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Ce que l’Insee ne comprend pas sur l’évolution en trompe l’oeil du revenu des agriculteurs français ces dernières années
©Reuters

Différences notables

L’Insee dans ses comptes prévisionnels de l’agriculture 2015 conclut à une augmentation assez importante des revenus des agriculteurs. Mais elle prend en compte la totalité des agriculteurs sans différencier les éleveurs notamment.

Didier Caraes

Didier Caraes

Didier Caraes est économiste à l’Assemblée Permanente des Chambres d’agriculture (Paris) et enseignant en économie et sociologie rurale.

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Atlantico : Globalement comment ont évolué les revenus des agriculteurs ces dix, quinze dernières années? La baisse du nombre d'exploitants agricoles ne favorise-t-elle pas une hausse durable des revenus des agriculteurs restants?

Didier Caraes : L’agriculture française est entrée dans une période d’instabilité forte depuis le début des années 2000. Cela se traduit par des variations de revenu brutales d’une année sur l’autre. Pour mémoire entre 2007 et 2009, le revenu agricole moyen a baissé de moitié, puis il a doublé entre 2009 et 2011. Aujourd’hui, après une nouvelle période de baisse en 2013, le revenu agricole moyen a retrouvé les niveaux de 2011.

Mais il faut souligner que chaque année, le nombre d’agriculteurs baisse de l’ordre de -1.5 à -2.5%. Ces variations annuelles s’accumulant, on compte aujourd’hui 45% d’agriculteurs en moins qu’en 1990. De fait, si le revenu agricole moyen progresse ces dernières années, c’est que la baisse du nombre d’agriculteurs est plus rapide que la baisse du revenu agricole. La valeur de la production agricole est passée de 85 milliards d’€ en 1990 à 75.8 milliards d’euros en 2015, selon les derniers chiffres publiés par l’INSEE.

Existe-t-il une nette différence entre les revenus des éleveurs et ceux des producteurs de végétaux? Si oui a-t-elle toujours existé?

Les disparités de revenus au sein de l’agriculture française sont importantes entre les différentessecteurs de production. La hiérarchie des revenus peut changer d’une année à l’autre. Je tiens à souligner qu’au moment où les comptes de l’agriculture sont publiés, ce 15 décembre, il est très difficile de dégager des tendances sur les revenus par secteur de production en 2015. C’est un exercice auquel le Ministère de l’agriculture se livrait jusqu’à présent mais qu’il ne fait plus.

A la lumière des évolutions passées depuis plusieurs années, pour l’élevage, on peut noter que les éleveurs de bovins pour la viande dégagent traditionnellement des revenus faibles par rapport à la moyenne nationale. Le ciseau des prix charges / production est à leur défaveur. Les éleveurs laitiers ont des revenus proches de la moyenne mais l’année 2015 sera certainement en recul avec les baissesde prix qu’on a observé (en moyenne, l’INSEE mise sur une baisse du prix moyen du lait de -10%). Enfin, les éleveurs de porcins évoluent dans un marché très cyclique où les phases de surproduction succèdent aux phases de sous-production. Ils connaissent des fluctuations de revenu très fortes avec des revenus parfois négatifs. En outre, ces élevages mobilisent beaucoup de capital. Les baisses de prix (comme en 2015) et de revenu ont des impacts très forts quand il s’agit de rembourser les emprunts liés à leurs efforts d’investissement qui sont conséquents compte tenu de leur mode de production.

Le revenu des éleveurs est-il amené à décroître dans le temps?

Il est difficile de répondre globalement et il est périlleux dans le registre d’incertitude et d’instabilité où nous sommes désormais de faire des prévisions. En tout cas, on voit à moyen terme peu de signaux très positifs. La demande française de viande bovine et porcine est en stagnation. Les pays émergents représentent des opportunités, certes, mais leur croissance économique s’essouffle. Pour le lait, la sortie des quotas en avril 2015 a été difficile. Les éleveurs français doivent faire face à une offre européenne et mondiale qui pèse et pèsera sur les prix. Un élément positif après l’envolée des prix de l’énergie entre 2000 et 2012, ceux-ci ont amorcé une décrue qui soulage les comptes des agriculteurs ; cette décrue explique pour partie la croissance du revenu agricole moyen en 2015.

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