SeaFrance : des syndicats suicidaires<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
SeaFrance : des syndicats suicidaires
©

Ne m'appelez plus jamais (Sea)France

SeaFrance est en sursis. Le tribunal de commerce de Paris a annoncé ce lundi le report de sa décision sur le plan de reprise de la société. Celle-ci aura donc lieu le 3 janvier prochain. Mais comment expliquer la position de la CFDT dans ce dossier ? Pour l'ancien Secrétaire d'État aux Transports Dominique Bussereau, leur jusqu'au-boutisme signe l'arrêt de mort de l'entreprise.

Dominique Bussereau

Dominique Bussereau

Dominique Bussereau est député UMP de la 4ème circonscription de Charente Maritime. Il est aussi Président du conseil général de la Charente-Maritime. 

Il est ancien Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité (2004-2007)

Il a également occupé plusieurs postes de Secrétaire d'Etat, notamment aux Transports (2002-2004 et 2007-2010).

 

Voir la bio »

Atlantico : Dans le dossier SeaFrance, le tribunal de commerce de Paris a annoncé ce lundi le report de sa décision de reprise au 3 janvier 2012. Vous avez été en charge de ce dossier, que pensez-vous de cette décision ?

Dominique Bussereau : C’est un dossier compliqué. J’ai toujours considéré, lorsque j’étais en charge des transports au gouvernement, que SeaFrance n’avait pas vocation à rester dans le giron de la SNCF, dont ce n’est pas le métier d’être armateur. En outre, SeaFrance est en concurrence frontale avec Eurotunnel, c’est-à-dire le système ferroviaire, aussi bien pour le fret que pour les passagers, dans la traversée du Tunnel sous la Manche.

La seule et vraie solution eut été que SeaFrance s’adosse à un armateur professionnel. Les propositions récentes de Louis Dreyfus, associé à un armateur danois, pouvaient convenir. Mais le syndicat maison qu’est la section CFDT s’y est toujours opposé.

Comment expliquer cette attitude de la CFDT, qui a refusé systématiquement des plans de reprise plutôt avantageux ?

Cette position est suicidaire ! Elle consiste à vouloir rester dans un statu quo dont chacun sait qu’il n’est pas tenable. Bon nombre de compagnies, de toutes nationalités, sont positionnées sur ce marché des destinations britanniques ; il y a aussi Brittany Ferries, une compagnie française de qualité… La seule solution pour essayer de sauver les emplois et l’entreprise était de faire appel à un vrai partenaire, et que la SNCF accepte de sortir de ce guêpier. Trop de conservatisme a conduit à cette situation.

Pourquoi la CFDT reste-t-elle aussi intransigeante sur ce dossier et préfère proposer un projet de reprise porté par une société coopérative ?

J’ai le plus grand respect pour la CFDT en tant qu’organisation syndicale, pour les SCOP également, mais sur un marché extraordinairement concurrentiel et par là-même difficile, dans une période de crise qui touche particulièrement le secteur des déplacements, on ne peut rester tout seul dans son coin. Le fait d’avoir empêché tout accord, que la SNCF n’ait pas accepté l’offre de rachat de Louis Dreyfus, d’avoir découragé Brittany Ferries qui s’était également montré intéressé, le manque de volonté du propriétaire de SeaFrance, l’intransigeance des syndicats : toutes ces raisons ont directement conduit au blocage actuel.

La CFDT défend-elle vraiment les salariés dans ce dossier ? Les plans de reprise refusés conservaient 600 emplois sur 880, le projet était, semble-t-il, porteur d’espoir pour une partie des salariés de SeaFrance…

C’était évidemment la solution. Le syndicat maison a mis ses salariés dans un corner.

La CFDT se complait dans une rigidité dont il faut qu’elle sorte. Elle doit accepter de nouveaux partenaires. Malheureusement elle les a découragés un à un. Cela risque de se terminer par une liquidation. Dans un cas similaire, la SNCM a été au bord du gouffre à plusieurs reprises, il a fallu que l’Etat demande à Veolia de s’y intéresser. Quand il y a un jusqu’au-boutisme syndical, la mort de l’entreprise est la conséquence logique.

Cet entêtement des syndicats s’explique-t-il par une volonté de compenser leur manque de poids en termes de nombre de syndiqués ?

Je ne pense pas qu’il faille en tirer une conclusion globale sur les syndicats. Il y a une différence entre le syndicat maison de SeaFrance et la CFDT en général. Celle-ci est une organisation syndicale réformiste, qui joue rarement les blocages. Ce n’est pas la CFDT qui est en cause ici, mais l’encadrement d’un syndicat complètement arc-bouté sur ses positions, qui n’a de la CFDT que l’étiquette. C’est une volonté de maintenir à bout de bras quelque chose dont on sait qu’il ne peut pas fonctionner dans l’état actuel du marché.

Pourquoi ce manque de dialogue entre syndicats et patronat ?

En l’occurrence ce ne serait pas très stratégique de la part du groupe SNCF de s’engager davantage sur ce dossier. Il eut été plus astucieux d’accepter les offres de reprise d’armateurs plutôt que de rester borné sur une recapitalisation éventuelle et de maintenir SeaFrance en l’état. De plus, le groupe LD a été particulièrement courageux de revenir une deuxième fois à la charge, alors qu’il avait déjà été éconduit.

Le fait que le tribunal ait reporté sa décision peut paraître une bonne nouvelle pour les syndicats, mais en réalité sur le fond l’inquiétude est toujours plus grande.

Propos recueillis par Romain de Lacoste

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !