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Convention pour une Alliance populaire : l’instinct de survie de la gauche sera-t-il suffisant pour déminer les lourdes arrière-pensées du PS, des Verts et des communistes ?
©Reuters

Marchés de dupes ?

Jean-Christophe Cambadélis a annoncé mardi sa volonté de refonder la gauche afin de fonder une grande alliance populaire visant à inclure écologistes et communistes dans les perspectives des élections de 2017.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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C'est sa seule planche de salut. Il en a la certitude depuis longtemps. Depuis que droite et gauche font jeu égal avec le FN. Depuis que ce "un tiers, un tiers, un tiers" ne laisse plus aucune place aux voix discordantes. Depuis que la concurrence étant devenue dissidence, François Hollande sait qu'il n'a pas le choix. Qu'il ne peut se payer le luxe d'une Taubira, mise en orbite par Lionel Jospin pour lui apporter des voix au second tour de la présidentielle de 2002. 2017 sera une élection de pauvres. Pas de matelas de sécurité, il faudra aller chercher la victoire au couteau dès le premier tour. Et pour ce faire, François Hollande se doit d'être le seul candidat à gauche. Pour espérer battre Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé, personne ne doit lui voler la moindre voix, ni Cécile Duflot ni Jean-Luc Mélenchon… Bien que le président de la République ne se fasse aucune illusion sur ce dernier. Sa rancune étant tellement tenace qu'il ira jusqu'au bout, ça ne fait aucun doute, le travail consiste donc aujourd'hui à l'isoler, le marginaliser… et tuer tous les autres.

Pour accomplir cette tâche, il a mandé son vieux complice Julien Dray. Longtemps écarté par Valérie Trierweiler, Juju s'est vu confié la lourde tâche de préparer la prochaine échéance présidentielle dont l'un des grands chantiers, il en a convaincu l’Élysée, consistera à rassembler la gauche. Nommé en juin secrétaire national à l'alliance populaire, il s’est attellé à la lourde tâche de réconcilier la gauche et l'exécutif. A la manœuvre aussi l'incontournable Cambadélis qui a officiellement missionné Julien Dray: «Il faut une perspective de dépassement (du PS, ndlr) une fédération unitaire préparant une alliance populaire et progressiste". Lui aussi a développé l'idée dans une interview dans le Monde :" L’objectif est de dépasser le PS et les partis par un mouvement de la base pour faire une grande alliance populaire. Nous organiserons une convention en novembre 2016 de cette alliance populaire qui adoptera un schéma directeur, pour la prochaine présidentielle".

L'heure est désormais venue d'une nouvelle gauche plurielle, imaginée déjà par le même Jean-Christophe Cambadélis pour réunir une majorité après la dissolution de 1995. A l'époque, le deal reposait sur deux volets, un volet électoral qui visait à accorder quelques postes de députés aux Verts, au PC, aux radicaux et aux Chevènementistes, et un volet politique qui comportait plusieurs engagements: La réduction négociée du temps de travail hebdomadaire à 35 heures sans pertes de salaire. La relance de l'emploi des jeunes avec un plan emplois-jeunes de 700 000 contrats et le refus de signer le Traité d'Amsterdam (pacte de stabilité qui fonde l'euro) tant que les négociations sur un traité social européen ne seront pas engagées. La manœuvre a fonctionné à merveille et Jospin l'a emporté.

Mais les temps ont changé et si un compris électoral n'est jamais simple à trouver, un programme commun semble presque inimaginable tant François Hollande et Manuel Valls ont tiré le PS à droite, l'isolant encore un peu plus de ses partenaires. La question du centre de gravité de cette future alliance sera donc primordiale. Plutôt Macron, plutôt Duflot? Cette dernière a d'ailleurs immédiatement répondu, posant des jalons fermes. Selon elle, le chef de l’État a le choix entre deux options : une «coalition du prétendu "cercle de la raison" avec l'idée de conserver le système» ou une «coalition de transformation». «Pour la bâtir, je tends la main à François Hollande. Qu'il revienne à l'esprit de 2012 et rassemble enfin écologistes et communistes désireux de rejoindre un bloc majoritaire de transformation», et de détailler ses priorités : le lancement d’un plan d'urgence pour la jeunesse, avec la mise en place de 250.000 emplois jeunes et la création d’un contrat jeune entrepreneur. Elle veut également «inscrire la lutte contre le dérèglement climatique dans la Constitution et mener une politique volontaire d’investissement écologique ». Enfin, affirme-t-elle : «  les territoires ont besoin d’égalité : je plaide pour un bouclier territorial basé sur le maintien des services publics. Le dernier volet, c’est la défense de nos libertés et une réponse forte à la crise démocratique. Pour enrayer la désaffection politique, il faut mieux représenter la société et lui redonner la parole". Et de demander à François Hollande de résister à la tentation libérale autoritaire. Entendez, la ligne Valls. Quelques députés frondeurs et proches de Martine Aubry ont entamé la même démarche réclamant, hier, un nouvel agenda politique axé sur les questions économiques et sociales qui pourrait permettre de rassembler à gauche, "comme en 2012". Pour Christian Paul "On ne peut pas commencer l'année 2016 comme c'était prévu, avec une loi Macron II alors que les clefs de la loi Macron I ne sont pas encore refermées, avec une loi sur le Code du travail qui risque d'insécuriser socialement et professionnellement beaucoup de Français". Pour Jean-Marc Germain, proche de Martine Aubry, "il faut dire qu'on fait des réformes dans un but de solidarité et de coopération, pas de concurrence. Il faut dire que notre identité est républicaine avant d'être nationale, l'affaire de la déchéance de nationalité n'a aucune utilité opérationnelle, c'est un mauvais symbole. Si on est clair sur les réformes, les valeurs, l'identité, on peut faire une nouvelle alliance avec les écologistes".

Que ce soit dans la bouche de Cécile Duflot, dans celle des frondeurs ou des proches de Martine Aubry, les ennemis sont donc les mêmes: Manuel Valls et Emmanuel Macron, ces deux figures montantes du PS qui ont fait glisser la gauche vers la droite et qui parient que 2017 se jouera au centre. A cela, Jean-Christophe Cambadélis, hier soir, n'a pas répondu. Il a simplement expliqué : «  "Il y a une lassitude y compris au Parti communiste, y compris chez les écologistes et y compris au PS de se retrouver dans une situation où il faut faire l'union dans l'espace d'une soirée. Travaillons au rassemblement, essayons de trouver des points de convergence, non pas pour juger ce qui a été fait mais pour proposer ce que l'on veut faire » et d'ajouter : « "J'appelle les socialistes à la rupture, j'appelle la gauche à la rupture et j'appelle le peuple de gauche à la rupture. J'appelle le PS à la rupture avec le parti qui a été constitué à Epinay ».

Peut-on réconcilier la gauche et le centre, les sociaux-démocrates et les sociaux libéraux? C'est bien toute la question qui va se poser à François Hollande dans les mois qui viennent. Une sorte de pari pascalien. Car le chef de l’État ne semble pas vouloir trahir la ligne mise en place depuis 2012. Point de cadeau de fin de mandat, il veut croire que les électeurs se rallieront à lui par nécessité.

Les électeurs peut-être mais les leaders, non. Il faudra donc bien faire des concessions à Cécile Duflot et à Pierre Laurent pour s'assurer de leur soutien sans, toutefois, s'aliéner le centre qui sera un soutien bien utile surtout si Nicolas Sarkozy est désigné candidat de la droite pour 2017. Un tel grand écart semble compliqué à négocier mais Cambadélis et Dray sont des orfèvres des alliances électorales. Ils sont, en revanche, moins éclairés quand il s'agit de baptiser leur futur bébé: l'Alliance populaire, qui n'existe plus aujourd'hui, a été créée en 1992 afin de rassembler… quelques groupes locaux du FN en dissidence.

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