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Abstention, plafond de verre du FN, efficacité du désistement républicain... Les enseignements à tirer des régionales
©Reuters

A retenir

Les résultats de dimanche confirment la tripartition de la vie politique française... Et cela ne se fait pas sans répliques à gauche comme à droite.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quels sont les enseignements que l'on peut tirer de ces résultats aux élections régionales de 2015 ?

Jérôme Fourquet : Ces résultats nous en apprennent beaucoup sur les ressorts notamment du vote Front national, et sur la recomposition électorale de la vie politique.

1 – Premièrement, la très forte progression de la participation d'un tour à l'autre est à noter. C'est un phénomène tout à fait inédit, et dont le seul précédent pour ce niveau de mobilisation est la présidentielle de 2002. Un scrutin dont on se rappelle qu'il était déjà marqué par la présence du Front national au deuxième tour. Cette configuration remobilise l'électorat, une mobilisation qui se compose minoritairement de l'électorat frontiste abstentionniste, qui se sent probablement galvanisé par un score élevé du Front national, mais qui provient surtout majoritairement des électeurs opposés à la perspective d'une victoire FN, et qui se range donc du côté des candidats restés en lice.

2 - Deuxième enseignement majeur, en partie lié au précédent : si le FN poursuit sa dynamique et continue de progresser tant en score qu'en nombre de voix dans certaines régions d'un tour à l'autre, le FN ne parvient à l'emporter dans aucune des six régions où il était en tête au premier tour. Le Front national se trouve a des niveaux historiquement élevés, profite d'une dynamique puissante, mais demeure néanmoins une force politique solitaire qui en l'absence d'alliés et face au retrait républicain n'est pas capable de dépasser le plafond de verre des 50%. Le front et le désistement républicain continuent manifestement à fonctionner.

En effet, on a constaté des bons reports des électeurs de gauche vers les listes de droite, et une mobilisation d'abstentionnistes qui sont plutôt allés contre le Front national au second tour. Autrement dit, les tirs de barrage contre le Front national demeurent efficaces.

Et c'est une déception pour l'Etat major frontiste, bien qu'une déception partielle. On y retrouve le sens de l'intervention de Marine Le Pen de dimanche 13 décembre au soir du second tour : le FN inscrit sa stratégie dans la durée, et observe les progressions enregistrées avant tout.

Le Front national sera bien présent dans la totalité des conseils régionaux, ce qui lui permettra probablement de gagner des points dans les batailles à venir. Une défaite donc en demi-teinte pour le Front national, puisqu'un nouveau pallier a été franchi.

3 – Troisième enseignement : les résultats de ce scrutin confirment que nous sommes installés dans la tripartition de l'espace politique. Et cette configuration politique nouvelle perturbe fortement les institutions politiques, tout comme la perception des résultats aux élections. Si l'on prend le dernier scrutin régional en 2010, nous étions encore dans un modèle classique d'élections intermédiaires où le pouvoir en place impopulaire était sanctionné durement au profit d'une opposition qui raflait la mise : cela avait été le cas pour la droite sanctionnée en 2004 et 2010. Dans cette dernière élection, cette mécanique avait connu un paroxysme : 21 régions sur 22 étaient tombées dans l'escarcelle de la gauche.

Aujourd'hui la gauche et le Parti socialistes, malgré leur impopularité, parvient à résister à la "vague bleue" qui était annoncées. La droite remporte une majorité de régions, certes, mais elle n'obtient la Normandie que d'une courte tête et dans deux régions -PACA et NPDCP -, la victoire se fait grâce au désistement du PS. 

Cette mécanique est donc grippée du fait de la tripartition. Le FN fait sentir ses effets perturbateurs, en positif ou en négatif sur chacun des deux autres pôles.

Ainsi au premier tour, la forte poussée frontiste fait des dégâts à gauche, en la contraignant à sacrifier deux régions -voir trois si l'on considère ce qui était prévu par les instances nationales. Mais au deuxième tour, la gauche a à son tour pu tirer des bénéfices d'un FN à un haut niveau : en région Centre ou en Bourgogne Franche-Comté, où les résultats étaient très serrés, les régions auraient dû basculer à droite, ce qui n'a pas été le cas. En Bretagne, en Aquitaine et en Languedoc-Roussillon, on peut penser que même avec un FN un peu moins haut, la gauche n'était pas menacée. Mais elle sauve la mise grâce à un FN élevé : la gauche passe ainsi de 3 à 5 régions. 

Mais un FN à un niveau élevé profite aussi à la droite : dans une configuration de triangulaires en NPDCP et en PACA, elle aurait vraisemblablement été battue par le FN. La droite récupère donc un nombre de sièges astronomique dû à la fois à la prime de 25% accordée à la liste gagnante, mais aussi du retrait de la gauche.

4 – Enfin ce que l'on apprend aussi, c'est que l'électorat du Front national pratique le vote stratégique en fonction du niveau du vote FN dans une région donnée, et selon la configuration de vote du premier tour. On le voit très clairement en Île de France.

Aux municipales et aux départementales, le FN reculait au second tour quand il était deuxième ou troisième. Inversement, en duel, il conserve ses positions –et progresse même- lorsqu'il est en tête, un phénomène que l'on a aussi retrouvé pour les régionales. En triangulaire, dans bon nombre de région le FN maintient ses positions. Inversement, dans une région comme l'Île de France, le FN reflue assez significativement de 18% à 14% au profit de Valérie Pécresse, en position de remporter la région face à Claude Bartolone.

Mais être arrivé en troisième position ne provoque pas forcément ce reflux stratégique : ainsi en Bretagne, la liste FN ne baisse pas entre le premier et le second tour. Pourquoi, parce qu'à l'aune des résultats du premier tour, Jean-Yves le Drian était beaucoup trop haut pour que la droite puisse l'emporter. Il n'y avait aucune perspective de victoire possible, et le vote est donc resté frontiste.

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