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Propagande : de l'importance des slogans et symboles pour faire passer un message
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Bonnes feuilles

Dans un style clair et accessible, cet ouvrage s’adresse au citoyen qui s’intéresse à la manière dont il est informé à l’ère de la communication de masse et des réseaux sociaux. Les exemples proposés sont historiques mais aussi contemporains ! Extrait du livre "Petit traité de propagande à l'usage à l’usage de ceux qui la subissent" aux éditions de Boeck Supérieur 2/2

Etienne F. Augé

Etienne F. Augé

Etienne F. Augé est docteur en histoire et civilisations de l'Ecole des Huates Etudes en Sciences Sociales de Paris. Il a enseigné la communication internationale et le cinéma dans plusieurs universités. Ses travaux sont référencés sur son site.  

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Slogans, symboles, logos

Un slogan constitue une phrase brève mais marquante qui combine les deux préceptes clés de la propagande : simplification et répétition. L'avantage du slogan, lorsqu'il a été bien élaboré, est qu'il se répand de lui-même. Le mot slogan serait d'origine celte, signifiant le cri de guerre d’un clan. Le travail du propagandiste consiste à définir le slogan dans les termes les plus brefs afin qu'il symbolise sa pensée. "Allahou Akbar" (Dieu est le plus grand), répété par des millions de musulmans, est l'exemple d'un slogan réussi, exprimant à la fois le credo de l'islam et son objectif politique.

Pour Serge Tchakhotine, l’auteur du Viol des foules par la propagande politique, lorsqu'il s'agit d’idées, il est essentiel pour un propagandiste de suivre une pyramide, dont le socle serait la doctrine, le deuxième étage le programme, le troisième le slogan et enfin le symbole à la pointe. Une idée doit se décliner en symboles, ce que l'on appelle aujourd'hui un logo dans le vocabulaire du marketing. Un symbole constitue une représentation porteuse de sens. Il s’agit en général d’une image stylisée qui évoque une idée abstraite. Tout comme les langages représentés par des idéogrammes, un symbole ne signifie rien en lui-même. Pour comprendre le symbole, il faut posséder une clé de décryptage, car le même symbole peut être utilisé pour plusieurs usages parfois antagonistes. Ainsi, la lettre Omega, dernière de l'alphabet grec, signifie l’infini en mathématiques lorsqu’on utilise sa minuscule, mais sa majuscule est utilisée comme logo d’une entreprise de montres haut de gamme ou en physique et chimie pour désigner l'ohm. Le symbole évolue dans le temps et prend une forme de plus en plus abstraite qui n'aura plus qu’un lointain rapport visuel avec l'original, comme c'est le cas avec les idéogrammes.

La croix, retenue pour symboliser la chrétienté, reste l’un des symboles les plus aboutis et les plus efficaces. À l’origine, elle rappelle le martyre de Jésus-Christ qui meurt crucifié par les Romains. Certains crucifix portent encore une statuette de Jésus subissant son calvaire, mais la plupart des croix sont vides de personnage. La croix représente également un symbole universel : en intégrant une ligne horizontale et une ligne verticale, elle fait coexister des contraires qui se complètent et symbolisent alors la notion d’infini. La croix chrétienne possède ainsi entre autres la même signification que la Magen David, l’étoile à six branches, devenue symbole du judaïsme, dont les deux triangles superposés, l’un orienté vers le haut, l’autre dirigé vers le bas, sont sujets à de nombreuses interprétations : visible et invisible, principe masculin et féminin, clair et obscur. De même, le symbole du Tao, une philosophie et religion chinoise, est bien connu dans le monde : formé de Yin et Yang, il est constitué d’un cercle partagé en deux moitiés égales qui semblent se poursuivre, l’une blanche, l’autre noire avec chacune en son sein un plus petit cercle de la couleur opposée. Les deux principes Yin et Yang sont contraires, complémentaires, indissociables et fonctionnent en harmonie. Le symbole associé au Tao reflète donc parfaitement les principes de la philosophie.

Le propagandiste est attentif à la perception du symbole, qui peut être mal interprété. La Croix-rouge tire la signification de son symbole – une croix rouge sur un fond blanc – du drapeau suisse, et non de la croix chrétienne. De nombreux pays musulmans perçoivent toutefois l’emblème de la Croix-rouge comme une émanation de la chrétienté et ont donc participé à la création d’un organisme complémentaire, le Croissant-rouge, dont le logo provient du symbole de l’Islam.

Par la suite, comme expliqué dans la technique "Blouses blanches et galons", il est important de décliner le symbole en fonction du support, dans ce qu'on nomme une charte graphique. Des règles doivent codifier la place et les proportions du symbole selon qu'il est placé sur un uniforme, une affiche, un bijou ou tout autre emplacement de communication.

On peut également parler de la symbolique du geste, utilisée par le propagandiste pour renforcer son arsenal. Une fois de plus, toute interprétation se fait en fonction de son bagage culturel : le même geste peut avoir des significations très différentes en fonction des publics. En outre, pour compléter la panoplie de la propagande, on peut évoquer le symbole sonore, tel que l’hymne national qui déclenche bien souvent un réflexe gestuel. La plupart des peuples expriment leur respect à leur chant patriotique officiel en se levant, certains même mettent la main sur le coeur afin de montrer l’attachement sentimental qu’ils éprouvent pour leur pays. Le propagandiste peut ainsi choisir une chanson officielle qui sert de symbole, mais ce travail doit intervenir après que les idées qu’il diffuse soient établies. L’exemple de l’Union européenne, qui a choisi comme emblème sonore « L’hymne à la joie » de Ludwig Van Beethoven, montre les dangers d’élaborer une communication de masse avant de posséder une doctrine lisible, voire une existence tangible. Peu d’Européens connaissent l’existence de cet hymne, peut-être parce que l’Europe n'a pas encore réussi à faire partie du quotidien de ses habitants autrement que sous une forme contrainte et assez peu "joyeuse".

Savoir citer dans tout contexte (Testimonials)

Il existe une technique bien connue des universitaires, des religieux comme des journalistes, consistant à exprimer une opinion au travers d’une

personne hautement respectée ou au contraire abhorrée. Cette citation, le plus souvent présentée hors de son contexte, permet de donner plus de puissance à un argument, comme si l’on s’adjoignait un allié verbal de plus de poids que soi-même. La réputation ou le rôle de la personne ou de l’entité citée est exploitée au profit du propagandiste qui peut se targuer ainsi d’être un intermédiaire influent. Il est essentiel que le public connaisse la source citée, car dans le cas contraire, le propagandiste peut passer pour pédant ou absurde.

Le choix de la source peut découler de plusieurs facteurs :

• Prestige : la confiance est accordée à la source en raison de ses exploits passés. En conséquence, le prestige doit être lié au sujet de la citation. Une phrase d’un général victorieux dans le passé fait parfois impression en temps de guerre.

• Identification avec la cible : l’auditoire est plus à même de se sentir concerné par les paroles d’une source ayant connu le même type d'expérience que lui. Par exemple, une personnalité provenant de la même région que le public.

• Objets inanimés : une citation peut être renforcée par une référence à un objet ou un lieu. Les Pyramides d’Égypte véhiculent l’idée d'une architecture qui traverse les siècles, et donc de principes immuables ; Stonehenge apporte une touche de mystère à un discours ; Paris « la ville lumière » sera souvent synonyme de sophistication et de beauté au contraire de Beyrouth ou Sarajevo qui expriment le chaos.

De la même façon, le propagandiste peut utiliser d’autres sources que des hommes, comme des institutions, des idéologies, des drapeaux ou alors des valeurs, croyances ou principes. Il importe alors au propagandiste de rester plausible. Le propagandiste pourrait être tenté de fournir à son auditoire de fausses citations qui iraient dans le sens du message qu’il essaie de faire passer. Encore une fois, la propagande joue sur ce qui est vrai ou ce qui ne peut être prouvé. Il est donc préférable d"éviter les "faux témoignages" en ce qu’ils sont facilement décelables et peuvent fournir des armes à l'adversaire du propagandiste. Si le propagandiste ne peut fournir de citations véridiques, il convient alors de rester dans le vague. Déclarer que tel grand homme "aurait pu dire" reste du domaine de l'interprétation, et sera moins inexact que déclarer que tel grand homme "a dit" si la citation est inventée. Les religions basées sur des prophètes ou des écrits utilisent cette technique afin de montrer leur héritage divin, basé sur les enseignements prophétiques. L'accumulation de références ne peut pas nuire, car celles-ci apparaissent comme autant de raisons de suivre le propagandiste, à la manière des affiches de cinéma reprenant, en les tronquant, les critiques positives. Ajouter "superbe" en citant une source estimée du public donne l’impression que l'oeuvre est réussie, même si la citation exacte était moins louangeuse en apposant un définitif "superbe de médiocrité". On peut compter sur l'effet d’entraînement de ce genre de qualificatifs, qui peuvent d'ailleurs être inventés en partie sans grand risque dans le cas d’une oeuvre culturelle diffusée de façon éphémère. Autant, dans le cas d’une propagande à long terme, il est préférable de ne pas saper la crédibilité du propagandiste en utilisant de faux témoignages, autant, pour des opérations ponctuelles, il est possible de tenter de créer l’événement en utilisant de fausses sources. Ainsi, cette affaire, relevée par Annette Lévy Willard dans le quotidien Libération en 2001 :

  Un certain David Manning, critique dans un petit journal local, The Ridgefield Press, (hebdo du Connecticut qui tire à 7 500 exemplaires), ne tarissait pas d’éloges sur les "chefs-d'oeuvre" de Columbia : A Knight's Tale ("avec l'acteur le plus hot de l'année"), The Animal (avec Rob Reiner), Hollow Man, Vertical Limit... Films par ailleurs devenus tous des succès au box-office. Grâce à Manning ? Les citations du critique de cinéma du Ridgefield Press ont été utilisées pour les affiches des films et les pubs dans les journaux.

  Prête-nom. C'est le magazine Newsweek, préparant un article sur les critiques de cinéma, qui a découvert que le fameux David Manning n'existe pas. Ou, plus exactement, qu'il y a bien quelqu’un qui s’appelle David Manning mais qu’il n’est pas critique de cinéma. C'est un vieux copain de collège d’un cadre du marketing de Sony Pictures qui lui a emprunté son nom.

  En jouant sur la nature humaine, il y a fort à parier que ce scandale n'a pas entaché durablement la réputation du studio Sony Pictures. Pour ternir le renom d’une personne ou d’un groupe, il est nécessaire de répéter les attaques et de les rappeler au bon souvenir de son auditoire comme l'indique le procédé de propagande suivant.

Extrait du livre "Petit traité de propagande à l'usage à l’usage de ceux qui la subissent" d'Etienne F. Augé, aux éditions de Boeck Supérieur, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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