Deuxième tour des régionales : élection piège à cons !

Touillez, touillez il en sortira bien quelque chose ! La maison brûle et pour circonscrire l'incendie on se rabat sur une tambouille vomitive. Ah il n'est pas frais mon frichti ? Ah elle n'est pas bonne ma ragougnasse ? Ah il n'est pas goûteux mon fricot ? Mangez, mangez vous verrez il contient une délicate "chair à voter" (l'expression est de Marine Le Pen et, une fois n'est pas coutume, je la lui emprunte bien volontiers) !

Pauvres électeurs de gauche. Vous habitez en région PACA et on vous dit de voter pour Christian Estrosi afin que Marion Marechal soit dans les choux. Mais pendant des semaines on vous a dit qu'Estrosi et Maréchal c'était la même chose. Et maintenant, l'alchimie de Valls et de Cambadelis ayant miraculeusement transformé le vil plomb en or, on vous annonce que ce n'est plus du tout la même chose. Vous avez vraiment envie de manger ce plat, dégueulasse il y a quelques jours, devenu succulent aujourd'hui ?

Dans la région Nord Pas de Calais on vous propose un menu unique : moules – frites. Les moules sont défraichies et les frites molles comme des coquillettes. Peu importe : vous êtes convié à bouffer du Xavier Bertrand pour éviter d'avoir à manger du Marine Le Pen. Mais il se disait il y a encore quelques jours que le Bertrand était aussi immangeable que la Le Pen. Et alors ? Selon le bon vieux sens près de chez nous (le plus stupide qu'il soit) quand on n'a pas ce qu'on aime on aime ce qu'on a…

Ainsi sombre la gauche. Ainsi sombrent – et c'est bien plus grave – l'honnêteté, la dignité et la morale. Ces vertus ne sont plus de mise dès lors qu'il s'agit de faire barrage au FN : tout sauf Marine Le Pen ! C'est une politique ça ? C'est un programme ça ? C'est une promesse d'avenir ça ? Un parti politique, un parti de gouvernement, a-t-il encore une crédibilité quand il se contente juste d'être contre ? Mais, Bon Dieu, la politique n'est noble, que si elle dessine les contours d'un pour prometteur.

Il s'agit d'un désastre. Un désastre bien pire que le score calamiteux de la gauche au premier tour et que celui, pas à la hauteur des espoirs de Sarkozy, des Républicains. Car ce qu'on assassine dans les cuisines de la rue de Solferino c'est tout simplement l'honneur. Marine Le Pen, et on la comprend, sera parfaitement en droit de crier aux électeurs de gauche : "mais vous n'allez quand même pas manger de ce pain-là" ?

Dans la région Grand Est il y a un socialiste du nom de Jean-Pierre Masseret. C'est un honnête homme. Il a refusé de tremper sa cuillère dans la tambouille préparée à Paris et a décidé de concourir sous ses propres couleurs. Il a subi les foudres de son parti qui lui a retiré son investiture. Jean-Pierre Masseret va sombrer lui aussi. Mais pavillon haut. Si j'habitais du côté de Colmar c'est pour lui que j'irais voter. Même pas pour des raisons politiques. Mais simplement parce que le courage est aujourd'hui en France une vertu rare.