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Pourquoi les personnes les plus désagréables sont celles qui réussissent le mieux en entreprise
©Reuters

C'est vraiment trop injuste

Le brillant patron d'Apple, Steve Jobs, était connu pour être quelqu'un de très désagréable. Il est généralement admis que les personnalités au fort caractère réussissent très bien dans le milieu professionnel. A condition que cela soit mis au service des objectifs de la structure, et que la personne soit capable, en dépit de son caractère, de s'adapter aux situations et à ses interlocuteurs.

Jawad Mejjad

Jawad Mejjad

Jawad Mejjad est docteur en sociologie, chercheur au Ceaq-La Sorbonne, enseignant et responsable pédagogique au Cnam, et gérant d'une société industrielle (Ermatel).

Ses réflexions et ses recherches portent principalement sur les valeurs et les structures d’organisation de la société, avec une focalisation sur l’entreprise, à l’aune de la postmodernité.

Il a publié Le rire dans l’entreprise, chez l’Harmattan, en 2010.

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Atlantico : Le regretté Steve Jobs, brillant patron d'Apple, était également connu pour avoir un très mauvais caractère. Une étude démontre que les personnes ayant un mauvais caractère réussissent plus facilement dans le monde professionnel. Comment l'expliquer ?

Jawad Mejjad : En effet, il y a d'abord toute une tradition selon laquelle on reconnait le chef par son tempérament ou plutôt mauvais tempérament. Une personne gentille n'est pas reconnue comme chef dans notre société. La notion de leader a beau évoluer, le chef traditionnel et charismatique reste quelqu'un de dur qui sait prendre des risques et être désagréable au fond. Notre société s'est construite contre le conflit. La modernité s'est construite contre les guerres de religion et le conflit nous horripile. Le commerce est venu remplacer la guerre comme le disait Tocqueville. Les gens qui n'aiment pas le conflit laissent la place à ceux qui vont oser. C'est l'addition des deux éléments entre le tempérament traditionnel du chef et le fait d'éviter le conflit qui permet aux personnes de mauvais caractère de s'imposer dans le monde professionnel. Très concrètement : on est responsable d'une équipe et l'un des éléments a un sale caractère. Au moment d'augmenter les salaires, c'est celui qui sera le plus désagréable et qui viendra se plaindre qui touchera un plus gros salaire même s'il ne mérite pas plus. Cela a tout de même ses limites.

Si le fait d'avoir mauvais caractère peut être utile pour imposer ses idées, quelle est la limite à ne pas dépasser ? Comment trouver le juste équilibre ?

La limite va être ce que l'on apporte aux autres. Les personnes qui vont réussir, comme Steve Jobs par exemple, ce n'est pas seulement par leur mauvais caractère bien évidemment. Le mauvais caractère ne suffit pas du tout et peut même être contreproductif. Le leader qui va être reconnu, c'est celui qui va apporter quelque chose à son équipe et l'aider à réaliser ses objectifs. Le mauvais caractère pourra aider pour certains petits acquis comme une augmentation. Mais au moment de faire émerger un véritable leader, la barrière la plus importante sera : qu'apporte-t-on aux autres d'une façon globale ? Concrètement, on sait que l'on a dépassé les limites du mauvais caractère lorsque le groupe vous le fait savoir. Le leader n'est pas quelqu'un qui a une fonction déterminée dans le groupe, cela ne suffit pas. Ce sont les autres qui le nomment et les limites seront dépassées lorsque le groupe perdra son équilibre. Steve Jobs lui-même a eu des hauts et des bas dans sa carrière quand il n'apportait pas ce qu'il fallait à ses collaborateurs.

Comment s'en sortir dans le monde professionnel lorsque l'on ne dispose pas d'un caractère aussi mauvais ?

Malgré tout, le monde professionnel, il faut le dire, est un monde de pouvoir qui repose sur des équilibres. Tout dépend des barrières que l'on a devant soi. Quelqu'un de très gentil qui a une qualité essentielle technique ou même d'écoute ou de management qui est rare dans le groupe pourra bien s'en sortir puisqu'elle sera recherchée. La gentillesse peut même en faire partie dans certains environnements. Il n'y a pas de vérité unique c'est en fonction des situations. Quelqu'un de gentil peut se retrouver dans une très bonne position si la stratégie d'entreprise est d'avoir des relations apaisées et si le poste ne demande pas de l'arbitrage pur et dur en faisant jouer de la personnalité. Il n'y a pas de bonne personnalité ou de bonne entreprise, c'est une question d'adéquation. Des personnes réussissent bien pendant 10 ans ou 15 ans dans une entreprise. Après une fusion ou un changement de management, ou une culture d'entreprise différente, une personne valorisée peut l'être beaucoup moins, voire être licenciée. C'est donc l'adéquation entre le caractère et la situation qui importe. La personnalité, c'est la somme de tous les rôles que l'on peut jouer. Une personne qui ne sait jouer qu'un seul rôle se retrouvera alors en position de faiblesse. Un bon manager à l'heure actuelle n'est plus une personnalité unique comme on a connu traditionnellement. Il faut une personne qui sache s'adapter à un nombre élevé de situations. Il pourra être dur et désagréable quant il faut et être gentil voire même naïf, et éventuellement rusé aussi. Il faut avoir la juste personnalité au moment adéquat.

Être à l'écoute constitue-t-il une qualité professionnelle indispensable ? Quelles sont les autres qualités ?

Clairement, nous ne sommes plus dans une situation de hiérarchie et d'autorité telle qu'on a connue avant. La société évolue et l'entreprise avec. Le modèle de start-up va avoir tendance à se généraliser. La personne à l'écoute et qui va prendre soin des autres va pouvoir en profiter. Les jeunes générations demandent ces personnalités qui génèrent moins de conflit. Un manager actuellement n'est pas quelqu'un qui sait faire, la demande de connaissances techniques n'est plus la même. D'ailleurs, dans les start-ups, les nouveaux arrivants maîtrisent mieux les nouvelles technologies. Un manager devra être à l'écoute pour identifier les besoins réels de son équipe et leur donner les moyens de les réaliser.

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