafouillage entre la place Vendôme et l’Elysée montre une fois de plus l’impréparation du pouvoir à adopter une politique claire et nette en matière de lutte contre le terrorisme. Il démontre que la garde des Sceaux est davantage «  qu’un poil à gratter », davantage qu’une caution de gauche, mais bien une empêcheuse de tourner au rond pour le gouvernement et l’Elysée incapables de faire marcher la ministre au même pas que tout le monde. « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne » disait il y a bien longtemps, Jean-Pierre Chevènement. Hollande et Valls ne disent mot de l’attitude Taubira. Pour quelles raisons ? Car désormais la question se pose. Crûment : la garde des Sceaux doit –elle démissionner ? Déjà, l’opposition, par la voix  d’Eric Ciotti, député (Les républicains) des Alpes-Maritimes, et d’autres parlementaires de droite, la réclame. En filigrane, cette question en appelle une autre : si la ministre s’en, va où ira-t-elle ? Au Conseil constitutionnel  là où des places vont se libérer au début de l’année prochaine ? Une telle promotion risquerait de faire quelques vagues dans une institution où discrétion et secret sont cultivés avec gourmandise.

Quelle que soit la suite de son parcours, Christiane Taubira, malgré sa culture évidente,  sa capacité à citer de grands poètes comme René Char à l’occasion des débats parlementaires, n’aura pas réussi à imprimer sa marque place Vendôme à la différence d’un Robert Badinter, dont les envolées lyriques lors du débat sur l’abolition de la peine de mort,  en 1981, résonnent encore dans l’hémicycle de l’ Assemblée nationale. Quand on jette un coup d’œil sur ses trois années passées place Vendôme,  les qualificatifs  sortent inexorablement du chapeau. Imprudence par exemple. Comme lors de ces premiers jours place Vendôme où elle assiste à un match de basket-ball entre détenus et gardiens… Manque de chance, à la mi -temps, l’un des joueurs, détenus, se fait la belle…  Ou encore volcanique.  En un peu plus de trois ans, elle a épuisé quatre directeurs de cabinet. Exténués par les sms ou coups de fil qu’elle leur passait souvent à 3 heures du matin.  Même  Christian Vigouroux, son premier directeur cabinet, habitué de travailler avec des ministres rugueux a fini par jeter l’éponge. Des membres de son cabinet excédés par son ton souvent cassant sont eux aussi partis. Expéditive, telle peut être aussi la garde des Sceaux. Elle en a fourni un exemple en octobre 2014, lorsqu’elle a voulu éjecter, sans tambour ni trompette, le procureur général près la Cour d’appel de Paris, François Falletti, un magistrat unanimement apprécié de ses pairs.  Mais Falletti s’est rebiffé, menaçant de saisir le Conseil supérieur de la magistrature.

La ministre a reculé, et le haut magistrat a pu rester à son poste jusqu’à se retraite fin juin 2015.  Malgré sa formation d’économiste, Christiane Taubira semble à l’aise avec  le droit. Sauf que parfois, elle se plante. Sévèrement. Notamment lorsqu’elle porte le projet de loi pour adapter la procédure pénale au droit européen. Le Conseil constitutionnel censurera 27 des 39 articles du texte.  Idem avec la décision d’instituer une super amende de 10% destinée à financer les associations d’aides aux victimes. La décision, une fois encore sera sans appel : retoquée. Absente, ce peut être aussi l’attitude de Christiane Taubira : on l’a vu lors de la loi Macron où elle a joué les muettes de service. En revanche, lors de la discussion sur la loi sur le renseignement, là elle a fait la moue laissant entendre clairement que le texte ne lui plaisait guère. Se montrant carrément  hostile à ce que  le bureau de renseignement de la direction de l’administration pénitentiaire se mette à faire… vraiment  du renseignement à l’instar de ce que fait par exemple la DGSI.

Or s’il y a bien un endroit où en raison de la radicalisation croissante des détenus, la collecte d’informations est capitale, ce sont bien les établissements pénitentiaires. Surtout quand on sait qu’en 2013, 23 000 portables entrés illégalement dans les cellules ont été saisis. Après ce nouveau  couac à propos de la déchéance de nationalité, dont bien  peu d’élus ont osé rappeler, qu’une telle disposition rappelait le régime de Vichy –encore qu’en 1940,  la loi visait des innocents, de simples citoyens de confession juive et qu’en 2015, elle vise des terroristes assassins ennemis de la République-, Christiane Taubira semble démonétisée. Sa nouvelle politique pénale promise, avec comme clé de voute, la contrainte pénale n’a pas rencontré un franc succès. A peine 6 à 700 cas depuis sa mise en place en octobre 2014. Le vote du mariage pour tous, qui va peut-être dans le sens de l’histoire, a coupé la France en deux. Déroutante Christiane Taubira !  Sorte d’héroïne de Montherlant qui, au fond, n’aime guère qu’on l’aime ! Déroutante élue qui en 1993, vota l’investiture d’Edouard Balladur !

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