Le peuple palestinien existe-t-il ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Histoire
Aux Etats-Unis, les propos malveillants envers les Palestiniens s’inscrivent dans une longue tradition pro-israelienne.
Aux Etats-Unis, les propos malveillants envers les Palestiniens s’inscrivent dans une longue tradition pro-israelienne.
©Reuters

Polémique

Newt Gingrich, le possible futur président des Etats-Unis, répond que non ! Pour lui, le peuple palestinien «a été inventé» comme le soutient le néo-conservateur américain David Horowitz… Ce qui fait évidemment scandale. Mais donne peut-être à réfléchir quand on le compare au livre de Shlomo Sand "Comment le peuple juif fut inventé".

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

Voir la bio »

Newt Gingrich a fait savoir que selon lui le peuple palestinien est une « invention. ». L’indignation est grande. Aux Etats-Unis, chez les associations arabo-musulmanes, parfaitement minoritaires. Dans le monde arabe, autrement plus important. Et, bien sûr, en France, où les organisations pro-palestiniennes, très actives, donnent de la voix. Newt Gingrich est-il un provocateur ? Pas aux Etats-Unis où ses propos- clairement malveillants à l’égard des Palestiniens- s’inscrivent dans une longue tradition pro-israelienne, largement partagée (mais avec des bémols) par les Démocrates.

Le leader républicain s’inspire en fait des intellectuels néo-conservateurs américains. L’un des plus en vue d’entre eux, David Horowitz, a d’ailleurs cosigné un livre qui vient de paraître en France. Son titre : Comment le peuple palestinien fut inventé fait hurler dans de nombreuses chaumières bien pensantes. Dans certaines librairies, ses exemplaires voient leurs pages arrachées, taguées (genre "Juifs= nazis"!). Pour ceux qui l’ignoreraient, son titre répond mot pour mot au Comment le peuple juif fut inventé de l'historien israélien Shlomo Sand, qui fut très gentiment accueilli et qui est devenu, avec le Coran, un des principaux vecteurs écrits du combat visant à faire disparaître Israël. [NDLR : Shlomo Sand fait partie du mouvement des nouveaux historiens israéliens qui travaillent sur l'histoire de la naissance de l'Etat d'Israël]

Il serait utile de noter -dans une intention polémique que je ne dissimule pas- qu’aucune page de ce livre ne fut arrachée ou taguée par les partisans du Grand Israël. On pourra relever en conséquence - et ceci dans un souci de conciliation- qu’il est manifestement plus scandaleux de nier l’existence du peuple palestinien que celle du peuple juif. On pourra enfin regretter que le livre de Shlomo Sand n’ait pas paru dans les années 30 : le bon chancelier Adoph Hitler l’aurait certainement lu (le sujet le passionnait), et cela lui aurait certainement évité une regrettable erreur de casting qui l’a conduit à exterminer six millions de personnes qui n’existaient pas…

Revenons à M. Gingrinch. Ses objectifs sont limpides : il refuse la création d’un état palestinien. En cela, il a tort, absolument tort. Car il y aura tôt ou tard un Etat de Palestine. Le monde arabe, le monde musulman l’exigent. La communauté internationale s’y est, peu ou prou, ralliée. Et surtout, les Palestiniens ont payé le prix du sang pour l’obtenir. Car c’est toujours ainsi que l’Histoire avance. Dans le bruit et la fureur. Dans le sang et dans la violence. Et, in fine, par la victoire quand elle a lieu (car il y a aussi des défaites). Sans cela, les mots dont on se gargarise- justice, légitimité- ne sont rien, rien que des mots.

Les peuples, comme les Etats, naissent et meurent. Les peuples s’inventent- et oui !- se créent. Il convient pour comprendre de prendre quelques exemples. Le peuple américain est de fraîche date. Il s’est crée et inventé à la fin du 18e siècle quand les colons anglais de la Nouvelle Angleterre se sont soulevés- victorieusement !- contre le pouvoir tutélaire de leur mère patrie, la Grande Bretagne. Les peuples du Mexique, de Colombie, du Costa Rica, du Vénézuéla etc…, sont encore plus jeunes : ils datent du début du 19e siècle, quand Simon Bolivar initia le combat -lui aussi victorieux !- des colons espagnols contre la souveraineté du Roi d’Espagne. Le peuple palestinien est beaucoup plus récent : jusqu’à 1948, date de la création de l’Etat d’Israël, il faisait simplement partie du peuple arabe. Et, lui aussi, a gagné par le sang versé, et, avant tout, par le soutien sans faille du monde arabo-musulman. On peut évidemment trouver ce combat juste et légitime. Mais à l’évidence cela ne suffit pas.

Connaissez-vous le peuple biafrais ? Non. Car effectivement, il n’y a pas de peuple biafrais. Pourtant à la fin des années 60, il y eut un Etat du Biafra, issu d’une sécession d’avec le Nigeria. Tout était réuni pour la naissance d’un Etat et d’un peuple: une ethnie (les Ibos), une langue, une religion commune ( ils étaient chrétiens). La guerre du Biafra dura plus d’un an. Elle fut abominable (1 million de morts), et se solda par la disparition de l’Etat biafrais. Etait-ce juste, était-ce légitime? Connaissez le peuple kurde ? Oui. 15 millions d’hommes et de femmes parfaitement identifiés et soudés ( religion commune, tradition, langue) et – soit dit en passant- bien plus nombreux que les Palestiniens. Y aura-t-il un jour un Etat kurde ? Non. Il faudrait pour cela prendre des bouts, les régions kurdes d’Irak, d’Iran, de Syrie, et de Turquie. Le monde arabo-musulman s’y refuse et pourtant les Kurdes ont eux aussi payé le prix du sang, mais sans vaincre. Est-ce juste, est-ce légitime ?

Et la création de l’Etat d’Israël est-elle juste et légitime ? Contrairement aux Arabes, les Juifs, qui priaient depuis 2000 ans pour ne pas oublier Jérusalem, pensent que oui. Mais que serait-il advenu  de cette justice et de cette légitimité si, en 1948 , et plus tard à plusieurs reprises, l’armée juive n’avait triomphé des armées arabes ? Finalement, à bien y réfléchir, il y a des provocations utiles. Celle de M.Gringrich, aussi détestable et aussi excessive qu’elle puisse paraître, en est une. Il faut toujours garder les yeux ouverts. La justice, elle, a les yeux bandés. Son glaive est aussi aveugle qu’elle ! Et c’est toujours lui qui tranche et décide.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !