Philippe Doucet : "L’imaginaire de la citoyenneté est en régression dans les banlieues"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Philippe Doucet : "L’imaginaire de la citoyenneté est en régression dans les banlieues"
©Reuters

En mal d'imaginaire citoyen

Au lendemain des régionales Philippe Doucet, élu PS, député du Val d’Oise met l’accent sur la dimension identitaire qui doit émerger à gauche pour contrer la montée du FN et revient sur le bilan mitigé des dix années de politique des banlieues incapable d'enrayer les problèmes liés à la discrimination et à l'islamisme.

Philippe Doucet

Philippe Doucet

Philippe Doucet est député PS du Val-d'Oise et Président d'Argenteuil-Bezons, proche de Manuel Valls. 

Voir la bio »

Atlantico : Quelle est votre position sur la déchéance de la nationalité pour les bi-nationiaux?

Philippe Doucet : Sensible aux remarques de nombreux citoyens bi-nationaux se sentant en risque d’exclusion de la nationalité française, je propose, pour qu’il n’y ait pas deux catégories de Français, la mise en place d’une déchéance de citoyenneté pour tous (français, bi-nationaux) et une peine d’indignité nationale. Je rappelle que parmi les auteurs des attentats de janvier et de novembre, identifiés et décédés, il n’y a aucun binational, que des Français, mis à part le belge-marocain Abdelhamid Abaaoud.

A la suite des Rencontres d’Argenteuil en octobre dernier, où vous aviez convié, en partenariat avec la fondation Jean Jaures, politiques, chercheurs et journalistes pour débattre sur les politiques des banlieues, vous revenez, dans une note intitulée "Dix ans de politique sur les banlieues : fantasmes et réalités" publiée le 4 décembre, sur les politiques menées depuis les émeutes de Clichy-sous-Bois de 2005, "un épisode qui a marqué la République et l’imaginaire des Français". Vous qui êtes député et avez été maire d'Argenteuil, considérez-vous que la situation s’est-elle dégradée depuis ?

En dix ans, la politique menée a permis d’améliorer la situation dans les quartiers prioritaires, notamment par le biais de la rénovation urbaine et des transports qui ont aidé au désenclavement de la banlieue et à lutter contre la ghettoïsation. Avec le Grand Paris, la situation va encore évoluer. Mais d’autres questions comme l’échec scolaire et les problèmes liées aux discriminations religieuses à l’embauche n’ont pas été traitées, laissant l’apartheid social progresser. Il a fallu les attentats du 11 janvier pour que le débat s’ouvre, mais l’heure est aux solutions. 

Dans votre rapport, vous constatez que l’apartheid social a progressé dans les quartiers. Mais ne pensez-vous pas que la situation dans les banlieues ne doit pas seulement être réduite à un problème social, mais résulte aussi d’une crise de l’intégration dont la radicalisation des jeunes issus de l’immigration est le triste symptôme? 

La question sociale est centrale. S’il y avait moins d’échec scolaire, moins de discriminations, l’intégration serait bien meilleure. Et il faut aussi prendre en compte la question de l’imaginaire qui structure la représentation des banlieues, associée à la délinquance, à la criminalité et maintenant au terrorisme islamiste. Le développement de ces représentations sur la banlieue perçues comme menaces pour la République et la remise en cause de la citoyenneté de ces habitants créent un basculement dans l’opinion. Les stéréotypes sur les banlieues circulent dans les médias et répondent aux discours du bloc réactionnaire. Et les banlieues passent peu à peu pour « des lieux perdus de la République ».

Pourtant l’emprise de l’idéologie djihadiste sur certains jeunes de ces quartiers n’est pas une vue de l’esprit...

Non, c'est une réalité. Mais tout le monde voit bien la complexité du phénomène de radicalisation : causes personnelles, idéologiques, sociales, économiques... Il faut trouver de nouveaux outils pour assécher le phénomène à la source. Inspirons nous par exemple du travail mené par Dounia Bouzar, spécialiste du desembrigadement des jeunes et son Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam. Ou encore du travail du psychanalyste tunisien Fethi Benslama (auteur de "La psychanalyse à l'épreuve de l'islam) qui organise des séminaires mensuels sur le sujet. 

Vous mentionnez l’étude de Marie-Anne Valfort, économiste à l'Ecole d'économie de Paris, sur les discriminations religieuses à l’embauche. Combattre ces discriminations, aussi nécessaire que ce soit, suffit-il à créer le sentiment d’appartenance à la communauté nationale ?

Ça ne suffit certainement pas, mais c'est indispensable, car comment parler de République donc d'égalité quand l'importance de ces discriminations montre que l'égalité n'existe pas de fait. Mohamed qui doit envoyer quatre fois plus de CV que Pierre ne peut pas voir la République de la même manière. 

Dans votre rapport, vous estimez que "l'imaginaire de la citoyenneté est en régression".  Vous parlez de l’imaginaire des banlieues associées aux « classes dangereuses » ; n’est-ce pas plutôt les catégories populaires automatiquement perçues comme de petits blancs racistes-électeurs frontistes devant être rééduquées qui sont les réelles classes dangereuses mises au ban de la société?

On ne va rééduquer personne ! Aujourd’hui, tout le monde ne se sent pas patriote de la même manière. Les électeurs FN ont une vision particulière de la France et elle changera lorsqu’il y aura un autre récit national. J’entendais un maire LR qui ne comprenait pourquoi le FN remportait un score important alors que sa commune ne connaissait pas de problèmes de délinquance, ni de chômage. Les électeurs de cette ville ont voté FN pour un certain imaginaire national. Pour conclure, la vraie question politique est de retrouver comment faire nation. Ce sera l’un des sujets centraux de la campagne présidentielle de 2017.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !