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2016, l’année de la prise de conscience des limites du modèle chinois
©Reuters

Fin de partie

Depuis le bouleversement de sa politique, engagé par Pékin à compter de 1979, la Chine, comme l’avait annoncé Alain Peyrefitte, s’est réveillée. Et tout s’est passé, depuis le début du XXIe siècle, comme si se déployait une « sinomania ». Mais 2016 pourrait être l’année de la prise de conscience que le modèle chinois n’est pas durable.

Gérard-François Dumont

Gérard-François Dumont

Gérard-François Dumont est géographe, économiste et démographe, professeur à l'université à Paris IV-Sorbonne, président de la revue Population & Avenir, auteur notamment de Populations et Territoires de France en 2030 (L’Harmattan), et de Géopolitique de l’Europe (Armand Colin).

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Après plusieurs décennies de politique autarcique, la Chine a décidé de s’ouvrir au monde et d’y affirmer son poids qui représente, aujourd’hui comme hier, le cinquième de la population du monde. Les succès de l’ouverture chinoise ont conduit le quotidien Le Monde à titrer un hors série, publié en octobre 2011, « Le siècle chinois », un titre affirmatif, puisque sans point d’interrogation. Et tout s’est passé, depuis le début du XXIe siècle, comme si se déployait une « sinomania ». Mais 2016 pourrait être l’année de la prise de conscience que le modèle chinois n’est pas durable car il repose notamment sur trois paramètres démographiques qui ne le sont pas eux-mêmes.

Le premier paramètre résulte d’une politique démographique autoritaire qui a privilégié la disponibilité des actifs

En effet, même si son objectif annoncé était seulement quantitatif, la politique dite de l’enfant unique a considérablement réduit les obligations familiales des parents. L’économie a pu les employer parfois d’autant plus aisément que nombre d’enfants uniques se sont trouvés élevés par leurs grands-parents. Mais la politique démographique coercitive de la Chine n’est pas durable : elle crée du mécontentement social compte tenu du déséquilibre hommes-femmes ; elle se traduit par un vieillissement de la population à un rythme et une intensité inégalés dans le monde ; elle pourrait engendrer une baisse de la population de la Chine avant les années 2030. Autrement dit, elle provoque des déséquilibres dans la pyramide des âges qui peuvent avoir des effets structurels nocifs.

Un deuxième paramètre de la politique démographique chinoise tient à la réglementation des migrations internes

En 1958, le système du livret de résidence (Hukou) est instauré : c’est une sorte de passeport intérieur n’autorisant que les migrations internes acceptées par l’administration. Or, depuis les années 1980, le Hukou se révèle l’une des raisons fondamentales de la compétitivité chinoise, de la possibilité pour la Chine d’être une sorte d’usine d’assemblage pour le reste du monde, grâce à un coût très faible de la main-d’œuvre. En effet, les réformes économiques engendrent une émigration rurale massive qui se traduit par l’apparition de ce qu’il est convenu d’appeler une « population flottante », c’est-à-dire des personnes qui, selon leur livret de résidence, devraient toujours habiter en zone rurale mais qui, en réalité, vivent en ville à la suite de leur départ de la campagne. Au sixième recensement, celui de 2010, cette population flottante a été estimée à 300 millions, soit près d’un Chinois sur cinq. Or, la population flottante, en raison  de sa présence illégale dans les villes, souffre de moindres rémunérations et d’une quasi-absence de protection sociale. Mais cette exploitation économique de la population flottante n’est pas durable car la montée du mécontentement est inévitable, surtout dans un contexte où la Chine va commencer à enregistrer une baisse de sa population active. 

Un troisième paramètre de la politique démographique chinoise est l’insuffisance de prise en compte des effets sanitaires d’un modèle économique non durable

À cet égard, ce qui se passe conduit à rappeler que la Chine demeure un régime communiste. En effet, l’histoire de l’Europe de la seconde moitié du XXe siècle enseigne que les territoires européens les plus pollués se situaient incontestablement dans les pays communistes. C’est l’une des raisons pour laquelle l’espérance de vie en Europe de l’Est était plus basse qu’en Europe de l’Ouest. L’insuffisance de politiques de prévention sanitaire en URSS s’est même traduite, dans les années 1980, par une nette baisse de l’espérance de vie. Or, la Chine se trouve à son tour confrontée à ce risque. En effet, le modèle économique chinois s’est accompagné une politique d’urbanisation brutale, d’ailleurs inverse de la politique antérieure à 1979, puisqu’il fallait des populations flottantes exploités pour contenir les coûts de production. La combinaison d’une économie peu respectueuse de l’environnement et de la brutale urbanisation se traduit, dans la plupart des villes, comme Pékin, par une aggravation des conditions sanitaires engendrant une multiplication des maladies respiratoires et des hospitalisations liées à ces maladies. Une autre conséquence est le refus croissant de cadres internationaux, dont la Chine a besoin, d’aller y travailler.

Certes, le gouvernement chinois semble conscient du caractère non durable de son modèle, se rappelant la citation suivante de Confucius : « Qui ne se préoccupe pas de l’avenir lointain se condamne aux soucis immédiats ». La Chine a assoupli en 2015 sa politique de l’enfant unique, mais sans doute trop tard compte tenu des logiques démographiques. Elle promet de supprimer le hukou, mais seul une partie des inégalités qu’il engendre devrait être supprimée au 1er janvier 2016 bémol. Elle a signé le texte final de la Cop21 et annonce un retournement en matière d’émission de CO2 à l’horizon 2030, ce qui paraît bien tardif. Quant au reste du monde, qui a tant encensé l’essor chinois, il va devoir prendre conscience que ce dernier repose sur un modèle non durable. 

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