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Comment refonder l’assurance-chômage, ce système accusé d’être trop généreux alors qu’il est dévoyé pour financer les priorités politiques du moment
©Reuters

Trop tard ?

L’Unédic ne remboursera pas sa dette. C'est ce qu'affirme l'économiste Bruno Coquet dans une note publiée par l'Institut de l'entreprise. Toutefois, la "générosité" si souvent dénoncée de l'assurance ne serait pas à l’origine de cette situation.

Bruno  Coquet

Bruno Coquet

Bruno Coquet est docteur en Economie, Président de UNO - Etudes & Conseil.

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Atlantico : Vous assurez que l’Unedic ne pourra pas rembourser sa dette, et que l’activité d’assurance dont la "générosité" est dénoncée n’est pas à l’origine de cette situation. Quelles raisons peuvent expliquer que cette structure ne soit pas en mesure, à ce jour, de renflouer sa dette ? 

Bruno Coquet : L’Unedic prévoit que sa dette sera de près de 26 milliards d’euros fin 2015 et, qu’elle dépassera 35 milliards d’euros fin 2018. Pour rembourser cette somme il faudrait qu’une conjoncture soudain très favorable permette d’équilibrer les comptes dès 2019, que cette forte croissance se maintienne, et qu’en plus l’Unedic réalise environ 7 milliards d’euros d’économies par an (soit 20% de ses dépenses) si l’Unedic voulait apurer sa dette en 5 ans.

Pour réduire les dépenses d’indemnisation dans cette conjoncture exceptionnellement favorable, les droits potentiels alloués aux chômeurs (donc les règles d’indemnisation) devraient par exemple être divisés par 2 (de 2 à 12 mois maximum au lieu de 4 à 24 mois), un taux de remplacement réduit de 20%, ou une combinaison de ces deux mesures. Tout cela apparaît très difficilement acceptable sur le plan social, surtout si l’on considère que le taux de cotisation serait stable à 6,4% du salaire (soit 1 mois de salaire net par an et par salarié, il faut toujours le rappeler). De fait, il être très difficile de croire qu’il est possible d’augmenter les cotisations pour rembourser la dette.

Vous soumettez une liste de propositions dans une note publiée par l’institut de l’entreprise pour renflouer la dette de l’Unedic. Vous évoquez notamment la suppression des régimes spéciaux, l’affiliation des agents du secteur public quel que soit leur statut qui engendrait la baisse des cotisations de 2 points… Quelles pistes peuvent-être étudiées pour refondre le système et sortir de cette impasse ? Comment réinventer l’assurance chômage ?

Améliorer l’assurance chômage en modifiant les paramètres actuels est vain tant les finances sont dégradées et les règles inadaptées aux problèmes contemporains.

La seule solution viable consiste à repenser les principes sur lesquels repose l’assurance chômage, afin de les rendre sains et soutenables, et d’adapter le régime d’assurance chômage au marché du travail d’aujourd’hui.

Aux moins trois grands principes devraient présider à une refondation de l’assurance chômage : 

  • D’abord l’assurance chômage doit être obligatoire, en ce sens que tous les salariés y soient affiliés quel que soit leur risque de chômage, car aujourd’hui 30% des salariés ne participent pas au régime, essentiellement dans le secteur public. Cela permet à la fois de renforcer la solidarité face au chômage, donc l’équité et la justice sociale, mais aussi de réduire le coût de l’assurance tout en renforçant sa solidité par une meilleure diversification des risques. Avec cet élargissement de l’assiette la cotisation pourrait être abaissée de 2 points (de 6,4% à 4,4%, employeur + salarié) en conservant des recettes constantes. La manœuvre n’est pas neutre car comme pour le CICE on peut ainsi substituer une ressource fiscale à des cotisations sociales sur le travail marchand

  • Ensuite l’assurance doit être universelle, car des règles identiques pour tous sont une garantie d’équité entre tous les individus, salariés et chômeurs, et entre tous les employeurs.

  • Enfin la caisse d’assurance chômage doit être déchargée du financement des politiques publiques (culture, service public de l’emploi, etc.) : l’outil assurance chômage n’est pas adapté à financer ce genre de dépenses dont la destination appelle un financement fiscal. On pourrait ainsi transférer encore près de 1 point supplémentaire du coût du travail marchand vers l’impôt et abaisser la cotisation à 3,5%.

Vous montrez que des interventions de l’Etat ont contribué à écarter l’Unedic de sa mission et suggérez qu’il reprenne à son compte la dette de l’Unédic. Quelle est sa part de responsabilité dans la faillite de l’assurance chômage ?

La question n’est pas de trouver des responsables mais des causes à la situation actuelle : le fait est que l’habitude s’est progressivement installée de financer des dépenses très diverses, notamment des politiques publiques (aides à la culture, financement du service public de l’emploi, etc.), sur les fonds destinés à l’assurance revenu des chômeurs.

Cette démarche pragmatique, même si elle est acceptée par toutes les parties prenantes, n’a pas de fondements théoriques robustes. Elle nuit à l’efficacité de l’outil assurantiel qui n’est pas optimal pour effectuer ce type de travail, et finit in fine par fonctionner aux dépens de l’indemnisation des chômeurs, qui devient la variable d’ajustement puisque ce sont leurs droits qu’il est question de réduire et non les autres dépenses qui sont pourtant à l’origine de la dette.

Par ailleurs, la dette de l’Unedic n’est-elle pas déjà incluse dans la dette publique ?

La dette de l’Unedic est effectivement incluse dans la dette publique "au sens de Maastricht".

Une reprise de la dette par l’Etat est donc un simple jeu d’écritures, si ce n’est que les taxes prélevées pour la rembourser sont très différentes : si l’Unedic rembourse ce sont les chômeurs indemnisés qui sont taxés, si l’Etat rembourse c’est l’ensemble indistinct des contribuables qui est taxée au travers de l’ensemble des dispositifs fiscaux.

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