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Les pièges derrière les beaux chiffres sur le patrimoine des Français
©Reuters

Puisqu’on vous dit que vous êtes chanceux

Malgré la baisse de valeur du patrimoine des administrations publiques, le patrimoine des ménages continue de croître, la France se classant au 5ème rang mondial des pays les plus riches. Mais cette position favorable masque de lourdes disparités.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Ce 18 décembre, l’INSEE dévoilait son rapport annuel relatif au patrimoine économique national français, et notait un repli de valeur de 1.8%, celle-ci atteignant ainsi la somme de 13 064 milliards d’euros. Soit 7.5 fois le PIB du pays, ou 7.5 fois le montant de la dette publique française. Malgré cette baisse, qui n’est que la conséquence de la chute de valeur du patrimoine des administrations publiques, la position des ménages a continué à croître (+0.2%) pour s’établir à 10 334 milliards d’euros. Ainsi, selon le rapport établi en octobre 2015 par la banque Crédit Suisse, la France occuperait la 5e place du classement mondial des pays les plus riches en termes de patrimoine, derrière les Etats Unis, la Chine, le Japon, et le Royaume Uni, mais devant l’Allemagne. Si l’on considère le patrimoine moyen par habitant, la France fait encore mieux. Mais derrière cette position apparemment favorable du pays se cache d’importantes distorsions. D’une part, le patrimoine national est constitué à 80% d’immobilier, pour une valeur de 10 943 milliards, et d’autre part, ce patrimoine est distribué de façon largement inégalitaire.

Le premier facteur qui va permettre de déterminer le niveau de patrimoine d’un ménage est l’âge. De façon évidente, les personnes ayant travaillé toute leur vie ont pu épargner une partie de leurs revenus, principalement sous la forme d’un achat immobilier. A l’exception des personnes de plus de 70 ans, déjà entrés dans une phase de désaccumulation, la corrélation entre l’âge des Français et le niveau de patrimoine est parfaite :

Patrimoine médian net des français selon l’âge. Source INSEE 2010.Euros

Cliquez sur les graphiques pour les agrandir

Ainsi, un ménage dont la personne de référence a entre 60 et 69 ans aura un patrimoine 30 fois supérieur, en médiane, à un ménage dont la personne de référence a moins de 30 ans. Mais cette logique d’accumulation n’est pas tout, car les différentes générations ont également vécu des périodes économiques sensiblement différentes, ce qui peut également expliquer de tels écarts. Comme peut l’indiquer l’INSEE :

"Tandis que les générations les plus anciennes ont pu profiter de la longue période de croissance de l’après-guerre pour étoffer leur patrimoine, celles qui avaient entre 50 et 55 ans en 2009 ont vécu depuis leur entrée dans l’âge adulte dans un contexte économique moins favorable, consécutif aux chocs pétroliers. Quant aux plus jeunes générations, elles subissent, depuis les années 1980, une croissance économique plus lente et incertaine, accompagnée d’une montée du chômage."

Si les conditions économiques n’ont fait que se détériorer depuis une quarantaine d’années, le pire a été atteint pour les personnes arrivées sur le marché du travail lors de la survenance de la crise, c’est-à-dire en 2008.

Pourtant, cette dernière disparité n’est encore rien en comparaison des inégalités existantes au sein même des classes d’âge. En effet, et à titre d’exemple, tandis que le premier décile, c’est-à-dire les 10% les plus pauvres de la classe d’âge des 30-39 ans dispose d’un patrimoine de 800 euros, le 9e décile, c’est-à-dire les 10% les plus riches parmi les 30-39 ans, bénéficie d’un actif net de 312 700 euros, soit un rapport de 1 à 393 entre les plus riches et les plus pauvres de cette classe d’âge. Et si l’on veut comparer les extrêmes, soit un patrimoine net de 300 euros pour le 1er décile des moins de 30 ans, et les 693 300 euros du 9é décile des 60-69 ans, le ratio atteint 1 pour 2311.

Outre les classes d’âge, il est également possible de mesurer les écarts de patrimoine au travers des catégories socio-professionnelles des français :

Patrimoine médian par catégories socio-professionnelles. Source INSEE. 2010. Euros

Alors que les agriculteurs et les professions libérales dominent les débats, avec encore de fortes disparités entre les déciles internes à chaque situation, les ouvriers non qualifiés et les inactifs ferment la marche, et ce, avec un ratio moyen de 1 à 100 entre ces différentes catégories. De la même façon, le patrimoine médian d’un cadre est 39 fois plus élevé que celui d’un ouvrier non qualifié. Il suffit de combiner classes d’âge et catégories socio-professionnelles pour se faire une idée des disparités, entre l’ouvrier non qualifié de moins de 30 ans médian, par exemple, et une personne en profession libérale de plus de 60 ans.

Ainsi, en observant uniquement le rapport de richesse, sans considération d’âge ou de catégorie socio-professionnelle, les écarts se creusent encore.

Patrimoine par décile. Source INSEE. 2010. Euros

En France, les 10% les plus riches ont un patrimoine 920 plus élevé que les 10% les plus pauvres. De plus, ces mêmes 10% les plus riches ont un patrimoine représentant près de 3 fois celui du 8e décile, c’est-à-dire le rang immédiatement inférieur, ce qui marque une courbe de progression exponentielle de la détention de richesse dans le pays.

Ainsi, à eux seuls, les 10% les plus riches détiennent 48% du patrimoine total. Et cette forme de distribution se poursuit en cascade :

Pourcentage de la richesse totale détenue par les X% les plus riches. Source INSEE.2010

Le résultat est que 50% de la population française se partage 93% de la richesse totale, alors que l’autre moitié de la France se partage les restes, soit 7% du patrimoine économique du pays.

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